La Cinémathèque québécoise

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Les textes qui suivent tentent de restituer, à travers les principales interventions, l’essentiel d’un colloque qui a réuni à la Maison de la Culture de La Rochelle, en mars 1982, des créateurs, universitaires ou critiques de cinéma qui ont reconnu depuis longtemps dans l’œuvre de Pierre Perrault une approche différente de la création cinématographique.

Se connaissant presque tous, mais n’ayant jamais eu l’occasion de discuter longtemps entre eux de leur thème d’étude commun, les participants ont pu, à la faveur d’un climat chaleureux et dépourvu d’agressivité, aller jusqu’au bout de leurs interrogations, de leurs doutes ou de leurs certitudes.

Unanimité? Seuls ceux qui ont des colloques l’image souvent vérifiée de lieux où le brillant des répliques et l’autorité du propos l’emportent sur le souci d’approfondissement pourront croire cela. Une seule certitude commune pour le groupe : l’importance des questions que, depuis plus de 20 ans, inlassablement, le cinéma de Pierre Perrault pose au cinéma.

Car c’était bien le cinéma qui était au centre de ce débat, et non pas l’ethnographie, la sociologie ou la politique, autant de sciences ou activités du plus haut intérêt, auxquelles Perrault a peut-être des comptes à rendre, mais dont la logique évacue souvent ce que le cinéma a de spécifique. Pour répondre à ces autres questions, d’autres colloques ont eu lieu ou auront lieu avec d’autres spécialistes. Nous leur souhaitons la même sérénité et la même passion. Le débat autour de LA BÊTE LUMINEUSE, dont la projection a clôturé la rétrospective parallèle au colloque, a montré la diversité des sensibilités et des interprétations. Le film étant depuis sorti sur les écrans québécois, il nous semble inutile de reproduire un long débat, moins intéressant par écrit que dans l’exaltation de l’instant, et qui ne faisait qu’anticiper sur un débat plus large désormais relaté par la presse.

Quatre thèmes avaient été retenus, dont il est apparu qu’ils n’épuisaient pas un sujet aux prolongements insoupçonnables.

Le cinéma de Perrault a d’abord été interrogé comme cinéma de la parole, assumant ce paradoxe d’un cinéma qui fait de la parole un matériau conducteur, et ne révèle que plus tard l’apport décisif de l’image. Il avait été confié à Louis Marcorelles et Michel Marie de poser les points de repères en ce domaine.

Pierre Perrault en l'hôtel de la ville de La Rochelle, Colloque mars 1982
Pierre Perrault en l’hôtel de la ville de La Rochelle, Colloque mars 1982
Coll. Cinémathèque Québécoise

Quel est donc ce cinéma qui, prenant ses matériaux dans le réel, parvient à la subtilité de l’écriture; qui, mettant en avant l’objectivité de la scène filmée, assume une personnalité d’auteur? Yves Lacroix et Guy Gauthier, opérant en tandem franco-québécois, ont tenté à la fois de distinguer et de réunir dans un même mouvement l’opération diurne du tournage, pendant laquelle le cinéaste disparaît derrière ses personnages, et l’opération nocturne du montage où se réinsèrent subrepticement les catégories classiques du discours et du récit.

Du récit à la fiction, le pas est vite franchi. C’est ce que conteste Pierre Perrault, qui ne voit dans la fiction qu’une colonisation par l’imaginaire des autres. Et René Allio, cinéaste de fiction, lui oppose une autre définition. Ici se situe la seule partie transcrite du débat.

Que cette alchimie soit affaire d’écriture devient encore plus éclatant quand on met en regard les méthodes de transcription du cinéaste et les écrits du poète, Madeleine Chantoiseau et Gaston Miron 1, à travers l’œuvre poétique, ont forcé par une autre voie quelques secrets du montage. Montage, écrits : écritures.

Reste que Pierre Perrault, cinéaste, est profondément Québécois, et qu’il se voit Québécois avant de se voir cinéaste. On n’est pas forcément tel qu’on se voit : ce fut aussi un beau sujet de débat qui mit quelquefois l’intéressé sur le gril. Il revenait à deux Québécois de poser des questions croisées, et essentielles : en quoi l’œuvre interpelle-t-elle le Québec (Suzanne Trudel); comment le Québec se perçoit-il dans l’œuvre de Perrault (Jean-Daniel Lafond).

Guy Gauthier

POUR LA SUITE DU MONDE (1963)
POUR LA SUITE DU MONDE (1963)
© ONF

Notes:

  1. Gaston Miron ayant trouvé inadéquate la transcription de ses interventions improvisées et n’ayant pu produire un autre texte dans les délais impartis à cette publication, il a cru préférable de ne rien y faire paraître.
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