Présentation
Ce catalogue recense et présente 620 films de court et moyen métrages (moins de soixante et une minutes) produits au Québec, pour la plupart en 1981 et 1982. Nous avons aussi intégré à ce numéro quelques titres n’ayant pas été inscrits dans les répertoires des années précédentes. Un numéro double donc de Copie Zéro, qui nous permet de reprendre le retard (causé principalement par le réaménagement de la Cinémathèque dans de nouveaux locaux) pris au cours des deux dernières années.
Les limites que nous nous sommes fixées pour déterminer le choix des films sont d’ordre géographique, c’est-à-dire que les films retenus, qu’ils soient réalisés par des sociétés indépendantes ou gouvernementales, par des étudiants en cinéma, par ou pour la télévision, ou encore par l’Office national du film, devaient avoir été produits en totalité ou en partie au Québec. Nous répertorions, sans aucune distinction, tout ce qui est tourné sur pellicule 16 et 35 mm et cela va de l’indicatif télévision de 5 secondes à la dramatique de 60 minutes, du film expérimental au message publicitaire.
Pour chacun des titres, classés par ordre alphabétique et numérique, il est fourni un certain nombre de renseignements, notamment: la durée et le format du film, le générique détaillé, un aperçu de son contenu et, bien entendu, le nom de la maison de production et de distribution.
En deuxième partie de l’ouvrage, six index ont été établis renvoyant aux films traités: par titres, noms, maisons de production, durées,années et sujets. Les Indexs des noms et des maisons de production sont de précieux instruments qui permettent de lire immédiatement les renseignements filmographiques concernant la personne ou la firme citée.
Et pour marquer l’importance et le grand nombre de films d’animation réalisés ces deux dernières années, un texte de Louise Beaudet nous propose une réflexion sur ces images animées, particulièrement celles produites et diffusées par la télévision.
La télévision, l’animation et le mouvement suisse
L’“iconosphère” dans laquelle nous vivons aujourd’hui a commencé à se manifester de manière explosive au début des années 50. Dans notre époque d’hypersignalisation, même “le mot a pris conscience de son image”. Cette civilisation graphique s’est incarnée notamment dans le domaine de la création de titres et génériques de longs métrages de fiction, enfin débarrassés de leur banalité conventionnelle. En réalisant le générique de THE MAN WITH THE GOLDEN ARM en 1955, Saul Bass apparaît comme l’initiateur de cette nouvelle écriture idéographique. “Grâce à des signes nets, des formes lisibles et puissantes propres aux arts commerciaux et industriels, Bass traduit l’exposé de son HISTORY OF INVENTION et manipule des symboles décantés dans ses génériques de CARMEN JONES, de COWBOY et de BONJOUR TRISTESSE.” 1 Sans oublier celui de AROUND THE WORLD IN 80 DAYS présenté en épilogue, fait rare à cette période. Ce long générique animé de six minutes récapitule toute l’action du film, assortie de caricature des personnages et d’allusions à leur rôle. Non seulement il maintenait l’attention du public après trois heures de projection, mais soulevait fréquemment des applaudissements spontanés. En rompant brusquement avec la tradition, Bass ouvrait une telle brèche qu’il fit vaciller sur sa base le conservatisme le plus éculé. Les francs-tireurs, eux, en prirent bonne note. On connaît la suite.
La télévision, grande dévoreuse d’images animées, ne résistera pas à la séduction de ce modèle cinématographique et s’en emparera tout naturellement. La plupart des organismes télédiffuseurs de l’hémisphère occidental et c’est le cas de la Société Radio-Canada, ayant constaté la valeur des éléments graphiques animés se sont dotés de services permanents d’arts graphiques chargés de la production de titre, génériques, séquences complémentaires, indicatifs, lever de rideau, inserts, etc. Le cadre réduit et les particularismes de ce “théâtre lumineux de salon” ont exigé l’invention d’une imagerie ultra-synthétique pour véhiculer un “discours sensoriel” rigoureusement concis, minutieusement cadencé, obligatoirement percutant. Ne dit-on pas qu’à cause de sa grande portée et de son immédiateté, une demi-minute télévisée équivaut à trois minutes de jeu théâtral. Ainsi le repère instantané que doit offrir l’indicatif d’une chaîne, le générique ou le titre d’une émission à épisodes, doit en même temps accrocher le regard sans lasser ni épuiser, par sa répétition, la capacité d’accueil du téléspectateur et, en outre, respecter son équilibre alphabétique et visuel. Le design doit être axé sur le concept et conséquemment révéler un indice facilement identifiable, établir le style et recréer l’ambiance d’une émission. Par ailleurs, le manque de perspective, la compression de l’espace et de la durée (généralement, entre 4 et 30 secondes), la pression du temps, l’austérité des budgets, les contraintes techniques confinent les graphistes-animateurs dans un périmètre étroit. Les messages symbolisés graphiquement doivent opérer une sorte de “persuasion clandestine” toujours inscrite dans le fil d’une diffusion verticale. On voit alors que “la création graphique pour la TV requiert une part plus grande d’inventivité et d’audace et impose un défi peut-être plus difficile à relever qu’au cinéma.”
Les artistes graphiques de la Société Radio-Canada peuvent se mesurer avec les meilleurs, nommément ceux de la British Granada et la BBC en Grande-Bretagne, CBS aux États-Unis et ABC en Australie. Les imagiers de la SRC pratiquent l’imagination journellement face aux occurrences de ce terrain accidenté. Qu’on pense aux petits joyaux que sont les indicatifs de Graeme Ross. En quatre secondes et sur six notes, ce télévisionnaire trouve le moyen de construire avec un humour fou une saynète qui, selon l’expression de Cassandre “fusille la rétine”. Des téléspectateurs un peu poussifs lui reprochent sa fulgurance. “Rien n’est plus plat, dit Ross, que de revoir le même indicatif trop souvent. Avec ma méthode, les gens cherchent à découvrir ce qu’ils ont raté la dernière fois”. Élémentaire, mon cher Watson! Le haut calibre des travaux de la société d’État n’est donc plus à démontrer. Quelques belles réalisations d’auteur sont venues le confirmer tout particulièrement. Dans ces conditions, comment expliquer que, confrontés quotidiennement avec des graphistes-animateurs de premier ordre, les programmateurs de la télévision étatique qui devraient battre la marche, n’aient pas encore pris conscience du capital sous exploité que représente le cinéma d’animation POUR ADULTES. Pourquoi personne ne s’est encore avisé de “rentabiliser cette encyclopédie vivante”? Faut- il croire que la notion périmée animation = enfants est à jamais pétrifiée dans les esprits? (Il y aurait, du reste, beaucoup à dire éventuellement sur la programmation de films animés proposés aux plus jeunes). Il s’agit d’un véritable gaspillage pour le public et les artistes quand une production de grande valeur est sous-exposée. À ce chapitre, la télévision suisse romande est devenue exemplaire sous l’impulsion de Bruno Edera, programmateur-coordonnateur au service des films d’animation de TVR. Il faut dire qu’il lui a fallu une patiente opiniâtreté pour faire accepter “un projet cohérent, structuré où le 8e art ne soit plus considéré comme un trop facile bouche-trou, mais précisément comme un art”. Et du même coup le faire sortir de l’ornière infantile où il est encore trop souvent coincé. À la suite de la réorganisation de la TVR qui accordait une place régulière à l’animation internationale, la journaliste Catherine Unger écrivait dans Suisse-Week-end du 23 décembre 1979: “… la télévision a un rôle déterminant à jouer, ce d’autant que le cinéma ne passe plus de films d’animation en avant-programme. Mieux: la TV romande va jouer ce rôle. Elle s’en est donné les moyens. N’est-ce pas un beau cadeau qui va au-devant du désir d’un très large public?” La TVR a tenu ses promesses et on croit rêver en consultant quelques grilles horaires. Pris au hasard et à titre d’exemple: 20 déc./79, de 14 à 18h, une trentaine de courts métrages animés représentatifs de la production mondiale — 13 juin/81: Spécial Festival d’Annecy. L’émission hebdomadaire A… comme Animation se déplace au 13e Festival d’Annecy — 29 juin/82: Le Fantastique animé. Plus particulièrement destiné aux adultes — 30 juin/82: Noctambule par amour (en hommage à Tex Avery). Un illusionniste live devient amoureux d’Eva, allumeuse de choc créée par Avery. À la recherche de sa bien-aimée en deux dimensions, le personnage vivant entre dans les films animés. À l’inverse et selon le déroulement des péripéties, les personnages dessinés en sortent pour s’intégrer aux plans tournés en décors réels, après avoir été réanimés. D’après une idée d’Edera avec la participation spéciale des services scéniques et graphiques de la TVR. Prioritairement réservé aux adultes.
Au Festival d’Annecy 83, plus de vingt personnes de la Société Suisse de Radio-Télévision assistaient au festival. Parmi eux, les responsables de l’animation des trois studios, des graphistes, des producteurs, des acheteurs ainsi qu’une équipe de reportage qui a réalisé pour l’émission Nocturne produite par Bruno Edera un Spécial-Annecy d’une durée de 75 minutes. La TVR a également programmé pour Nocturne du 10 juin CHRONOPOLIS, long métrage de Piotr Kamler et A… comme Animation du 11 juin présentera une émission de 65 minutes uniquement constituée de films du festival.
La Suisse compte six millions d’habitants. On nous a signalé qu’une programmation intelligente, imaginative et ouverte ne coûte pas plus cher aux contribuables de ce pays que les Goldorak, Yogi l’Ours et autres pollueurs affiliés. Il serait peut-être temps de se mettre à l’heure suisse.
Notes:
- Martin, André in Cinéma 65, # 98, juillet-août ↩