Un renouveau de l’oeil
Il ne s’agit pas de démontrer que quelque chose est comme ci ou comme ça. Il s’agit de démontrer comment c’est, comment c’est d’être dans un espace donné, comment c’est d’être dans un espace donné.
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Que et Comment
Les situations, dans un film, n’expliquent au fond pas grand-chose, mais il est important qu’elles aient été créées par la participation. Et c’est seulement avec la participation qu’elles prennent tout leur sens pour le spectateur.
Comme je ne suis pas capable de voir les choses d’une façon nette et délimitée, j’ai aussi introduit une émotion destructrice. La vie attaque tout ce que l’on fait.
Quand on se trouve sur cette longueur d’onde, on fait des prototypes de la réalité. Cela peut arriver dans des images simples et de tous les jours. Je préfère plutôt ne pas avoir de pouvoir sur un appareil technique spécialisé.
Le film est plus une façon de placer les choses dans un contexte que de créer une histoire. Un renouveau de l’œil.
Dès qu’un homme est filmé, il cesse d’être un homme pour devenir un morceau de fiction, de matériel filmé. Et pourtant, il continue d’exister. Cette double vérité est lourde de tension. Trouver une forme pour cette tension signifie : créer un monde imaginaire et y décrire le combat humain.
En associant l’approche du peintre avec l’amour de la musique, je pénètre progressivement dans le domaine de la poésie.
(Juillet 1969)
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L’Art!
C’est travailler avec des formes de la réalité matérielle pour évoquer une réalité imaginaire. De l’imaginaire, on revient pour mieux comprendre le monde matériel, avec une plus grande envie de vivre. Cela me paraît vrai aussi pour une idée matérialiste de l’art, à la différence que là, le retour de l’imaginaire est axé sur le changement des relations concrètes. Et là où le chemin du retour est barré, l’artiste joue le rôle de fauteur de troubles. Un rôle qu’il tient piètrement, tiraillé qu’il est entre deux idées : la nécessité de l’opposition et le désir de vivre. Réunir ces deux idées en une forme d’action précise forme son plus grand problème, provisoirement impossible à résoudre. Cela reste, la plupart du temps, symbolique. C’est pourquoi souvent la gauche se détourne de l’art : compréhensible, mais pas équitable. Et bien que l’art apporte plutôt un problème qu’une solution (et qu’il existe surtout dans les cadres sociaux répugnants), son problème est si exemplaire qu’il ne doit pas être passé sous silence. En ce sens, l’art est indélébile. Pour moi personnellement, l’art est une drogue. Je ne sais pas à quel saint me vouer. Mais je continue d’essayer.
(Réponse à une enquête du Volkskrant, important journal hollandais, août 1977)