Un passionné du cinéma
Nous avions 20 ans. Michel Brault me fait connaître Claude Jutra; il habite chez ses parents. J’entre pour la première fois dans cette impressionnante maison bourgeoise, rue Sainte-Famille. La mère de Claude le comble d’affection. C’est cette image de bonheur qui grave mon premier souvenir de Claude.
Il est passionné de cinéma. Il écrit à son idole Charlie Chaplin qui lui répond trois lignes qu’il exhibe avec fierté et émotion.
Avec Michel, lui et moi nous entreprenons de raconter, pour la télévision qui débute, l’histoire du cinéma et de ses stars. Ce fut la série Images en boîte. Jean Gascon y personnifiait le vieil écran qui racontait ses souvenirs. C’était l’idée de Claude dont l’imagination était débordante. Nous écrivions ensemble les textes, mais sa maîtrise de l’écriture était déterminante pour les versions définitives. Je le vois sûr de lui, plein de facéties, d’une gaîté qui m’allait droit au coeur. Notre amitié date de ces années cinquante. Et depuis, je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui aima autant le cinéma.
Pour Claude, il n’était pas une abstraction, un passe-temps ou un divertissement pour intellectuel, mais l’expression moderne des sentiments traduits par des scénaristes, des acteurs et des cinéastes : des êtres de chair et de sang dont le talent transforme la réalité pour rejoindre l’essentiel. Il était de ceux-là dans une industrie où l’on encense les poètes surtout lorsqu’ils sont morts.
Claude Sylvestre