La Cinémathèque québécoise

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Anciens périodiques

Le grand savoir de Jutra

LES MAINS NETTES

Je ne sais plus trop comment Claude s’est intéressé au projet de scénario dramatique sur lequel je travaillais et qui devint éventuellement le film : LES MAINS NETTES. C’était en 57, j’imagine. Il avait une très grande longueur d’avance sur nous en ce qui concerne le cinéma. J’arrivais du journalisme de combat. Peut-être l’extrême contraste nous a-t-il rapprochés.

Nous rêvions en tout cas de cinéma libre, de long métrage, de film d’auteur ; mais le mandat de l’ONF, les exigences sommaires d’une télévision débutante nous astreignaient à des fonctions d’éducation sociale. De sorte que la plupart de nos productions d’alors portent la marque de cette contradiction.

J’ai revu il y a quelque temps des extraits des MAINS NETTES. À ma grande surprise, j’y ai retrouvé en germe le téléromancier que j’allais éventuellement devenir. Mais j’ai surtout remarqué la considérable maturité esthétique du réalisateur Claude Jutra. Déjà une grande finesse, un ton à la fois moqueur et légèrement distant, une direction d’acteurs hors pair et un amour fou, fou, fou du cinéma.

Les conditions ardues d’un tout petit pays en train de se faire n’auront permis qu’une floraison partielle du talent qui s’affirmait là.

LES ENFANTS DU SILENCE

Michel Brault avait réalisé avec sa fougue et son doigté habituel un extraordinaire métrage sur les enfants sourds.

Le producteur que j’étais devenu — et qui avait risqué gros pour patronner ce projet — était plutôt mal pris parce que le montage piétinait et qu’on murmurait dans plus d’un quartier qu’il n’y avait pas de film là. Juste des images sans véritable suite ni signification.

Je crois que c’est de Michel qu’est venue la suggestion de demander à Jutra d’intervenir. Tout de suite, dès la première semaine, le visionnement du montage des premières séquences révélait la tendresse du film qui allait éventuellement se compléter. Claude et Michel partageaient à ce moment-là une amitié vive et quotidienne. Peut-être cela permettait-il que l’intuition de Michel soit enfin totalement perçue. Le grand savoir de Jutra fit le reste.

Et je me souviens d’en avoir ressenti une chaude reconnaissance.

Fernand Dansereau