Rendre visibles les Palestiniens
Le travail effectué dans LES PALESTINIENS est, pour moi, la suite logique des idées développées dans le triptyque Nord-Sud 1. Le triptyque parlait des rapports entre le développement dans les pays pauvres et celui dans les pays industriels. La commande de LES PALESTINIENS contenait, pour ma part, la question de savoir s’il m’était également possible de rendre visible cet ensemble « théorique » dans une situation très concrète, actuelle, chargée et extrêmement complexe.
Cette situation se caractérise par le fait qu’il est impossible d’en discuter, et que cet état des choses est maintenu délibérément. Mais si on maintient l’histoire récente et la position politique du peuple palestinien dans cette situation indiscutable, on admet alors que penser, parler et filmer doivent s’arrêter ici. En ce sens, cette commande m’était en quelque sorte inévitable.
Un des moyens utilisés pour maintenir ce caractère indiscutable consiste à représenter deux partis massifs, le Juif et l’Arabe, dans un combat primaire, mythique et chargé de culpabilité : en quelque sorte comme s’il s’agissait de l’équipe d’Ajax opposée à celle de Feyenoord. À cette image impénétrable, nous avons opposé une considération des contradictions entre classes (qui se font également jour dans les contradictions entre pays, entre continents), qui permet d’un peu mieux comprendre les conflits du Moyen-Orient. Ces contradictions entre classes, nous les avons touchées du doigt dans un pays arabe complexe : le Liban. La réalisation du film fut précédée d’une discussion de plus d’un an et demi avec le Comité Palestine, dont émanait la commande. Je voulais conserver les mains tout à fait libres, tout en réalisant un film « utilisable ».
Parce que les motifs de l’opposition palestinienne trouvent en majeure partie leurs racines dans le passé, le film se devait d’en parler, de l’expliquer. Il ne s’agissait donc plus seulement de la forme et de la force de l’information, mais encore de peser et de situer le fleuve de données, dont l’essentiel doit être atteint en un court laps de temps. Dans de tels cas, je crois que le recours au langage est indispensable.
Nous avons pratiquement réalisé tout le film en arabe. Cela vous rend aussi plus proche des gens. Le rôle du cinéaste consiste à faire jaillir des hommes et du langage les données nécessaires à une construction visuelle claire et vivante.
(De Groene Amsterdammer, Amsterdam, août 1975)
Notes:
- DAGBOEK (Diary), HET WITTE KASTEEL (The White Castle / La forteresse blanche), DE NIEUWE IJSTIJD (The New Ice Age / Le Nouvel Âge glaciaire). ↩