La Cinémathèque québécoise

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Première tournée (1897-98)

Au Québec, on a eu aussi tôt qu’en tout autre pays, beaucoup d’intérêt pour les spectacles d’images. Déjà en 1836 et 1845, Le Canadien et La Minerve annonçaient des Dioramas et Panoramas mouvants 1. À l’origine simple exposition de tableaux, ces spectacles commencent à susciter plus d’intérêt lorsqu’est inventée la photographie sur verre. Comme les images peintes qu’on projetait avec une lanterne magique, la photographie, image plus exacte de la réalité, apparaît elle aussi sur les écrans.

Cette technique est vite devenue fort courante, fréquemment utilisée par des conférenciers pour illustrer leurs voyages ou leurs enseignements : “Dr Johnston, African explo­rer” (The Gazette, 14-12-1896), “M. le Comte de Périgny, archéologue et voyageur” (Événement, 6-12-1906), “Mlle Martha Craig, recruteur de touristes pour le C.P.R.” (La Défense, 20-7-1899), “MM. Buisson et Carufel, propagandistes pour la Société de colonisation de Montréal” (Le Spectateur, 11-11-1897). Ces conférences et spectacles sont fort populaires. À Montréal, le public envahit chaque dimanche l’amphithéâtre de 5,000 places du Parc Sohmer dont la direction ajoute à ses attractions pendant l’été 1895, le Prof Kronens et son Grand Panorama, montrant les “vues de Londres, Paris et des principales batailles de Napoléon 1er” 2.

Le plus célèbre de ces montreurs de lanterne magique qui trottinaient de ville en ville fut sans doute “Monsieur le professeur Buell,” un photographe de Regina 3 qui ébahit les Canadiens pendant quelques décades 4 avec ses photographies du soulèvement des Métis, du procès de leur chef Louis Riel, des Montagnes Rocheuses et de Jérusalem. A Valleyfield, en 1900, il attire encore 2,000 personnes dans l’église locale où il présente son spectacle… 5. Pourtant, depuis quelques années déjà, les autres vues se sont animées.

Vers 1894 apparaissent un peu partout les Kinétoscopes, mis au point par les assistants de l’Américain Edison en combinant le film et la photographie animée. Il s’agit d’une boîte dans laquelle se déroule un film sans fin que le spectateur peut regarder après avoir déposé une pièce de monnaie et collé son œil sur l’oculaire: stupéfaction, l’image bouge. Elle est petite et mal éclairée, mais elle bouge. Les sujets sont tous dans la même veine: des boxeurs, une danseuse, une tireuse d’élite… mais ils bougent : Les vues sont animées!

Les gens se bousculent pour admirer cette nouvelle merveille. Edison vend des milliers d’appareils. Ce succès ranime l’intérêt des autres inventeurs qui essaient ensuite de projeter les mêmes images sur un écran. On y parvient et dès le début de 1896, les montreurs de photographies animées envahissent les salles de spectacle, leurs écrans détrônent rapidement les minuscules images du kinétoscope. Grâce à un appareil mieux conçu et des images de grande qualité, la firme lyonnaise Lumière connait un phénoménal succès. Ce sont ses concessionnaires qui présentent les premières projections au Canada, à Montréal, en juin 1896 6. Louis Minier et Louis Pupier arrivèrent à la fin de ce mois. Ils firent la traversée jusqu’à New York en compagnie de Félix Mesguish, un opérateur qui deviendra plus célèbre après avoir fait la promotion du cinématographe aux U.S.A. Après le périple en train New York – Montréal, ils s’installèrent dans la métropole et louèrent un petit théâtre peu coté (plutôt un café concert) le Palace, 78 rue St-Laurent, et y invitèrent les journalistes et les notables à une première démonstration privée, le soir du 27 7. Çe premier auditoire est sidéré, le mot n’est pas trop fort. Le pédant Jean Badreux, chroniqueur du Monde Canadien, avait déjà écrit à propos du kinétoscope qu’il “ne ferait jamais de réclame à ces inventions diaboliques (…) d’Edison parce qu’elles rendent la vie trop facile et trop agréable.” 8 Ayant assisté à la projection du 27 juin 96, il oublie vite ses promesses et consacre une demi-page à un compte-rendu qu’il achève ainsi : “Je n’aime pas faire servir mes chroniques à la réclame, mais, véritablement, en présence du caractère merveilleux de cette découverte, je me crois tenu de signaler à mes lecteurs l’installation d’un cinématographe à Montréal, rue St-Laurent, no 78.” 9

La Presse 10 est cependant le seul journal à accorder sa première page à l’événement, et son chroniqueur semble le plus ébahi de tous : “On a rendu, comme dans une espèce de fantasmagorie étrange, les scènes prises en divers endroits de la France. Ce fut d’abord l’arrivée d’un train à la gare de Lyon-Perrache (…) vous distinguez chacun des personnages. Rien de plus vivant: vous êtes vraiment à la gare. Le train part et tout disparaît (…) Les invités ont ensuite assisté à une charge de cuirassiers (…) Vous voyez chaque homme dans toute sa grandeur. Ils sont un millier : ils arrivent à toute vitesse jusque sur le devant de la scène; vous allez être écrasés; mais non tout disparaît à ce moment critique et vous restez là, bouche bée (…) Et la mer? Nous l’avons vue, non pas dans une image immobile mais roulant ses flots. Rien de plus frappant. Ça rafraîchit, s’est écrié un doux loustic.”

Avant même que les journalistes n’aient publié leurs éloges, le public embouteillait la rue St-Laurent. Le délire allait durer deux mois : phénoménal succès, quand on sait que tout autre spectacle, même très prisé, tenait tout au plus deux semaines. Ceux qui croyaient avoir tout vu sortaient ébahis, ceux qui avaient vu les premiers revenaient, et ceux qui voulaient enfin voir se bousculaient pour une place dans la file.

Minier et Pupier quittèrent Montréal pour l’exposition de Toronto en septembre 11. Ils reviennent à Montréal pour une autre Exposition et partent ensuite en tournée : on les retrouve au Labyrinthe de Québec 12, au Restaurant National de Trois-Rivières 13, à la Salle des Arts de Sherbrooke 14, à l’Hôtel de ville de St-Hyacinthe 15, à l’Opéra Black de St-Jean 16 où “toutes les personnes d’Iberville qui achèteront leur billet du gardien du pont passeront, aller-retour, gratuitement”.

Concessionnaire averti, Minier loue des salles très fréquentées mais peu coûteuses où le programme se déroule de façon continuelle. Partout, il invite la presse qui le louange, les notables qui le recommandent, et les institutions qui l’engagent. Laissant Pupier poursuivre avec un nouvel assistant, Jackson 17, Minier s’éclipse un moment puis revient en compagnie d’un certain Faure 18.

“On a dû faire d’abondantes recettes.” 19 C’est sans doute pourquoi Minier, après un voyage en France, décide d’abandonner cette vie errante et d’accepter un poste de professeur qu’on lui a offert à l’Université Laval, campus de Montréal 20. L’odyssée canadienne du Cinématographe ne s’arrête cependant pas là: le Québec est la bouée de sauvetage de la firme en Amérique. Aux États-Unis, la guerre des brevets déclenchée par Edison rend la vie dure à ses concurrents. Les concessionnaires Lumière, presque chassés des USA, s’arrêtent à Montréal pour faire quelques dollars avant de rentrer en France. Mesguish passe un mois au Palace en juin-juillet 97 et y présente les vues des fêtes jubilaires soulignant les 60 ans de règne de Victoria: défilés de cavalerie, parades de notables, etc. 21 Il s’embarque ensuite vers l’Europe, mais un autre représentant de la firme, M. Prosper 22 le remplace à Montréal dès septembre avec de nouveaux films : FÊTES RUSSES À PARIS, DESCENTE DU PONT DE BROOKLYN, CHARCUTERIE MÉCANIQUE DE MAR­SEILLE. Prosper s’installe d’abord à l’exposition jubilaire de Montréal 23 où il présente encore des vues du jubilé, gratuites pour les enfants. Le 21 septembre, il déménage au Palace 24 pour une nouvelle série de représentations.

Il n’est pas le seul à montrer les vues des fêtes jubilaires. Dès juillet le Parc Sohmer mettait le même spectacle à l’affiche, dans un kiosque baptisé Radiascope 25. La concurrence était d’ailleurs venue bien plus tôt. Pendant l’automne 1896, pendant que Minier se baladait en province, Montréal vit déferler une pluie de -graphes et de -scopes mis sous contrat à la hâte par les imprésarios pour profiter eux aussi de la faveur du public pour cette nouveauté. On voit tour à tour défiler l’Animatographe au Théâtre Royal 26, le Théâtroscope au 58 rue St-Laurent 27, le Kinématographe encore au Royal 28 le Phantascope au Théâtre Français 29 et enfin le Cinématoscope au Théâtre Queen’s en janvier 97 30: tous des émules du cinématographe, venus d’Europe ou des USA et tous annoncés comme “1ère représentation en ce pays”; ce sera plutôt leur seule et dernière apparition. Ainsi en sera-t-il du Motographe d’Allan May. Pendant l’été 1897, celui-ci fit sensation pendant quelques semaines au Théâtre Royal avec un film publicitaire montrant les déboires d’un camelot qui retrouve le succès en commençant à vendre La Presse 31. Il projetait aussi une imitation du fameux combat de boxe Corbett-Fitzsimmons, dont la version originale était présentée en tournée par la Vériscope Co. avec grand succès. Moussé par tous les journaux, l’intérêt pour ce combat frisait le délire et les bureaux de télégraphe, envahis par les sportifs, en avaient transmis les résultats, ronde par ronde, au public des théâtres 32. Le Vériscope était une caméra spécialement conçue pour filmer le combat et ensuite exploiter le film en tournée. Sa popularité suscitait bien d’autres plagiats que celui exhibé par Allan May. Quelques semaines plus tôt, l’Eden, un musée de cire montréalais installé au sous-sol du Monument National annonçait le Fériscope et projetait le CORBETT AND COURTNEY FIGHT, un des premiers films tournés pour les kinétoscopes Edison 33.

Quant au véritable Vériscope, après avoir ravi les amateurs de Montréal, on le vit en tournée à Sherbrooke, Trois-Rivières, St-Jean, St-Hyacinthe et Québec 34 où, en octobre 1897, il faisait concurrence au Kinétographe que l’on exhibait au Casino 35; durant cette même semaine, les douaniers de Québec examinaient aussi avec curiosité un nouveau venu, l’Historiographe.

L’Historiographe était un projecteur amené de France par le vicomte Henry de Grandsaignes d’Hauterives. Clerc chez un avoué parisien, ce beau parleur était fils d’un petit fonctionnaire breton et descendant d’une grande famille noble. Ayant terni sa réputation en dilapidant l’énorme dot de sa femme dans des extravagances, il s’embarque pour l’Amérique au même moment que les opérateurs du cinématographe Lumière. Pendant que ceux-ci connaissent un succès retentissant à New York, il végète dans la même ville. C’est sans doute à ce moment qu’il décide de les imiter. Rentré en France où son père vient de mourir, il en revient quelques mois plus tard équipé d’un projecteur pompeusement baptisé Historiographe 36. Il est aussi accompagné par sa mère la comtesse Marie-Anne Tréourret de Kerstrat. Énergique, fort débrouillarde, elle quitte une famille et un milieu qui ne l’apprécient guère pour suivre son fils unique qui lui est tout. La curieuse association entre ce jeune homme brillant mais volage, cette femme peu aimable mais indomptable et un projecteur primitif à bec de gaz, allait procurer aux Québécois 10 ans de spectacles de vues animées 37. (On trouvera en annexe un récit plus détaillé de la vie des Hauterives).

Henry d’Hauterives et sa mère arrivent à Montréal le 17 octobre 1897 sur le steamer Laurentian, après une traversée de 10 jours et une escale de quelques heures à Québec, la veille. Sa mère se faisait passer pour son épouse 38, sans doute pour partager la même cabine de seconde classe à 34,00$ 39. Ils sont les seuls Français à bord, parmi 75 passagers: touristes, immigrants, un groupe de convoyeur de bestiaux, etc.

Aussitôt arrivés, ils commencent leur publicité. Pour avoir conçu ce spectacle destiné à “aider l’enseignement de l’histoire universelle dans les écoles” 40, il fallait qu’Henry d’Hauterives ait connu le public québécois. On peut supposer qu’il avait préparé cette mise en scène grâce aux conseils des employés de Lumière venus au Québec. Eux aussi invitaient “gratuitement messieurs les membres du clergé” 41.

Le 5 novembre, une nouvelle annonce paraît dans La Presse et aussi en anglais dans le Montreal Star :

Eden Musée, 206 St-Laurent

L’Historiographe pour la première fois en Amérique présente, tous les jours de 2 à 5 pm et de 7 à 10 pm les tableaux animés historiques d’une vérité et d’un réalisme saisissant. Vie de Jésus, Histoire d’Angleterre, Révolution française, Napoléon, 1er Empire, Guerre franco-prussienne. Immense succès. Cette semaine entrée pour une séance, 0.10 (Cette annonce paraît jusqu’au 9 novembre).

Ce programme peut sembler considérable. À chacun des titres annoncés ne correspondent cependant que quelques très courts films. Le programme 42 commence avec une VIE DE N.S. JÉSUS-CHRIST en douze tableaux : Jésus dans le Temple, Les Rameaux, Entrée à Jérusalem, Le Golgotha, Le supplice, etc 43. Cette série reprend le principe des tableaux vivants populaires à l’époque : les personnages y apparaissent puis prennent la pose dans un décor qui reproduit les peintures des grands maîtres.

Les autres films sont aussi de très courts sujets produits en studio chez Lumière, et qu’Henry d’Hauterives présente et commente comme des illustrations de moments importants de l’histoire: Les adieux de Charles I d’Angleterre à sa famille avant son exécution; la mort de Nelson sur le pont de son navire, la grande bataille navale de Trafalgar, le couronnement de Napoléon, les combats de la guerre franco-prussienne de 1870-71, etc. Ces films étaient brefs et plutôt statiques, mais les spectateurs aussi étaient nouveaux, et chaque bobine devenait pour eux une merveille. Le vicomte essayait de leur en mettre plein la vue, et ses commentaires devaient ressembler à cet extrait d’un communiqué qu’il rédigea plus tard : “Une scène qui produit un effet grandiose est le couronnement en l’église Notre-Dame : le détail historique est de toute exactitude et les artistes ont dû répéter bien des fois leurs rôles avant d’arriver à une pantomime aussi réellement exacte. Les expressions de physionomie de l’artiste représentant le pape Pie VII sont une étude extraordinaire montrant clairement ce qui dut se passer dans l’esprit du souverain pontife lorsque Napoléon, d’un geste brusque, s’empara lui-même de la couronne et la plaça sur sa tête.” 44

Les spectacles commencent le 5 novembre au Musée Eden. Cet endroit était une galerie de figures de cire se proclamant “consacrée aux beaux-arts et à la reproduction des épisodes les plus glorieux de l’histoire du pays.” 45 Ces prétentions n’étaient pas sans affinités avec celles de l’Historiographe Co. Par ailleurs, le Musée était un endroit très connu, non seulement pour ses statues de cire, mais aussi pour ses spectacles où se produisaient la plupart des comédiens et chanteurs d’origine française qui occupaient les scènes de Montréal à l’époque 46. L’Eden se vantait d’être “le seul théâtre à 10 cents”. Le gérant, Guillaume Boivin, nous l’avons vu, avait un faible pour les vues animées.

Il semble que le succès soit venu assez tôt pour l’Historiographe. Les projections à l’Eden sont bientôt entrecoupées de spectacles “en différents endroits de la cité, à la demande de divers groupes d’amateurs” 47. Une séance a lieu le 1er décembre au 39 Cathcart, dans la partie anglophone de Montréal. À la même époque semble avoir eu lieu une visite à St-Hyacinthe. Des comptes-rendus de spectacles ultérieurs en cette ville laisseront sous-entendre des précédents 48. C’est aussi à cet endroit et à ce moment que l’Historiographe se trouve un “précurseur”. Un dominicain arrivé d’Europe à la même époque, le père Knapp, leur signe des lettres de recommandations et dans les mois qui suivent, on le retrouvera partout où passeront les Grandsaignes d’Hauterives 49. Pour l’instant, il est installé au couvent des dominicains à St-Hyacinthe, puis “prêche les avents à Montréal”.

L'Avenir du Nord, le 10 décembre 1897
L’Avenir du Nord, le 10 décembre 1897

L’Historiographe est ensuite engagé par le Cercle des variétés de la Fanfare de St-Jérôme, pour le dimanche 12 décembre. Une grandiloquente annonce paraît dans l’Avenir du Nord : “L’Historiographe de l’Eden Musée de Montréal: les faits les plus importants et les plus connus de l’histoire universelle. Rigoureuse exactitude des tableaux. La vie de N.S.J.C. d’après les peintures de Vinci, Delacroix et selon les textes des saintes Écritures et de la tradition.’’ 50 L’annonce parle de 3 séances : “une après la grand-messe pour les cultivateurs, une autre après les vêpres (pour les enfants surtout) à 3h pm et une autre le soir à 8h. Admission générale 0.20, enfants 0.10”. Les billets sont mis en vente chez plusieurs membres du Cercle des Variétés et de la Fanfare, qui participe au spectacle en jouant son répertoire. On vend aussi les billets aux imprimeries des deux journaux locaux, à la manufacture Rolland, à la pharmacie Fournier, … “Les citoyens de St-Jérôme verront ce qu’ils n’ont jamais vu: un cinématographe…” On dut cependant craindre ce qui était arrivé auparavant: “La lanterne magique n’a pu malheureusement pas (sic) fonctionner, à cause de la faiblesse du courant électrique.” Problème fréquent à l’époque. Cependant l’Historiographe avait un bec de gaz.

La salle fut comble aux trois représentations. Une autre séance est ajoutée le lundi soir : il y a encore plus de monde. “Ils sont bien rares ceux qui dans notre ville ne se sont pas rendus à ce spectacle magnifique.” 51 Les journaux encensent le Cercle des variétés et “le goût tout à fait artistique qui a présidé au choix de ces tableaux fait honneur à la propriétaire de l’Historiographe, Madame la comtesse d’Hauterives.” 52 L’Avenir du Nord profitant de l’intérêt soulevé par les films historiques publie des vers sur Char­lotte de Corday et un texte sur Napoléon. Les journalistes sont tout aussi ébahis que ceux de Montréal par le cinématographe un an plus tôt. Les propriétaires de l’Historiographe le furent sans doute aussi mais par autre chose: l’incroyable succès de leur spectacle dans une ville de 5000 habitants, où quatre spectacles avaient rapporté 158,00 $ 53 (pour donner une idée de ce que valait cette somme, rappelons qu’à cette époque, un dollar par jour était un bon salaire…).

À Montréal, les représentations au Musée Eden devaient durer jusqu’au 19 décembre. Elles dureront en fait jusqu’au 3 février 54 ce qui suppose bien du succès malgré la concurrence du Vériscope qui revint s’installer en novembre au Monument National, un étage plus haut que le Musée Eden 55.

Cependant la Commission des écoles catholiques de Montréal refuse d’autoriser les projections dans les écoles: “Répondre à Monsieur le vicomte d’Hauterives que l’autorisation qu’il sollicite de donner dans les principales écoles des séances au moyen de l’Historiographe, ne peut être accordée.” 56

L’Historiographe sillonne aussi les campagnes autour de Montréal, semblant y connaître encore plus de succès. De passage à Ste-Scholastique, où le procès de Cordélia Viau a attiré une foule considérable en quête d’émotion, Henry de Grandsaignes écrit le 17 janvier à Édouard Paul, son “cousin” (en fait, il était le mari de sa cousine):

Ma mère a reçu votre lettre dernièrement elle nous a atteints dans notre vie errante un peu en retard mais croyez bien qu’elle nous a fait le plus grand plaisir et nous tenons à vous en remercier.

Nous travaillons comme des nègres, nègres dans un pays tout blanc où la neige dure quatre mois, aussi sommes-nous vêtus un peu en esquimaux : Maman et moi nous sommes revêtus de superbes fourrures qui portées chez nous en France, nous feraient croire millionnaires, ici c’est bon marché.

Notre affaire marche bien, pas encore bien mûre pour l’exploitation fructueuse mais si nos expéditeurs de Paris avaient voulu suivre nos instructions, nous n’aurions pas eu 2000 frs pendant un mois 1/2 chez nos commissionnaires qui ne les ont pas employés et nous aurions eu plus de 10,000 frs dans notre poche en janvier, au lieu de cela toutes nos annonces nous sont restées sur les bras et nous n’avons pu remplir nos engagements.

Plus je vais et plus je suis content de cette petite affaire qui, sans bruit, sans fracas, non seulement nous a fait bien vivre jusqu’à présent, mais encore nous a permis de nous monter de tout, et maintenant que nous sommes connus, nous marchons fort bien; ensuite comme nous avons l’intention de continuer pendant 2 ans nous pourrons après, nous retirant, vendre notre nom et notre clientèle un fort joli prix.

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Nous faisons en ce moment toutes les petites villes de 2 à 3,000 habitants et presque chaque jour nous faisons salle pleine, le public canadien est très enthousiaste de Napoléon 1er et de la guerre de 1870. Les conférences, si l’on peut appeler conférence les explications que je donne avant chaque tableau, plaisent. On m’applaudit parce que je flatte la petite fibre patriotique. Enfin cela va et mon gaillard de fils aura bientôt un papa un peu calé qui pourra le bien gâter et qui jeune et gai lui fera je l’espère oublier et regretter peu son enfance hypocondriaque et triste.

Mon enquête a eu lieu le 8. Je n’en ai encore aucune nouvelle et je suis assez anxieux du résultat. Mon pauvre ami, je vous remercie beaucoup des bonnes paroles d’encouragement que vous me donnez. Je n’y crois plus et voudrais cependant bien y croire, car vous connaissez mes sentiments et malheureusement je ne peux pas changer.

Je n’ai pas beaucoup compris votre phrase ayant trait aux marchandises sacrifiées pour sauver le navire désemparé. Dois-je y voir que l’oubli complet du passé, l’anéantissement des idées et des pensées d’antan ainsi que d’un espoir plus que désespéré, me feront arriver à un port tout nouveau où plus tard sans que le passé y intervienne, il sera pour mois un bonheur possible? Alors vous auriez fait fausse route car je crois bien que sans vivre avec le passé ce fameux bonheur aura une existence bien improbable.

Mais le temps me manque et vous allez me trouver par trop bête et par trop pleurnichard, tout à fait en dehors de vos principes et de vos théories.

On juge aujourd’hui une charmante femme qui a coupé la gorge de son mari avec l’aide de son amant, bien coupé. Car la tête ne tenait plus et la ville est pleine de monde, naturellement les Saltimbanques profitent de l’aubaine et les pièces blanches de pleuvoir pour le plus grand plaisir de toute la troupe.

J’espère que tout votre monde jouit d’une excellente santé. Rappelez-moi au souvenir de tous, en même temps répondez-moi, si je puis vous être utile ce sera de bien grand cœur.

Pour des photographies animées, allez donc voir 1. Pirou, 5 bd St-Germain, 2. Méliès, 20 passage de l’Opéra, 3. Léar dont vous trouverez l’adresse. Je crois que Méliès vous fera les meilleures conditions.

Bonne année à tous une bonne poignée de main à ma chère cousine et à vous.” 57

Ce dont il parle si vaguement, c’est du procès intenté par sa femme. Dix jours après sa lettre, alléguant que “les faits suffisent à démontrer le désordre de ses affaires et à justifier la demande de sa femme” 58, la cour accorde la séparation de biens, le condamne à acquitter les frais et mandate des notaires pour établir la somme qu’il devra rembourser.

Au Canada, la petite affaire marche par ailleurs effectivement très bien. Le 23 et 24 janvier, l’Historiographe est à Ste-Thérèse 59. Le 4 février, à la salle de l’Hôtel de ville de St-Henri 60. Le 12 février à Lachine 61. Les prix montent. “Parmi les amusements (…) il en est peu qui aient autant de succès que l’Historiographe (…). Tous ces tableaux sont d’un naturel parfait auquel il ne manque que la parole. On a surtout admiré NAPO­LÉON AU PONT D’ARCOLE présenté avec une exactitude étonnante. L’opérateur montre d’abord le pont que battent en flanc les obus autrichiens, puis viennent les “Casques à poil” qui, un instant pris de frayeur, hésitent puis reculent. L’Empereur paraît, il marche jusqu’au milieu du pont, se retourne, fait signe, appelle, commande, ordonne, rien n’y fait; emporté de colère il court à la tête du pont, saisit un drapeau et s’élance. A cette vue, le courage des soldats se ranime, ils se ruent, les projectiles pleuvent de tous côtés, mais les Français passent le pont et le rideau tombe, laissant un auditoire sous le charme de cet acte héroïque.” 62

Le 21 février, le séjour montréalais se termine par un spectacle à l’archevêché de Montréal, au terme duquel Mgr Bruchési remet à ses invités une lettre de recommandation: “M. d’Hauterives a donné ce soir, à l’archevêché, une séance d’Historiographe, séance intéressante à tous les points de vue: ça été à la fois une leçon d’histoire, de science et de morale.” 63

Une semaine plus tard, à Ottawa, c’est chez le gouverneur général qu’ils ont droit aux mêmes égards. Le 2 mars de 4h à 6h Lady Aberdeen reçoit les enfants du St. Andrews Church Sunday School à Rideau Hall. Elle y fait venir l’Historiographe pour les distraire 64; Mlle Scott et ses élèves ne sont pas les seuls ravis:

“Dear Madame d’Hauterives, I enclose a testimonial which I hope may be of use to you. Please let me know where you are going from here and what are yours plans.”

Isabel Aberdeen

The governor general and the Countess of Aberdeen have much pleasure in recording their appreciation of the merits of the Historiograph (…) The scenes represented may indeed justly be termed Living Pictures (…) No more fascinating entertainment for young people… who were shown some of the Living Pictures at Government House one afternoon not long ago…65

La visite à Ottawa où les avait encore précédé leur St-Jean Baptiste, le père Knapp 66 avait commencé par quatre spectacles à l’Institut canadien, du 28 février au 3 mars 67. Les bénéfices étaient partagés avec l’Institut et l’Orphelinat St-Joseph. “The house was filled with children and little orphans”.

Trois autres spectacles sont annoncés au Harmony Hall, Albert Street, pour les 5, 7 et 10 mars 68. Le programme est modifié grâce à de nouveaux films enfin reçus de chez Méliès. Le programme change à chaque représentation, et, LA PASSION alterne avec LE CAUCHEMAR, LE LABORATOIRE DE MÉPHISTOLE CHÂTEAU HANTÉ, etc. premiers films à trucages où l’auditoire est fasciné par des disparitions et des surimpressions comiques ou mystérieuses. La partie historique du spectacle s’enrichit de MASSA­CRES EN CRÈTE, GUERRE GRÉCO-TURQUE, INDIAN MUTINY. Pourtant, la première canadienne de ces nouveaux titres se fait devant un public moins nombreux : “The attendance at the entertainment in Harmony Hall was not large (…) at the conclusion of the programme by request views from the life of Christ were shown.69

Pour une quelconque raison, le spectacle du 10 mars est reporté au 14, dans une autre salle (University Hall) et les bénéfices vont à l’Orphelinat St-Patrice 70. Deux autres représentations ont lieu pour le même patronage, le 15 et le 16 : “The ladies Committee of St. Patrick’s Asylum intend refurnishing the children’s ward of the institution…” 71 “Always willing to give his aid to charitable institution72, the Historiograph Co. donne aussi un spectacle le 12 mars au profit de l’Orphelinat St-Joseph 73. La tutelle des bonnes œuvres emplit les salles 74. Comme un comité recueille des fonds pour acheter une cloche pour une église, “le vicomte d’Hauterives veut que les cloches du Sacré-Cœur sonnent françaises. Aussi l’Historiographe dont il est directeur donnera-t-il une dernière et merveilleuse séance au profit de la grosse cloche. Pas un Canadien français ne voudra y manquer. Hâtez-vous de retenir vos places…” 75

Après ce dernier spectacle auquel participe aussi le chorale de l’Université, le Viscount of Hauterives clôt sa visite à Ottawa par une représentation à l’école La Salle le 24 mars. “The attendance of pupils and outsiders was large.76 La méthode consistant à partager les bénéfices dut justement rapporter de bons revenus durant ce mois passé dans la capitale canadienne.

C’est de la même façon que l’Historiographe accoste à Québec: “Les 7, 8 et 9 avril, à la salle Jacques-Cartier, conférences avec projections animées. La vie, la passion, la mort, la résurrection de N.S.J.C. dans la salle Jacques Cartier (sic). Le vicomte d’Haute­rives, petit neveu du célèbre Mirabeau, avocat à la cour d’appel de Paris, licencié en droit, bachelier ès lettres… (…). Sa parole si française et si persuasive expliquera pendant les jours saints, les beaux tableaux composés pour les missions par les Frères de l’École chrétienne, et il ne doute pas qu’à Québec, comme à Montréal et Ottawa, il ne fasse salle comble (…). Les bénéfices seront pour les pauvres de la conférence Notre-Dame d’Espérance, société St-Vincent de Paul.” 77

Après relâche le dimanche, le même spectacle est présenté en alternance dans deux salles toute la semaine suivante: lundi, mercredi et jeudi à la salle de l’Union St-Joseph, dans le quartier St-Roch, et à la salle St-Pierre de la paroisse St-Sauveur mardi, vendredi et samedi, avec matinées pour les deux derniers jours 78. Le succès semble mitigé : “Quand on voit des foules se rendre aux théâtres Casino et Gaité on ne peut comprendre pourquoi on ne se rend pas en plus grand nombre pour jouir des représentations qui se donnent (sic) à la salle de l’Union St-Joseph (…). C’est beau, c’est impressionnant. De plus vous faites une bonne œuvre.” 79

LA PASSION DE JÉSUS des frères Lumière
LA PASSION DE JÉSUS des frères Lumière
collection : Cinémathèque française

Durant la même semaine passe à Québec l’imprésario Edwin Varney. Il prépare des projections de LA PASSION, qu’il dit être le seul autorisé à produire 80. Pourtant, ces Spectacles n’auront jamais lieu. LA PASSION filmée par les frères Lumière présentée à Montréal en avril 98 par William Freeman 81 n’est pas non plus présentée à Québec; seul en scène, l’Historiographe ne semble pourtant pas y faire fureur. Le 25, l’Événement annonce encore qu’on remboursera les insatisfaits, de plus, le prix d’entrée est diminué de 20 à 15 cents.

On ne retrouve trace de l’Historiographe que deux semaines plus tard, le 29 avril, à l’Académy of Music de Québec. Le Viscount et sa mère y offrent une matinée, à 16h. Le gratin du Québec anglophone, surtout des dames, emplit la salle. Le chroniqueur du Daily Mercury écrit que le public fut ravi des tableaux pleins de réalisme et des descriptions “in an exquisite french”. Il ajoute qu’un spectacle le soir emplirait sûrement la salle, les hommes pouvant y assister… 82 Mais son conseil n’est pas suivi.

Le 5 mai l’Historiographe est à l’Université Laval. Des élèves du Grand et du Petit Séminaire se joignent aux autres pour voir NAPOLÉON et LA PASSION. La comtesse empoche 50,00$ et passe le lendemain à l’évêché prendre la lettre de recommandation de Mgr. Bégin : “La représentation de vues animées que vous avez donnée hier soir dans les salles de l’Université Laval a été aussi instructive qu’intéressante …” 83. L’archiviste du Petit Séminaire est moins enthousiaste : “Mgr Bégin, à qui on avait offert une représentation de cinématographe, nous a demandé que la séance se fasse à l’université. Granted of course. Toutes les communautés moins les externes, y ont assisté. On n’avait pas eu le temps de prévenir les externes. Ca été assez intéressant. Pas extraordinaire cependant. On en trouve le programme plus ou moins exact à la page opposée 84. Les vues de LA PASSION étaient pour la plupart de haute fantaisie. Les scènes d’Oberammergau en raccourci. Le mieux étaient (sic) les vues comiques. Elles ont bien fait rire les enfants, et aussi les grandes personnes. Ca ne valait pas pourtant les 50 piastres qu’on nous demandait” 85.

Trois-Rivières est la prochaine étape du périple. Quatre spectacles ont lieu à l’Hôtel de ville, dont deux en prolongation auxquels s’ajoutent des matinées dans les écoles, du 16 au 19 mai 86. 63.78 $ sont versés aux Sœurs de la Providence pour leur hôpital 87. Une telle générosité laisse supposer d’excellents revenus. Évidemment, la visite se termine par un détour à l’évêché, où Mgr Laflèche “concoure très volontiers dans les approbations et recommandations présentes de Nos Seigneurs les Archevêques de Montréal et de Québec concernant le mérite des exhibitions historiographiques de Mme la Comtesse d’Hau­terives…” 88 qui semble avoir été promue directrice des relations publiques de l’Historiographe Co

La tournée se poursuit:  Sorel en mai 89, Victoriaville, Arthabaska, Warwick et Sher­brooke en juin 90, St-Jean au début de juillet 91 et sans doute bien des patelins entre ces villes. Les séances sont toujours patronnées par quelqu’oeuvre de bienfaisance et la publicité mise sur les recommandations des évêques et curés. Le succès semble assuré partout, les spectacles sont souvent répétés. Les prix remontent. En bien des endroits, les gens voient des vues animées pour la première fois: les journaux commentent sans relâche: “c’est merveilleux, extraordinaire, d’une invention toute récente.” 92. La publicité se laisse aller à des révélations plus importantes: “Cette découverte est l’œuvre du vicomte d’Hauterives. Lui seul a le droit de la représenter et probablement l’occasion manquée ne se représentera plus.’’ 93

Avant les spectacles à Sherbrooke arrivent les plus récents films de Méliès : des actualités reconstituées montrant un incident de la guerre hispano-américaine, L’EXPLOSION DU CUIRASSE MAINE. Le maître du trucage a même pensé à filmer les plongeurs au travail. Curieuse coïncidence pourtant, à Sherbrooke comme à Ottawa, le public boude ces nouvelles attractions 94.

La tournée se termine en Ontario en septembre 98 95 pendant l’ouverture des écoles et les nombreuses foires automnales. Henry d’Hauterives dut plusieurs fois répéter, comme dans sa lettre de janvier 98, qu’il était “content de cette petite affaire”. En un an, lui et sa mère s’étaient créé une excellente réputation, et sans doute aussi d’enviables revenus.


Dans un livre consacré à l’histoire de St-Jérôme, Madame Germaine Cornez parle de l’Historiographe. Elle est l’un des rares historiens à en avoir parlé. Par contre, elle n’a pu éviter certaines erreurs. Elle dit que chacun des 12 épisodes de LA PASSION durait 15 minutes. En réalité, les tableaux de cette PASSION, comme tous les films de l’époque, ne duraient qu’une minute environ. Ce film n’était pas le premier long métrage, comme elle l’affirme, et n’était pas LA PASSION tournée par les Lumière, prétendument à Horitz en Bohême (elle dit St-Moritz). Ce film était peut-être celui tourné en France par Léar (qui n’était pas Anglais) et non un film américain (comme elle prétend), et St-Jérôme n’eut pas droit à une première mondiale, comme elle l’affirme encore. Elle dit finalement qu’il n’y a aucune trace ailleurs de ce nom d’Historiographe…

Dans un autre livre paru à Montréal en 1978, Les Ouimetoscopes, l’auteur Léon Bélanger laisse entendre que c’est son oncle Ernest Ouimet qui a lancé les Hauterives en leur conseillant de visiter collèges et couvents, au printemps de 1904, avec leur film LES CONTES DE PERREAULT. Cela leur aurait ensuite valu un engagement de quatre semaines au théâtre His Majesty, etc, etc. Monsieur Bélanger ne cite cependant aucune référence. En fait les Hauterives arrivent au Canada bien avant que Ouimet ne commence à s’intéresser au cinéma. On verra ensuite dans les autres chapitres comment Ouimet, électricien de scène, deviendra un magnat du cinéma, en suivant les voies tracées par les Hauterives.

Les autres historiens du cinéma canadien ne font eux aussi que paraphraser les souvenirs de Ouimet. Le seul livre sérieux écrit sur les débuts du cinéma canadien, Embattled Shadows de Peter Morris, parle longuement du travail de pionnier des projectionnistes ambulants au Canada anglais. Pour ce qui est du Québec, il parle seulement de Ouimet.

Jusqu’à ce que l’auteur de cette étude expose ses recherches (en premier lieu dans Cinéma Canada, juin 1984), les historiens du cinéma canadien ont toujours donné d’autres descriptions de la première représentation au Canada. Peter Morris (Embattled Shadows, History of Canadian Cinéma 1895-1939) déclare qu’elle eut lieu à Ottawa le 20 juillet 96 : John C. Greene y présentait le Vitascope Edison; Hye Bossin (Canadian Filmweekly, août et septembre 1944) disait déjà la même chose. Léon Bélanger, neveu et biographe de L.E. Ouimet (Les Ouimetoscopes – VLB éditeur Montréal, 1978) écrit que son oncle a assisté à une projection qui eut lieu à Montréal avant celle d’Ottawa. Mais il ne donne encore aucune référence. Il dit cependant que les opérateurs Lumière s’appelaient Guay et Vermette et que l’un d’eux devint plus tard professeur à l’école technique de Montréal. Inexacts, les souvenirs de Ouimet n’étaient cependant pas si loin de la vérité…

Il faut voir ici une conséquence des tiraillements politiques et culturels canadiens. Les journaux anglophones de Montréal ne firent aucun écho aux représentations du Cinématographe Lumière. Les historiens anglophones ont fait de même, quoiqu’ils en disent : “This article is written in response to Gary Evans “The first film in Canada” (Cinéma Canada no 26) (…)” “A thorough search of French and English language newspapers in Montréal, Ottawa and Toronto, plus a knowledge of when the various film devices were invented and marketed proves beyond a reasonable doubt that the Ottawa show on July 21, 1896, was the first in Canada…

Les historiens français (de France), qui firent grand cas des succès de Mesguish avec le cinématographe aux U.S.A. ne disent pas un traitre mot du rôle de ses collègues ailleurs en Amérique et en particulier au Québec, où les projectionnistes français furent les seuls à présenter avec persistance des spectacles de cinéma durant les années primitives de cet art nouveau.

Notes:

  1. Nos Racines, #63, p. 1253; #113 p. 2249
  2. La Patrie, 15 juin 1895, Le Monde 22 juin 1895
  3. Le Trifluvien, 21 avril 1899
  4. Le Courrier de St-Jean, 11 décembre 1896
  5. Le Progrès de Valleyfield, 21 et 28 septembre 1900
  6. La Presse, 29 juin 1896
  7. La Presse, 27 juin 1896
  8. Le Monde, 24 avril 1895
  9. Le Monde, 29 juin 1896
  10. La Presse, 29 juin 1896. D’autres journaux relatent l’événement La Patrie, Le Monde, Le Soir, Les Nouvelles, Le Courrier de St-Hyacinthe, dont le journaliste de La Presse était correspondant. Les journaux anglophones n’en diront pas un mot.
  11. Les Nouvelles, 16 août 1896 et 23 août 1896. Dans ses mémoires intitulés Tours de manivelle, Félix Mes­guish, cité ensuite par les historiens, dit être allé à cette exposition de Toronto pour présenter le Cinématographe. On peut se demander s’il ne s’est pas attribué plus de mérite qu’il n’en avait eu. Il serait étonnant que la firme Lumière ait dépêché deux concessionnaires en même temps au même endroit.
  12. L’Événement, 29 septembre 1896
  13. Le Trifluvien, 17 novembre 1896
  14. Le Pionnier, 4 décembre 1896
  15. Le Courrier de St-Hyacinthe, 15 avril 1897
  16. Le Courrier de St-Jean, 12 mars 1897
  17. Le Pionnier, 4 décembre 1896
  18. Le Courrier de St-Hyacinthe, 15 avril 1897
  19. Le Trifluvien, 27 novembre 1896
  20. Revue des deux Frances, juin 1898
  21. Le Monde, annonce du 12 juin au 12 juillet
  22. La Presse, 21 septembre 1897
  23. Montreal Daily Star, 15 septembre 1897
  24. La Presse, 21 septembre 1897
  25. The Gazette, 16 août et 26 juillet 1897
  26. Montreal Daily Star, 30 septembre 1896
  27. Montreal Daily Star, 19-20-21 novembre 1897
  28. Montreal Daily Star, 26 septembre 1896
  29. Montreal Daily Star, 15 décembre 1896
  30. La Patrie, 11 janvier 1897
  31. La Presse, 5, 12, 15 juin 1897
  32. Le Trifluvien, 19 mars 1897
  33. The Gazette, 26 mai 1897
  34. The Gazette, 27 août 1897, Le Pionnier, 8 octobre 1897, Le Soleil, 13 octobre 1897, Le Trifluvien, 15 octobre 1897, Le Courrier de St-Hyacinthe, 6 novembre 1897, La Patrie, 19 novembre 1897, Le Canada français, 26 novembre 1897
  35. Le Soleil, 13-14 octobre 1897
  36. Les renseignements qui précèdent sont tirés de la correspondance des Grandsaignes d’Hauterives dont on trouvera plus loin les coordonnés.
  37. Tous ces renseignements viennent de la correspondance des Grandsaignes d’Hauterives. La majeure partie s’en trouve aux archives du Finistère, cote 60J67. Une petite partie est en possession de l’auteur, don de Monsieur Guy de Grandsaignes d’Hauterives qui en conserve aussi quelques pièces. Cette correspondance nous dit peu de choses sur les débuts du cinéma au Québec. Par contre, elle nous raconte toute l’histoire des Grandsaignes d’Hauterives et la suite de leur carrière en Amérique après la fin de leurs tournées au Québec.
  38. Liste des passagers, Archives publiques du Canada, Ottawa
  39. The Gazette, 18 octobre 1897
  40. La Presse, 20 octobre 1897
  41. La Presse, 20 octobre 1897
  42. L’Avenir du Nord, 10 décembre 1897
  43. Je n’ai pu trouver la provenance de cette Passion. Celle de Lumière fut tournée tard en 97 et avait 13 tableaux. D’après les historiens, celle de Pirou n’en comptait que 7. Les historiens Jeanne et Ford rapportent une Passion montrée en Italie en 1897. C’était peut-être la même. Pour une description de ce film, on trouvera les titres en annexe.
  44. La Presse, 19 septembre 1903
  45. Le Réveil, 19 juin 1897
  46. À New York existait aussi un Eden Musée qui, comme celui de Montréal, fut un des premiers endroits où le public put assister régulièrement à des spectacles de cinéma. Cet endroit diffusait d’ailleurs du film français aux U.S.A. et on peut penser qu’Henry d’Hauterives put profiter de cette parenté entre l’Eden de New York et celui de Montréal, si parenté il y avait.
  47. La Minerve, 27 novembre 1897
  48. Autre indication, les Hauterives exhibaient plus tard une lettre de recommandation du père Rondot. Or celui-ci a quitté St-Hyacinthe en décembre 1897 (Le Courrier de St-Hyacinthe, 4 décembre 1897).
  49. La Tribune, 3 décembre 1897 et 27 mai 1898; L’Événement, 9 avril 1898; La Défense, 27 juillet 1899.
  50. L’Avenir du Nord, 10 décembre 1897
  51. L’Avenir du Nord, 17 décembre 1897
  52. Le Nord 16 décembre 1897
  53. L’Avenir du Nord, 17 décembre 1897
  54. La Patrie, 3 février 1898
  55. Montreal Herald, La Presse, La Patrie, 23 novembre 1897
  56. Archives C.E.C.M., Minutes de l’assemblée du 11 janvier 1898. Pendant qu’Henry d’Hauterives sillonnait les salles de spectacle, il semble que sa mère en faisait autant dans les presbytères, car ils exhibèrent bientôt des lettres de recommandations de curés de Montréal (voir Le Sorelois, 24 mai 1898 et Le Trifluvien, 13 mai 1898)
  57. Correspondance G. d’Hauterives chez l’auteur.
  58. Archives de la Seine, Jugement du 27 janvier 1898
  59. L’Avenir du Nord, 21 janvier 1898
  60. La Presse, 4 février 1898
  61. L’Écho de Lachine, 12 février 1898
  62. L’Écho de Lachine, 12 février 1898. Ernest Ouimet d’après ses souvenirs, était employé à ce moment chez les sœurs de Ste-Anne de Lachine, où l’Historiographe fit sans doute une apparition.
  63. Lettre reproduite sur un programme du spectacle du 4 décembre 1898 à l’école St-Louis du Mile End. Document conservé par les Archives des Clercs de St-Viateur, Montréal.
  64. Ottawa Citizen, 3-4 mars 1898
  65. Idem 62
  66. La Tribune, 3 décembre 1897
  67. Ottawa Journal et Ottawa Evening Citizen, 1er mars 1898
  68. Ottawa Evening Journal, 4 mars 1898
  69. Ottawa Journal, 6 mars 1898
  70. Le Temps, 8 mars 1898
  71. Ottawa Evening Journal, 11 mars 1898
  72. Ottawa Daily Free Press, 4 mars 1898
  73. Le Temps, 12 mars 1898
  74. Ottawa Journal, 15 mars 1898
  75. Le Temps, 21 mars 1898
  76. Ottawa Evening Citizen, 25 mars 1898. On peut supposer que les spectacles annoncés dans les journaux étaient loin d’être les seuls présentés par les Grandsaignes d’Hauterives. Ils s’adressaient le plus souvent aux écoles, donc à des publics captifs auprès desquels la publicité se fait presque uniquement de bouche à oreille.
  77. Quebec Daily Telegraph, L’Événement, 6 avril 1898
  78. L’Événement, 9, 13, 14, 15 avril 1898
  79. L’Événement, 12 avril 1898
  80. L’Événement, 12 avril 1898
  81. Montreal Herald, 2, 6 avril 1898
  82. Quebec Daily Mercury, 25, 30 avril 1898.
  83. Lettre reproduite sur programme du 4 décembre 1898. Archives des Clercs St-Viateur, Montréal.
  84. Le programme dont les archives du Séminaire ont une copie était le même qu’à St-Jérôme en décembre 1897 (voir annexe).
  85. Journal du Petit Séminaire, 5 mai 1898.
  86. Le Trifluvien, 13, 17, 20 mai 1898
  87. Archives du Centre hospitalier St-Joseph de Trois-Rivières, Soeurs de la Providence. À Trois-Rivières le pro­gramme comprend LES FUNÉRAILLES DU CARDINAL TASCHEREAU mort à Québec en avril. Ils ne présenteront plus ce film, dont aucune trace n’a été trouvée.
  88. Reproduit dans le programme du 4 décembre 1898. Archives Clercs St-Viateur, Montréal.
  89. Le Sorelois, 24 mai 1898.
  90. L’Union des cantons de l’Est, 3 juin 1898, L’Écho des Bois-Francs, 4 juin 1898, Sherbrooke Daily Record, 17-20 juin 1898
  91. Le Courrier de St-Jean, 8 juin 1898
  92. L’Écho des Bois-Francs, 4 juin 1898
  93. L’Écho des Bois-Francs, 4 juin 1898
  94. Sherbrooke Daily Record, 17, 20 juin 1898
  95. Lettre de l’inspecteur Hughes du Toronto Public School Board, 15 septembre 1898 reproduit dans le programme du 4 décembre 1898. Archives Clercs St-Viateur, Montréal et aussi Le Courrier de St-Hyacinthe, 29 octobre 1898 “Après une tournée dans l’Ontario…”