La Cinémathèque québécoise

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Mémoire présenté au Secrétaire d’État par l’Association professionnelle des cinéastes (février 1964) (extraits)

 Mesures que l’Association professionnelle des cinéastes recommande au gouvernement du Canada pour favoriser le développement d’une industrie de cinéma de long métrage conformément aux intérêts économiques et culturels du pays (extraits)

Cérémonies officielles du 25e anniversaire
Cérémonies officielles du 25e anniversaire. De g. à dr. : A. Trueman, Mme Irwin, R. McLean, Mme Roberge, M. Lamontagne, G. Roberge, J. Grierson, Mme Lamontagne, A. Irwin, Mme Trueman
© ONF

En février 1964, l’APC soumet au Secrétaire d’État un mémoire sur la créa­tion d’une industrie de long métrage au Canada. Elle avance 22 raisons qui militent en faveur d’un tel état de choses. Un mois plus tard elle revient à la charge avec des recommandations précises. Voici celles concernant l’ONF :

L’Association professionnelle des cinéastes tient à faire un certain nombre d’observations sur la politique de l’Office national du film, en autant que cet organisme joue un rôle déterminant dans l’évolution du cinéma canadien et plus spécifiquement en autant qu’une production de long métrage à l’Office pourrait avoir des effets indésirables sur l’économie de l’industrie privée.

L’ONF vit à l’extérieur de l’industrie du cinéma. Il n’a pas à se justifier par des profits, pas davantage qu’une école publique. La distribution « commer­ciale » canadienne des courts métrages de l’Office ne rembourse en moyenne que 2 % de leur coût de production. Il ne faut pas s’en inquiéter.

La question se pose différemment pour le long métrage. On sait que l’ONF s’est engagé depuis peu dans ce genre de film. L’APC souhaite que ces films rencontrent l’adhésion du public et étendent le prestige du cinéma canadien. Mais que faudrait-il penser de l’utilisation des revenus nets provenant de l’ex­ploitation de ces longs métrages, pour en financer d’autres? Qu’adviendrait-il si dans cinq ans une section de l’ONF parvenait à se suffire à elle-même sur le plan financier?

Il faudrait dès lors considérer l’ONF comme une entreprise de production commerciale, en compétition directe avec l’entreprise privée, et il faudrait qu’il se conforme à toutes les exigences économiques du secteur (comme c’est le cas en France pour un circuit de salles dont l’État est propriétaire et qu’il exploite exactement comme une entreprise commerciale).

Nous ne voyons d’ailleurs pas de raisons pour lesquelles l’Office déciderait de s’engager dans cette voie, mais puisque c’est théoriquement possible, nous tenons à définir nos positions devant une telle éventualité.

Premièrement, une orientation définitive dans le sens d’une production commerciale détournerait l’ONF d’une de ses principales missions qu’il est seul à pouvoir accomplir : l’information générale, d’intérêt public.

Deuxièmement, cette orientation fausserait le système économique de la libre entreprise que le gouvernement doit favoriser et dont ce mémoire fait état.

Troisièmement, elle serait en contradiction ouverte avec une politique gouvernementale de prêts et de subsides à l’entreprise privée, car il serait ab­surde pour les pouvoirs publics de soutenir cette entreprise privée d’une part, et de lui livrer d’autre part, à travers l’ONF, une concurrence déloyale et meurtrière.

À notre avis, l’ONF doit veiller à n’avoir pour but que le prestige du Canada et l’information de ses citoyens. Les revenus anticipés d’un film ne devraient jamais avoir quelque influence que ce soit sur la décision initiale de le produire. L’ONF doit éviter de devenir, par ses mobiles de base, un agent compétitif à l’égard des producteurs privés.

Ce ne devrait être qu’à l’occasion, et pour des motifs de toute évidence extérieurs aux intérêts du commerce, que l’ONF choisisse de produire des longs métrages. Ceci dit, nous tenons à reconnaître l’importance de l’ONF dans la vie culturelle du pays et, pour qu’il n’y ait aucune équivoque dans ces propos, nous nous déclarons solidaires des initiatives essentielles qu’il a prises jusqu’à ce jour.

Conclusions

14. L’Office national du film doit veiller à ce que sa production de long métrage n’ait pour but que le prestige du Canada et l’information de ses citoyens, et doit se garder de devenir par ses mobiles de base, un agent compétitif à l’égard des producteurs indépendants.

Afin de libérer la situation de toute équivoque, nous recommandons que tous les revenus provenant de l’exploitation commerciale des films de long métrage de l’ONF dans les salles de cinéma, soient versés au Receveur Général, sans que les subsides accordés par le Gouvernement à l’Office national du film ne soient augmentés pour autant.