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1935 : France-Film

1935

Voilà donc France-Film investie d’une mission nationale et patriotique! Au 5e congrès du film parlant français tenu le 4 juin 35 sous le haut patronage du premier ministre Taschereau (au congrès précédent, R.A. Benoit le représentait) et du ministre de France au Canada, on ne manque pas de souligner que le film français “nous aidera à conserver notre esprit et maintenir nos traditions. On doit voir en lui un excellent facteur de ‘refrancisation’, car il est une source d’enrichissement pour notre vocabulaire, un moyen de corriger notre prononciation. D’autre part le film français peut assurément contribuer à la formation du goût et à la diffusion du sens de la mesure” (Le Canada). De son côté le consul de France y va de sa note plus terre-à-terre : “La France représentait pour l’année 1934, 17% du total des importations cinématographiques alors qu’en 1931 sa part ne dépassait pas 1%. Le nombre de Canadiens qui dans 54 salles de la province ont vu nos films s’est respectivement élevé de 3 à 6 millions en 1932 et 33 pour atteindre près de 14 millions en 1934”. Que de succès pour du capital canadien-français, pour des “canadiens-français de Montréal” (même s’ils sont présidés par un Français, Hurel, que son gouvernement nommera bientôt Chevalier de la Légion d’honneur pour services rendus au cinéma français)!

Certains se disent qu’ils peuvent également tirer leur part de ce succès et de la reprise générale du cinéma 1. Le 1er octobre la United Amusement annonce que sept de ses salles (Corona, Rivoli, Papineau, Plaza, Belmont, Rosemont, Granada) programmeront des films France-Film; “tous les quartiers de la métropole deviendront ainsi accessibles au film français”. Cela ne fait pas l’affaire de tout le monde. En effet il y a au moins une autre chaîne de salles, la Confederation Amusements, 2 qui possède une implantation de quartier et qui se spécialise aussi dans la reprise. Or la Confederation avait déjà conclu le 16 avril 34 un accord avec France-Film quant à l’exclusivité des reprises. On appelle “reprise” un film qui est représenté le soir, à 11 heures, après la représentation régulière. La majorité des spectateurs de la séance ordinaire reste à ces films qui ont déjà été programmés, l’après-midi ou le soir, plusieurs semaines auparavant, dans une autre salle, le St-Denis en l’occurrence. Le contrat France-Film/Confederation stipule que cette dernière recevrait, de juin 34 au 30 septembre 35, 59 films moyennant un prix de location de $16,000., soit environ $270. par film. Or le premier octobre, ce n’est pas la Confederation qui voit son contrat prolongé mais United Amusement qui le lui ravit. La rivalité se cristallise autour du Rivoli et du Château, deux cinémas voisins. La Confederation va donc en cour le 9 juin 36 pour obtenir une injonction contre France-Film qui l’empêcherait de louer ses films à d’autres propriétaires de salles. Finalement l’affaire se conclut à la satisfaction de la Confederation qui présente à nouveau les films France-Film à l’automne 36.

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Notes:

  1. Cette reprise ne touche pas seulement les salles françaises qui refont leur toilette et améliore leurs systèmes sonores, mais aussi des salles anglaises comme le Palace et le Loews. Léon Franque remarque également que la qualité du cinéma s’améliore de sorte que la saison 1935-36 sera, selon lui, une date à retenir dans l’histoire du cinéma. Et il prend soin d’ajouter : “Nous pouvons aussi espérer que la moralité des œuvres qui solliciteront notre attention sera irréprochable. L’action de la Ligue de décence américaine porte déjà ses fruits. En France, les réalisateurs bannissent impitoyablement les œuvres lestes, trop légères. L’humour anglais s’affine et le cinéma, sans devenir gâteux ou fait à l’usage des bambins, a tendance à s’assainir. Cela facilitera de beaucoup la tâche de la censure qui, disons-le à son honneur, n’a jamais aimé taillader les films pour le malin plaisir de frustrer le public”.
  2. Propriétaire de salles suivantes : Château, Outremont, Empress, Cartier, Dominion, Maisonneuve.