La Cinémathèque et son double : Le Musée de l’image en mouvement

Le 3 octobre 1988. Assemblée générale de la Cinémathèque québécoise. Le conseil d’administration soumet à l’approbation des membres un document sur la création d’un Musée de l’image en mouvement ¹. Réactions enthousiastes de la salle. Le projet est adopté à l’unanimité; il correspond à la volonté de croissance de la Cinémathèque.

Il est essentiel pour une institution culturelle de l’importance de la Cinémathèque d’avoir des projets de développement et d’établir des perspectives qui guident son action. À l’heure actuelle et pour les années 90, tel sera pour la Cinémathèque le rôle du Musée de l’image en mouvement. Dès le début de son existence, celle-ci voulut mettre sur pied un musée pour exposer les objets, appareils et documents divers utilisés dans et autour de la confection des films; c’était d’ailleurs, pour plusieurs cinémathèques, un prolongement naturel des projections. En 1972, dans ses nouveaux locaux de la rue McGill, elle aménage une petite salle d’exposition. En 1982, lorsqu’elle déménage boulevard De Maisonneuve, l’espace consacré aux expositions s’agrandit. En 1992… Mais n’anticipons pas.

En 25 ans, la Cinémathèque a relevé plusieurs défis. Celui des années 90 est incontestablement le Musée de l’image en mouvement. Devant l’effondrement de la mémoire collective, le développement accéléré des nouvelles technologies et la menace de perdre le sens de l’histoire, les fonds d’archives sont et seront de plus en plus sollicités; ceux qui les possèdent doivent réévaluer la façon de redonner un passé aux gens en leur offrant un «passeport pour l’an 2000». Leur mission est dorénavant de préparer l’avenir tout en protégeant le passé. Il est symptomatique que depuis les cinq dernières années, pas moins de sept musées ont été construits ou rénovés au Québec. Durant la même période, trois musées de l’image en mouvement se sont ouverts dans le monde : à Francfort, Londres et New York. Montréal est à son tour en piste.

Le Musée imaginé par la Cinémathèque sera pensé en termes d’insertion dans son milieu et de réponse aux besoins de notre époque. Il sera en outre le couloir d’accès privilégié aux collections, à leur image même : multiple, diversifié, étroitement lié à l’histoire des images en mouvement dans notre pays, lieu de rencontre entre le public et les créateurs. Le Musée poursuit un objectif majeur : faire découvrir au grand public la nature, l’importance et l’évolution de l’image en mouvement ainsi que son contexte social, culturel, idéologique, artistique, économique, historique, technologique, scientifique et spirituel.

Pour parvenir à cet objectif, le Musée définira une thématique qui s’articule autour du processus de création et de fabrication d’une œuvre. Il développera des approches près de son sujet qui jouent sur les registres émotif, sensoriel, dramatique et humoristique. La présentation des objets se fera en rapport continuel avec les œuvres et les contextes de production et de consommation. On privilégiera la vision des artistes plutôt que la technologie, les thématiques qui ont modifié une société et les images en mouvement qui les ont enregistrées.

Tout au long de ce numéro, on vous a présenté les collections de la Cinémathèque, parlé de leur conservation, invité à faire un voyage pour découvrir trésors et curiosités, éléments quotidiens et acquisitions exceptionnelles. On a pu constater que la Cinémathèque a mis toutes ses ressources et ses énergies à accomplir sa première mission : sauvegarder le patrimoine cinématographique. Maintenant, pour elle, l’avenir devient présent et l’ouverture au public, plus marquée que jamais. La Cinémathèque rêve d’un lieu magique où celui-ci sera volontiers convié. Elle s’est faite archive, elle se fera musée. Tel est le double visage de ce Janus dont ce numéro vous a fait partager le secret : ses collections.

La Rédaction