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Et si on changeait la vie? (animation ONF 1968-1984)

“… Les films d’animation sont présumés n’être que des occasions de divertissement léger, des hors-d’œuvre qui, même quand ils empruntent un ton sérieux, semblent pouvoir être consommés distraitement, tout en cueillant au passage de vagues plaisirs esthétiques. Des films que souvent on affirme aimer mais au sujet desquels il n’y aurait rien à dire ni rien à ré­fléchir. Voilà l’impitoyable aplatissement de son travail que doit affronter le cinéaste d’animation, quand après de longues périodes d’efforts patients et passionnés, il se présente avec son “petit film” sous les bras.”

Pierre Hébert 1

Le cinéma d’animation a-t-il besoin d’être réhabilité? D’une certaine mani­ère, oui. Si on s’entend d’emblée sur ses qualités techniques, on n’est pas certain en divers milieux de sa richesse. Il est bon aujourd’hui d’aborder l’animation en jetant un éclairage sur une cinquantaine de films produits depuis quinze ans à l’ONF, quitte à revenir plus tard sur le reste de la production.

En sautant en fait dans l’irrationnel, en allongeant ou en raccourcissant le temps, l’animation fait plus que nous dépayser. Elle caricature notre existence, tisse des liens et recrée un monde utopique. Le mouvement, la logique, les formes et la pesanteur quittent le domaine rationnel. Ce parti-pris n’empêche pas qu’on établisse des con­cordances et des relations entre certains pays et entre certains studios.

“Parce qu’elle implique des possibilités illimitées de créa­tion et qu’elle offre une presque totale liberté d’expression, l’animation reflète, d’une manière vraisemblablement plus directe que le cinéma de prises de vues réelles, les obsessions et les hantises de la conscience morale et civique contemporaine.” 2

Les cinéastes certes schématisent leur message dans des personnages et des situations-limites. C’est dans ce dédale et dans ces idées-forces que nous suivrons les cinéastes-animateurs de l’ONF.

Une constante apparaît dans les films produits dès 1968 : celle d’un intérêt soutenu pour changer la vie. Chez plusieurs animatrices, cela prend la forme d’un hymne à la vie et chez beaucoup d’animateurs celle d’un riche éventail de nos condi­tions d’existence. Dans le premier cas, des accents plus lyriques, dans le second, un ton plus pamphlétaire. Pourtant il ne faudrait pas chercher dans ces lignes de force et dans ces mouvements dominants une “preuve” pour “encarcaner” les uns et figer les autres. Il est bon de redire combien les osmoses les plus courantes entre impulsions fé­minines et impulsions masculines se retrouvent d’emblée sur le terrain de l’animation. Si ces particularismes sont conjoncturels et culturels, ils ne peuvent présumer ni de la sensibilité, ni de l’intérêt et encore moins de la qualité des œuvres.

Bruno Edera, dans un historique de L’Animation au féminin 3, rappelle la convic­tion de plusieurs : “L’homme raconte une histoire, la femme se raconte.” Déjà on peut se demander dans quelle mesure cette affirmation vaut pour le cinéma d’animation à l’ONF. L’emploi du journal, du ton intimiste ou encore de l’introspection est-il l’apa­nage des femmes? Les films de Jacques Drouin, de Pierre Moretti ou de Ron Tunis suffisent à nous convaincre du contraire. ÉTIENNE ET SARA ne raconte-t-il pas aussi comme TRÊVES ou LE DERNIER ENVOL, les préoccupations, les émotions et le “senti” du cinéaste par un commentaire, des images et des mouvements?

On peut opposer aussi à l’affirmation d’Edera que les œuvres de Caroline Leaf, de Joyce Borenstein ou de Lynn Smith ne dévoilent pas nécessairement et directement leurs histoires personnelles. D’abord parce qu’elles s’inspirent d’œuvres extérieures ou bien parce qu’elles ont des sujets souvent imposés. Ainsi Caroline Leaf emprunte à Mordecai Richler son scénario de LA RUE, à Kafka celui de LA MÉTA­MORPHOSE DE M. SAMSA et aux Inuit le propos du conte LE MARIAGE DU HIBOU. À revoir les films d’Evelyn Lambart, peut-on imaginer qu’ils soient autobiographiques ou tout au moins “transparents” sur les préoccupations de l’auteur?

Non, ni le choix de narration, ni celui du matériau utilisé permettent de distin­guer comment animateurs et animatrices de l’ONF transposent différemment leur volonté commune de changer la vie. Il faut regarder leurs idées-forces. Certes, leur démarche rejettera également les stéréotypes et l’anthropomorphisme. Récipro­quement, ils basent leurs films sur des thématiques bien contemporaines. Les femmes par contre cherchent surtout l’harmonie tandis que les hommes dressent un inventaire de tout ce qui s’y oppose. À cela, une exception; les animatrices traitent avec minutie de deux obstacles importants à la qualité de vie : l’intolérance sociale (BALABLOK, RIEN QU’UNE PETITE CHANSON D’AMOUR) et l’aliénation des rôles sexuels (PETIT BONHEUR, LA MÉNAGÈRE, TOKEN GESTURE, THE SPRING AND FALL OF NINA POLANSKI).

CLIMATS de Suzanne Gervais (1974)
CLIMATS de Suzanne Gervais (1974)
© ONF

Le cinéma des femmes ou l’hymne à la vie.

La qualité première des œuvres féminines demeure leur aspect visionnaire. Elles rendent souvent visibles les rivières souterraines, les rythmes et les pulsions vitales. La très grande force de PREMIERS JOURS est justement de nous reconnecter sur les pulsions et les énergies premières, le rythme des saisons, du vent, de la mer et de l’amour. Déchaînements et apaisements des passions et de la souffrance, appri­voisement de la vie, autant de thèmes qui décrivent les fils de notre existence cachée.

Caroline Leaf dans LA RUE retient moins les aspects “rumeur” et “quartier” de la nouvelle de Richler que son intériorité. Elle dépeint avec patience l’attente de la mort, s’attarde au combat que livre, par objets et personnes interposées, la grand-mère à la vie. Elle aussi veut durer. C’est à pareille incantation que nous convie Suzanne Gervais. La recherche d’harmonie demeure une quête ardue. De CYCLE en passant par CLIMATS, par le traumatisme de LA PLAGE jusqu’à la synthèse qu’est TRÈVES, l’être se départit de ses carapaces cherchant un équilibre entre pulsions et expériences. Répétitions des mêmes gestes, reprises des objets, des rêves jusqu’à ce qu’ils nous habitent et coulent en nous. Trouver dans la vie un rythme, s’harmoniser et se retrouver malgré les angoisses, les déchirures et les souvenirs. Fonctionner malgré et avec cela.

RIEN QU’UNE PETITE CHANSON D’AMOUR, L’OEIL et LUNA, LUNA, LUNA souhaitent le même équilibre. La passion et le cri se déchaînent dans les deux premiers films de Viviane Elnécavé. C’est avec une violence quasi dévasta­trice qu’elle se réapproprie les situations de rejet, c’est avec détermination qu’elle fixe ensuite dans LUNA, LUNA, LUNA, la noirceur malgré la peur. Elle imprime alors les lents déplacements de la vie. Apparitions fugitives, spectres menaçants, l’adulte n’aura de répit qu’en les affrontant les yeux ouverts.

L’œuvre de Francine Desbiens oscille pour sa part entre contemplation et inter­vention. Le drame du DERNIER ENVOL étale cette difficile contradiction. À aimer paisiblement un oiseau, à vouloir le garder tout à soi sans bouger, c’est peut-être suf­fisant pour lui donner la mort?!? À l’opposé, LES BIBITES DE CROMAGNON et BALABLOK se développent dans l’action. Fables sur la confrontation sociale et le rejet des différences, les deux films proposent le même constat. Nos préjugés et nos fonctionnements sociaux privilégient les communs dénominateurs, imposent des normes au détriment des distinctions et du respect de chacun. Ici l’intolérance face à la couleur de l’autre, à ses formes particulières, cerne la question des apparences. Sommes-nous jugés pour ce que nous sommes ou plutôt sur l’air que nous affichons?

Dénonciation des préjugés et de l’hypocrisie sociale, le film COGNE-DUR de Lebel, Daudelin et St-Pierre s’en prend aussi aux inégalités sociales. La fable retient surtout la nécessaire intervention collective pour se débarrasser des fraudeurs et des ex­ploiteurs. Les paysans n’ont que leur force collective à opposer et cela réussit.

Trois autres films d’animatrices abordent à leur tour un autre obstacle important à la quête d’harmonie : la division sexuelle du travail. Le premier, celui de Micheline Lanctôt, TOKEN GESTURE, nous resitue en pleine mythologie. Vous souvenez-vous des bleus habits de garçons et des roses folichonneries pour les filles? L’agressivité pour les premiers et la douceur pour les secondes? Récemment à Toronto ne décidait-on pas en hauts lieux chirurgicaux d’accorder le sexe mâle au bébé siamois qui manifestait le plus de signes d’agressivité? Autre époque, mêmes mœurs. Micheline Lanctôt a bien compris les leçons et se promène de l’enfance au milieu du travail avec aisance. L’éducation sexiste cristallise les différences en opposi­tions marquées pour ensuite les fondre en rapports d’oppression.

Même constat chez Cathy Bennet dans LA MÉNAGÈRE où une corpulente femme est astreinte aux gestes répétés. Constamment seule, la femme dessert la table, lave, étend, repasse le linge, cuisine et lave la vaisselle pour elle et son compagnon. Lui, pareil à une ombre, apparaît çà et là, un café à la main, lisant son journal avant de repartir travailler. Le piano nous rappelle par une gamme répétée que tout est re­commencement et que les tâches domestiques accomplies seule, dans l’isoloir de la maison, sont une plaie sociale.

THE SPRING AND FALL OF NINA POLANSKI revoit en accéléré cette vie effacée : jeune mariée radieuse au printemps, mère terriblement active à l’été, Nina se retrouve débordée et semblable aux instruments ménagers qu’elle utilise, dépersonna­lisée, à l’automne. Lorsqu’il est enfin temps pour elle de souffler, de s’asseoir, de vivre et de regarder vivre, les feuilles foulent déjà le sol. L’hiver est à nos portes.

Il faudra toute la détermination de la maman du PETIT BONHEUR pour en­jamber obstacles, clichés et pressions sociales. Est-ce le prix à payer pour vivre libre­ment, demande Clorinda Warny?

C’est sans doute cela en effet. Reprise des cycles de la vie, de son rythme propre et de son identité retrouvée, plusieurs films de femmes entonnent, depuis 1972 surtout, un vibrant hommage à la vie.

Une recherche pour un monde meilleur dans les grands ensembles modernes.

Les animateurs de l’ONF poursuivent pour leur part leur quête d’un monde meilleur dans un domaine moins personnalisé. Pour eux, il s’agit au départ d’inven­torier leur environnement et les mutations qu’il a subies ces dernières années. Faire le procès de la ville et des machinations inventées par l’homme pour la détruire.

LA PLANTE de Thomas Vamos (1983): un mélange d'animation et de fiction. (coscénariste et réalisatrice de l'animation: Joyce Borenstein)
LA PLANTE de Thomas Vamos (1983) : un mélange d’animation et de fiction. (coscénariste et réalisatrice de l’animation : Joyce Borenstein)
© ONF

Nous sommes projetés à l’envers des visions paradisiaques d’un Walt Disney, à l’envers aussi des “cartoons” bon enfant, compétitifs et agressifs. Est-ce le fait de tra­vailler sur le mouvement qui a rendu les animateurs si sensibles à tout ce qui bouge et évolue? On le dirait bien à voir les films produits depuis 1968. Ils manifestent un souci profond pour l’évolution de l’univers (FIVE BILLIONS YEARS, TOUT-RIEN). Ils recensent les transformations récentes avec minutie. Ainsi, Yvon Mallette raconte dans MÉTROFOLLE le passage de la colonie française en bourgade à son orga­nisation en village, puis en ville et enfin en métropole. Les gratte-ciel remplacent les confortables maisons victoriennes, les lignes télégraphiques, les arbres majestueux devant chez soi. Le bruit s’installe de plus en plus et avec lui le manque d’espace, la pollution atmosphérique et les monstrueux embouteillages. On s’évade un JOUR DE CONGÉ.

Depuis près de vingt ans, à l’ONF, retentissent les voix courroucées, ironiques ou éteintes d’autant de films sur le massacre actuel : pollution atmosphérique, (LE BOUFFE-PÉTROLE, AIR), pollution par le bruit, (CAMPEUR DÉCAMPE, BAXTER GAGNE SON CIEL), par la publicité envahissante, (L’AFFAIRE BRONSWICK, LA VILLE), par le rythme accéléré (FLEUR DE MACADAM, TAXI) et par l’anarchie des planifications. Sans blague nous sommes bel et bien en danger! Comment le dire avec humour?

La ville déshumanise. Pollution, destruction et consommation deviennent ses trois mamelles. La corrosion des mœurs se propage. L’égoïsme et la suffisance (CHAQUE ENFANT, UNE BOÎTE) remplacent la solidarité et l’émerveillement (LA FLÛTE ENCHANTÉE, LE VENT). Personne n’ose plus s’occuper d’un bébé abandonné tellement il dérange, les vieux préfèrent le chat, la femme célibataire sa ré­putation, les autres les poissons rouges. Chacun veut la sainte paix au détriment des autres. Chacun poursuit dans un coin des chimères. Comme LE CITOYEN HAROLD devant la télévision, on repasse ses déboires et ses frustrations face aux bu­reaucrates des villes. À la limite, faudrait-il poser une bombe pour que ça change? Comment s’organiser devant la hausse des prix, de la pollution et du bruit? Harold rejoint au téléphone d’autres Harold comme lui prostrés devant leurs téléviseurs mais tout à coup intéressés par son histoire qui est aussi la leur. Les Harold s’organisent, protestent mais ce n’était qu’un rêve car le vrai et unique Harold ne s’est pas levé. Fuyant les récriminations de sa criarde femme, il fixe à nouveau le petit écran.

La consommation prend le dessus dans nos phantasmes et dans nos rapports sociaux (PÈRE NOËL, PÈRE NOËL, CHAMPIGNONS, NOUS). Bientôt nous serons de simples mécaniques vidées de toute substance, reines des villes où l’homme aura disparu. Un univers contrôlé et bien géré (NOUS, DANS LA VIE).

Coincées par différentes responsabilités, plusieurs personnes choisissent le repli (LIVRAISON SPÉCIALE, VIVRE EN COULEURS), et s’emmurent dans leurs quartiers et leurs habitudes aliénantes. Vision digne d’un Zola, le film LES NAU­FRAGÉS DU QUARTIER décrit l’abrutissement social et la haine. Tableaux acérés et pessimistes de la ville, LES NAUFRAGÉS, PRISON, DANS UN PARC, gravent en images lugubres la solitude des êtres et déplorent leur totale exclusion. La désola­tion s’étend ainsi des individus aux quartiers, aux classes et aux époques (CINÉ-CRIME, L’ÂGE DE CHAISE, CECI EST UN MESSAGE ENREGISTRÉ).

Si l’exclusion touche pour le moment une minorité d’hommes, les rapports d’ex­ploitation au travail et la guerre touchent l’ensemble des hommes. SPEAK WHITE, ENTRE CHIENS ET LOUP, SOUVENIRS DE GUERRE, LA FAIM dénoncent sans détour l’apathie des petits, le grotesque de l’appétit des géants. Les responsables prennent voix et figures. Encore aujourd’hui SPEAK WHITE, d’après le poème de Michèle Lalonde, demeure une des plus virulentes dénonciations de l’oppression na­tionale et de l’exploitation ouvrière de tout le cinéma québécois, SOUVENIRS DE GUERRE, du désastre des guerres capitalistes et LA FAIM, des pays d’abondance. Les pays en voie de développement, les anciens colonisés exigent des comptes. Dans ce dernier film, Foldès, grâce à l’ordinateur, installe une tentaculaire monstruosité et la fait se déplacer de plus en plus lourdement du bureau au supermarché, du restaurant au lit et du lit à la salle de bain. Des ventres énormes surmontés d’yeux perçants la menacent. Ils avancent sans bruit et finalement ingurgitent tous ensemble cette masse gélatineuse. LA FAIM accuse et nous prend à témoin.

LES NAUFRAGÉS DU QUARTIER de Bernard Longpré (1980)
LES NAUFRAGÉS DU QUARTIER de Bernard Longpré (1980)
© ONF

Cet aspect pamphlétaire présent dans plusieurs films d’animation tranche avec des conceptions courantes de l’animation, ce que rappelait incidemment Pierre Hébert. En affichant dans leurs films des préoccupations actuelles et modernes, les ar­tistes de l’ONF privent-ils l’animation de ses lettres de noblesse, de son rire et de son pouvoir d’émerveillement? Il n’en est rien. Avec eux, les thématiques sérieuses perdent leur cérémonial, les moyens s’accompagnent d’humour, de caricatures, de trouvailles sonores et visuelles. Saisie de l’actuel (UN ENFANT, UN PAYS), du passager (PUZZLE) ou du “en devenir” (BIOSPHÈRE), le film d’animation ne con­naît pas encore de frontières. Nouvelle, conte, fable, anticipation, pastiche, tout lui est possible. Alors pourquoi le cantonner au cinéma “entertainment”? Le rire aux studios d’animation de l’ONF n’est certes pas gargantuesque, il s’apparente plutôt au sourire car il naît de l’ironie et du ridicule. Les questions sont posées, le désespoir reste absent.

Les grands films d’animation demeurent en cela des œuvres contemporaines complètes; le propos mordant, ironique ou poétique est tonifié irrémédiablement par la bousculade des mouvements, des couleurs, des formes et des sons. On ne peut y dissocier les trouvailles visuelles du tempo sonore et du réquisitoire pour un monde meilleur.

Pendant dix-sept ans, l’animation du studio français de l’ONF a délaissé la psy­chologie primaire et, avons-nous dit, l’anthropomorphisme, ces curieuses béquilles de tout un cinéma d’animation. D’emblée, elle a su utiliser des personnages-idées et des personnages-situations pour nous rejoindre. En cela elle appartient, non à la tradition américaine, mais à l’école européenne du cinéma d’auteurs. Par l’animation, des réa­lisateurs ont abordé la détérioration-conservation de l’environnement, la dislocation-reprise en charge des rapports à soi et aux autres. Une immense contribution! Il fau­drait un jour pousser plus loin notre investigation et mesurer les recoupements et les distances que ce cinéma prend avec le reste du cinéma québécois. Là nous aurons peut-être encore des surprises.

Derrière cet effort d’un studio, on retrouve beaucoup de réalisateurs déterminés mais aussi des assistants précieux (Michèle Pauzé, Lina Gagnon, Nina May, etc.) des compositeurs hors pair (Maurice Blackburn, Alain Clavier, Denis Larochelle, Pierre Brault, Normand Roger) et des spécialistes de toutes sortes.

En 1984, l’animation à l’ONF comme ailleurs est à un tournant. En cette époque agitée, l’animateur revient à sa table de travail inquiet, goûtant des territoires nou­veaux (ÉTIENNE ET SARA, OPÉRA ZÉRO), approfondissant ses recherches anté­rieures, quittant momentanément l’Office pour se ressourcer ou y revenant après une longue absence.

Les temps sont incertains. Les animatrices s’interrogent sur leur hymne à la vie, les animateurs sur leurs descriptions sociales. Certains sont tentés par les nouvelles technologies, d’autres par le cynisme ou les projets ambitieux. Chacun est bousculé c’est certain. Cinéma par ordinateur? Cinéma pour la télévision? Cinéma pour un plus large public? Comment dire, expérimenter et innover tout à la fois?

Depuis plus de quarante années maintenant le cinéma d’animation fait la noto­riété de l’ONF au plan national et international, ses qualités techniques et artistiques sont reconnues. Aujourd’hui force nous est de saluer aussi son sérieux, sa vivacité et sa diversité. Pareille reconnaissance passe non seulement par la poursuite des efforts des cinéastes chevronnés mais aussi par le soutien à la relève. Le cinéma a besoin d’ar­tisans préoccupés par la qualité de vie et par la richesse des relations sociales.

C’est aussi cela l’expérimentation!

Octobre 1984

ENTRE CHIENS ET LOUP de Pierre Hébert (1978)
ENTRE CHIENS ET LOUP de Pierre Hébert (1978)
© ONF

Notes:

  1. Pierre Hébert, Souvenirs de guerre, ONF, 1983, 23 pages. Réflexions à haute voix sur un cinéma improbable, p. 1.
  2. Marcel Martin, « Annecy 1977 », Écran no 61, septembre 1977.
  3. Bruno Edera, “L’animation au féminin”, La revue du cinéma, no 389, décembre 1983, p. 74 à 87.