Du cinéma… sur papier
La question qui revient le plus souvent est sans aucun doute : «Votre centre de documentation est-il vraiment une des plus importantes bibliothèques sur le cinéma en Amérique?» Question globale à laquelle on ne saurait répondre par un simple oui ou non. Bien sûr, comme dans toutes les bibliothèques, il y a des trous dans les collections. Cependant leur variété et leur richesse font du centre un endroit privilégié pour la recherche cinématographique ou pour le simple plaisir du cinéphile. Ainsi des études sur la sémiologie ou la narratologie voisinent-elles les critiques sur le dernier RAMBO ou les déjà anciens STAR WARS.
Quand Guy L. Coté fonda la Cinémathèque en 1963, il y inclut d’emblée une section «documentation» à mi-chemin entre la bibliothèque de recherche et la bibliothèque pour grand public; ce service avait déjà le mandat d’acquérir tout ce qui se publiait à travers le monde sur le cinéma, sans distinction de langue, de sujet ou de provenance et c’est cette voie qui prévaut encore aujourd’hui. On y retrouve donc en plus d’une majorité de publications en anglais et en français, plusieurs autres en russe, en japonais ou en chinois.
Les monographies
Avec ses 40 000 livres et brochures, la bibliothèque occupe une place importante dans son domaine. Cette collection s’enrichit annuellement, par achats ou par dons, de plus de 2 000 titres. La plus récente acquisition est Le dictionnaire du cinéma québécois rédigé sous la direction de Marcel Jean et Michel Coulombe, daté de novembre 1988 alors que la plus ancienne publication, Le vol des oiseaux d’Étienne Marey, est de 1890.
Composent aussi la collection : 71 livres sur Marilyn Monroe, 60 sur Eisenstein, plus de 120 sur Chaplin, la première biographie écrite sur Orson Welles, 700 thèses de doctorat, 68 livres sur la technique de la projection, dont le plus ancien date de 1910, 4 500 pochettes de presse, 1 700 scénarios publiés, 125 livres en russe, en plus de la revue Iskusstvo kino (depuis 1948). À cela s’ajoutent quelques curiosités comme Cluck!, un livre portant sur l’image des poulets au cinéma.
Une des perles de la collection est certainement Le cinéma et les enfants : L’intégration du cinéma au niveau élémentaire de Réal La Rochelle (1972); toutes les copies de ce volume furent saisies et détruites lors de la faillite de l’imprimeur, quelques jours avant leur diffusion en librairie. La bibliothèque en possède une, trouvée par hasard chez un brocanteur, et réchappée on ne sait comment.
Les périodiques
La collection de périodiques pour sa part totalise plus de 2 000 titres en cinéma et quelque 1 000 titres reliés à des disciplines connexes comme la télévision, la vidéo, la photo ou les communications. 450 abonnements en assurent la mise à jour continuelle.L’ensemble de cette collection est composée à 70% de titres parus depuis 1950. Avant cette date, on trouve tout de même plusieurs titres intéressants pour la recherche comme La cinématographie française (1913 à 1967), Canadian Moving Picture Digest (1921 à 1950), ou le Journal of the SMPTE (1930 à aujourd’hui).
La plupart de ces documents sont accessibles au public; les plus précieux, les plus abîmés ou les plus fragiles le sont sur microfilms, tels les journaux américains Village Voice (1955 à aujourd’hui) et Variety (1905 à aujourd’hui).
Les dossiers de presse
Les coupures de presse offrent une autre source d’information, particulièrement utile à celui qui s’intéresse à l’actualité quotidienne du cinéma. Précédant les articles de fond des revues spécialisées, ces textes peuvent aider à situer l’importance d’un film dans l’histoire du cinéma.
250 journaux canadiens sont dépouillés chaque semaine pour la bibliothèque. S’ajoute à cela de nombreuses collections ayant appartenu à des particuliers. Par exemple, en 1978, on acheta le fonds d’un collectionneur français; il comprenait des articles de journaux français et belges rassemblés depuis 1950. Au début des années 80, la compagnie France Film a fait don de l’ensemble de ses dossiers de presse.
Cette collection comprend actuellement plus de 40 000 dossiers et augmente au rythme de 3 500 par année. Elle est divisée en deux grandes sections : le cinéma international et le cinéma canadien/québécois. On retrouve sous chacune de ces sections un classement par réalisateurs, par titres de films, acteurs, sujets, organismes et festivals.
Documents divers
Le centre de documentation a mis sur pied il y a quelques années une vidéothèque de consultation privée pour fins de recherche qui complète au mieux la documentation écrite déjà disponible. Par exemple, des cassettes de Betty Boop, Mack Sennett, ou de l’abbé Proulx peuvent appuyer des analyses que l’on retrouve dans les livres et les périodiques. Le catalogue comprend actuellement quelque 200 classiques du cinéma québécois ou étranger.
Enfin une documentation sur microfilms vient compléter les différentes collections. Elle regroupe des titres rares ou introuvables, dont une série de périodiques du début du siècle comme Kine Photograph Weekly (1907-1941), Bioscope (1908-1920), Optical Magic Lantern Journal and Photographic Enlarger (1889-1903), des documents d’archives comme la collection D.W. Griffith, William Hays, et une collection de scénarios écrits par des femmes américaines de 1912 à 1920.
L’accès aux collections
«J’ai vu un film à Radio-Canada dans les années 65. Il y avait des enfants dans une tempête de neige. Pouvez-vous me dire où je pourrais me le procurer?»
Ce qui fait la richesse et l’importance d’une bibliothèque, ce sont bien entendu ses collections, mais c’est aussi son accessibilité. On doit pouvoir répondre à toute question, aussi saugrenue qu’elle puisse sembler.
Le centre de documentation se dote d’outils pour y parvenir. Ainsi le travail d’analyse et d’indexation des documents est très spécialisé. Les monographies sont analysées chapitre par chapitre et presque tous les articles des périodiques indexés sont retenus et résumés sur fiches. Plus de 1 000 monographies et 4 500 articles de revues sont ainsi indexés chaque année en plus de ce qui est reçu par le réseau d’indexation de la FIAF.
Les usagers ont accès à cette documentation à l’aide de différents fichiers : sujets, personnalités, films, auteurs et titres de monographies, scénarios publiés, thèses. À cela s’ajoute : une liste d’acquisitions mensuelle, une bibliographie annuelle sur le cinéma québécois, ainsi qu’une banque de données informatisée sur les films canadiens, FORMAT, à laquelle l’usager a accès gratuitement en tout temps.
La bibliothèque ouvre actuellement ses portes en moyenne 40 heures par semaine. La clientèle se compose principalement d’étudiants en cinéma des niveaux collégial et universitaire. On retrouve aussi des professeurs, des journalistes et des cinéphiles de tout âge. Plus de 4 000 personnes la fréquentent annuellement et le personnel répond à plusieurs dizaines d’appels téléphoniques par jour sur des sujets aussi variés que le nom du distributeur d’un film, la date de naissance d’une star ou l’adresse de Steven Spielberg!
À la question maintenant de savoir si la bibliothèque est vraiment la plus importante dans son domaine en Amérique, il convient plutôt de constater combien elle est utile et combien le Québec est privilégié de posséder un outil de cette qualité.
René Beauclair