La Cinémathèque québécoise

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Chronique, image par image, d’une collection unique

La Cinémathèque a choisi de se spécialiser en cinéma d’animation suite à des circonstances particulières. On doit admettre que du fait de la présence à Montréal des deux studios d’animation de l’Office national du film, il existe depuis longtemps un intérêt exceptionnel pour l’animation au Québec et au Canada. Rappelons que depuis les années de guerre avec Norman McLaren, l’animation est l’un des domaines où le cinéma canadien s’est fait connaître mondialement. Ces facteurs, liés à l’intérêt que la Cinémathèque a porté dès les débuts au film animé, l’incitèrent à organiser, dans le cadre du 8e Festival international du film de Montréal et à l’occasion de l’Exposition universelle de 1967, une rétrospective mondiale du cinéma d’animation de ses origines à nos jours.

250 films répartis en dix-huit séances furent présentés depuis les primitifs américains jusqu’aux Grands Prix des Festivals d’Annecy en passant par des œuvres canadiennes et divers programmes thématiques. Cette manifestation donna lieu à une rencontre internationale d’environ 200 cinéastes d’animation et à une confrontation des techniques contemporaines.

Un tableau (arbre généalogique) «Origine et âge d’or de l’animation américaine de 1906 à 1941» avec brochure explicative et treize «flip-books» signés par des grands noms de l’animation furent publiés.

La rétrospective était accompagnée d’une Exposition mondiale retraçant l’évolution du cinéma image par image et soulignant ses liens avec la bande dessinée. Plus de quinze pays y participèrent.

Placé sous le patronage de la Fédération internationale des archives du film (FIAF), de l’Association internationale du film d’animation (ASIFA) et avec la collaboration de l’Office national du film, l’événement remporta un succès éclatant.

Cette initiative de grande envergure fut l’occasion pour la Cinémathèque de faire des recherches sur les débuts de l’animation, d’interviewer des pionniers et d’acquérir aussi (de restaurer dans certains cas) un grand nombre de copies. D’autre part, des cinéastes, artistes ou sociétés cédèrent à la Cinémathèque une partie des documents exposés au cours de l’exposition. Nous étions donc désormais en possession d’un fonds important qui nous permettait de prétendre à une spécialisation dans ce domaine.

Pour tout partage, nous comptions au départ quelques films de l’ONF et de rares copies provenant du secteur privé. La collection a commencé à se constituer véritablement en 1967 quand 250 films muets relatifs aux pionniers américains furent acquis pour l’hommage qui leur fut rendu au cours de la rétrospective. Nous avons veillé à assurer une suite logique de l’histoire en acquérant systématiquement au-delà de trois cents titres de la période fastueuse des années 30-50 du Hollywood cartoon.

Les échanges ont été particulièrement fructueux avec l’Europe de l’Est. Nous comptons aujourd’hui une centaine de films parmi les meilleurs produits en Pologne, Bulgarie, Yougoslavie et Tchécoslovaquie. Ce chiffre n’inclut pas les séries réalisées pour la télévision déposées par ces pays. Il faut souligner aussi la générosité de Gosfilmofond d’URSS à notre égard. Pas moins de sept longs métrages nous sont parvenus par leur intermédiaire, auxquels se sont ajoutés de nombreux courts métrages tant anciens que récents.

L’année 1982 a été marquée par l’inauguration des nouveaux locaux de la Cinémathèque et par l’exposition «L’art du cinéma d’animation» au Musée des beaux-arts à Montréal, organisée par la Cinémathèque. Ces deux événements ont suscité d’une part le dépôt par l’Office national du film d’une large partie de sa production de films animés, complétant le fonds accumulé tout au long des ans. D’autre part, les projections de films qui accompagnaient l’exposition du Musée ont donné lieu à l’achat d’environ soixante-dix copies, de sorte que l’aspect contemporain de la collection s’en est trouvé plus à jour. Effectivement, des films réalisés par ordinateur, des publicitaires récents, des films expérimentaux des jeunes générations canadienne, américaine et européenne sont venus enrichir ce secteur.

Des distributeurs nationaux et étrangers nous cèdent leurs copies à l’expiration des droits, contribuant de cette façon à diversifier davantage l’éventail de notre collection. Si bien que nous avons obtenu de cette manière bon nombre de films hongrois, suisses, français et italiens.

Les rétrospectives et programmes spéciaux préparés par la Cinémathèque pour divers festivals ont constitué une autre source d’acquisitions. Les recherches implicites à ce travail ont permis de découvrir des copies a priori introuvables et figurant maintenant à la place d’honneur parmi nos titres les plus précieux.

Le protocole d’entente intervenu récemment entre la Société Radio-Canada et la Cinémathèque atteste le dépôt des films d’animation produits par le réseau français depuis 1968 et des documents y afférant. Cet imposant ensemble incluant négatifs et positifs, scénarimages, acétates, découpages, bandes sonores, dessins clés, représente une heureuse addition au patrimoine national déjà confié à nos soins.

Aujourd’hui, la collection de films d’animation comprend approximativement 4 000 titres. Parmi les plus prestigieux, on y retrouve ceux de la totalité de l’œuvre — ou du moins ce qu’il en reste — de Winsor McCay à qui on accorde la paternité du premier véritable dessin animé réalisé aux États-Unis. Dessinateur exceptionnel, il a su appréhender les principes de l’animation moderne, à en structurer la grammaire par ses expériences inédites sur le mouvement progressif, le rythme et la caractérisation des personnages. De ce fait, McCay a joué un rôle capital et ses films ont influencé toute une génération d’animateurs aux États-Unis. Grâce aux efforts d’individus et d’institutions, y compris la Cinémathèque, certaines copies ont été sauvées de justesse. Dans les années 20, 75 boîtes de pellicule nitrate furent remises à un ami de McCay qui les conserva dans son garage durant des années. En 1947, un producteur de films publicitaires examina et catalogua les films et les éléments de tirage qui ne s’étaient pas autodétruits. Ils furent conservés pendant vingt ans dans un entrepôt aux frais de l’ami de McCay. Au moment de la rétrospective, le tout fut remis à la Cinémathèque, laquelle s’empressa de les faire transférer sur support de sécurité, car le temps pressait.

De même, des films de Raoul Barré, né à Montréal, fondateur du premier studio organisé à New York en 1913, nous furent transmis dans un état alarmant. La Cinémathèque, agissant rapidement, les rescapa in extremis.

À Hollywood, en janvier 1967, disparaissait Oskar Fischinger, grand pionnier d’origine allemande du film non-figuratif. L’intérêt et le souci manifestés par la Cinémathèque à sa veuve pour la conservation et la restauration de l’œuvre de cet animateur hors du commun, eurent comme résultat le dépôt de la presque intégralité des films et des éléments de tirage. Au fil des années, toutes les copies nitrates furent transférées sur acétate et restaurées au besoin, telle STUDIE #10 dont la trame musicale grésillante fut entièrement réenregistrée, l’améliorant considérablement. C’est ainsi que la Cinémathèque a pu réunir dans ses archives la collection la plus importante de l’héritage Fischinger.

Enfin, signalons qu’après bien des tentatives, nous avons réussi à mettre la main sur MATCHES APPEAL réalisé en Angleterre en 1899. Ce film est considéré comme le plus ancien de tous les temps. Et nous n’aurons pas de cesse que nous n’ayons obtenu tous les films…

Louise Beaudet