La Cinémathèque québécoise

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Now You Tell One (Non, tu exagères)

Description des séquences

1- “La vérité étant, dit-on, toute nue, les habitants de Tumbluff pour lutter contre cette indécence, avaient fondé le “Club des menteurs”.
— Ouverture à l’iris sur le banquet du club : une dizaine d’hommes en smoking.
— “Chaque année, on désignait le champion des menteurs, qui recevait une grande médaille d’or à l’effigie de George Washington”.
— Gros plan de la médaille. Le Président du Club donne la parole à un menteur (du type businessman).

2- “… le dernier soir, au Capitole, Mussolini tint à m’offrir un dîner d’adieu”.
— Des éléphants gravissent les marches du Capitole, traversent les colonnades et pénètrent dans l’édifice.
— “… et quarante-sept éléphants que j’avais sauvés de la fièvre aphteuse vinrent sonner de la trompe en son honneur”.

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3- Un deuxième menteur (du type gentleman britannique) prend la parole : “… on parle toujours de la traversée de la Manche à la nage… Moi aussi, je l’ai traversée sans publicité, sans bluff, personne n’en a rien su…”
— Au bord de la mer. Enduit de graisse, l’homme entre dans l’eau et nage le crawl. Quand il atteint l’autre rivage, il sort de l’eau juchée sur un cycliste, en maillot, qui émerge à son tour.

4- Retour au club. Un troisième menteur (l’air décidé, le cheveu gris, une tête de policier) intervient. En imperméable, le feutre sur la tête, il pénètre dans une chambre d’hôtel. Il disparaît littéralement dans le plancher, comme un paquet de vêtements qui s’amenuise. L’imperméable se glisse lui-même dans le chapeau mou. Arrive l’oc­cupant des lieux : un mauvais garçon en tricot rayé, qui ramasse le chapeau et le jette sur le lit. Le policier surgit et ceinture le malfrat.

5- Un convive blasé déclare : “Messieurs, c’est pitoyable… Toutes vos histoires sont à peu près vraisemblables”. Il se lève et quitte le “Liars Club” d’un air dégoûté. Dehors, il tombe sur Charles Bowers qui a enfoui sa tête dans la bouche d’un canon, et qui brandit une torche. Il se précipite. Bowers sort sa tête : “Une aventure?… Ah, Monsieur, il m’en est arrivé une… je n’ose même pas vous la raconter” et il plonge à nouveau dans la bouche du canon. Le convive blasé le force à reculer et l’entraîne au club.

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6- Bowers debout (chemise écossaise, bretelles, pantalons larges) raconte son histoire : “Voici : j’avais découvert un procédé de greffe universelle”.
— Dans un hangar, Bowers pulvérise du liquide sur une sorte de bâtis en étoile, fait de tuyaux, de bouts de bois, de branches et de fruits. Des étiquettes : “Beets. Spinach. Orange. W. Melon. Egg Plant. Tomato. Plums”. Il prend un rameau, l’épointe à la hache, l’en­duit de liquide et l’ajuste à une autre branche, avec du sparadrap. Une aubergine se met à pousser. Elle grossit à vue d’œil. Bowers la coupe. À l’intérieur, une salière et un œuf dur. Il casse la co­quille et mange l’œuf.

7- Au club, il poursuit son récit : “une goutte de ma liqueur merveilleuse suffirait pour faire pousser un peuplier sur un manche de brosse…”
— Bowers met des bouts de paille dans un sac de voyage (une sorte d’étui à musique). Il prend une de ces pailles, la glisse dans ses cheveux et elle devient un chapeau de paille. Il s’aperçoit qu’il n’a pas de lacets à ses brodequins. Il place entre ses pieds un pot rempli de terre et plante une autre paille. Elle pousse instantané­ment et se transforme en deux lacets qui glissent eux-mêmes dans les œillets et se nouent sur les chaussures.

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8- “… Je décidai de faire une tournée dans les fermes pour vendre de ma préparation…”
– À la campagne. Bowers avise un paysan, lui fait l’article, et verse du liquide dans les revers de son pantalon. Une plante se met aussitôt à pousser sous les vêtements. Elle sort par le col et par les manches. Elle devient un arbre. Le paysan est soulevé, accroché en l’air, les bras en croix dans la verdure.

9- Un sapin de Noël a poussé sur une charrue, entre les deux man­cherons. Bowers scie un mancheron et tend le tout au paysan qui se met en colère et qui l’expulse.

10- Il s’enfuit et rencontre une jeune femme apeurée, qui s’est réfugiée sur une barrière. “— Qu’est-ce que vous faites? — Il y a des souris”.
– Il la prend dans ses bras, la ramène chez elle, l’installe dans un fau­teuil, et aperçoit un chat, couché sur une banquette, couvert de panse­ments : “— Quel drôle de chat… il est souffrant? — Blessé, Monsieur… Il a voulu soutenir à lui seul un combat contre une armée de souris”.
— Un rat sort d’un trou, sous une marche d’escalier, brandit un colt minuscule et tire sur le chat.

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11- Dehors, dans les champs, un homme assez vieux pourchasse les souris à coup de balai. Le balai perd ses pailles et il le jette. Mais il a un caddie qui porte en bandoulière des balais neufs.

12- À la ferme. Bowers ouvre son sac, prend sa fiole et commence à opérer. Un rat grimpe dans son pantalon. Le vieux arrive, lui donne un coup de balai et repart dans le champ en tapant sur les herbes. La jeune femme : “Ne faites pas attention à lui, il est incapable d’appré­cier votre génie (…) Vous habiterez ici le temps nécessaire à vos expé­riences”.

13- Il greffe des rameaux sur une plante en pot. Un rameau se transforme en chat. Bowers le tâte : “On dirait qu’il lui manque quelque chose”. Il va chercher un jonc, coupe l’extrémité, la greffe : c’est une queue de chat.
– La plante à chats produit, sans rupture de plan, un chat blanc, un noir, un blanc et noir, un noir, un gris et un noir.
– Bowers ouvre une porte : des dizaines de chats surgissent et se préci­pitent dans le jardin.
– Le vieux est revenu : “Monsieur, j’aime votre fille —, Ma fille, espèce d’abruti, c’est ma femme” et Bowers est chassé à coup de balai.

15- Retour au club.

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***

NOW YOU TELL ONE est le cinquième film de la série. Il a été enregistré au Copyright le 14 décembre 1926.

La copie étudiée est française. Elle est en deux bobines. Le géné­rique a pratiquement disparu et se limite à trois images, avec le titre : NON, TU EXAGÈRES.

Tous les intertitres ont été relevés. Ils ne correspondent pas forcé­ment aux textes d’origine, car les distributeurs français avaient, au temps du muet, tendance à ajouter des intertitres de leur cru aux films américains pour en augmenter le métrage (les copies étaient louées au mètre). Il y a, d’autre part, des astuces typiquement locales (séquence 1), le roi des menteurs était George Washington.

Des prises de vue ont été faites, image par image, dans les sé­quences :

2 (les éléphants au Capitole)

4 (la disparition du policier et de ses vêtements)

6 (la croissance de l’aubergine)

7 (le chapeau de paille, les lacets)

8 (l’arbre dans les vêtements)

9 (l’arbrisseau et sa guirlande)

10 (la souris et son revolver)

13 (la plante à chats)

Les trucages sont très bien faits, mais ceux de la séquence 4 (le poli­cier rentrant dans le plancher) et de la plante à chats (séquence 13) sont d’une habileté stupéfiante.

Le film lui-même ne comporte aucun gros plan de Charley Bowers, ni des autres acteurs. Généralement la caméra est fixe. Un des rares mouvements d’appareil est un panoramique (séquence 6) sur les éti­quettes des greffes.

NOW YOU TELL ONE est le plus étonnant des films qui subsis­tent de la série de 1926. Si EGGED ON (no 1) et A WILD ROOMER (no 3) étaient encore assez proches des rites et des gags du slapstick, ici le ton change. L’acteur s’efface devant un comique d’objets, un en­chaînement de gestes et de choses qui obéissent à une autre logique, celle du rêve ou du poème. Présenté à Confrontation comme film rele­vant du surréalisme sans le vouloir, NOW YOU TELL ONE a été une véritable découverte. C’est pourquoi il serait si important de re­trouver les films perdus de 1927. Obéissaient-ils à cette escalade de l’irrationnel?

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