La Cinémathèque québécoise

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A Wild Roomer (Un original locataire ou Un inventeur acharné)

Description des séquences

1- “Depuis quelques jours, une série de faits anormaux alarmait les locataires de la pension Hozau”. Dans la cuisine, la logeuse pose une bouilloire sur le fourneau qui disparaît à l’instant même. Dans sa chambre, une femme fait sa toilette. Elle verse de l’eau dans une cuvette qui se volatilise et le pot à eau disparaît à son tour : il ne lui reste, dans la main, que l’anse de la cruche. Dans la salle de bains, un locataire en maillot noir entre dans la baignoire qui est littéralement gommée. Un sans-filiste, écouteurs aux oreilles, voit s’effacer son poste. Au pied de son lit, un autre locataire fait de la gymnastique avec des extenseurs fixés au mur, qui cessent d’exister. Il s’affale.

2- Les victimes discutent dans le vestibule. Au premier étage, quel­qu’un tape à coups de marteau : c’est Bowers. La logeuse frappe à la porte. Il arrive, juché sur un tabouret à roulettes et ouvre une sorte de judas. “Si vous ne montrez pas tout de suite ce que vous manigancez, je vous fais expulser”. En effet, “il achève en grand secret la mise au point d’une machine merveilleuse”. Il lit le télégramme : “Venez d’urgence chez oncle assister ouverture testament de grand-père”. Il accroche les manches de sa combinaison de travail à deux pitons de la muraille et il sort du vêtement par les jambes. Il se glisse dans une ouverture qu’il a ménagée dans le bas de la porte, passe sous sa logeuse et s’esquive.

3- Chez l’oncle. Les héritiers : l’oncle lui-même, une jeune fille et sa mère. Le notaire porte de grands favoris blancs. Bowers arrive (chemise à carreaux, nœud papillon, pantalon large) et prend sa cousine dans ses bras. Lecture du testament du grand-père : “Je lègue ma fortune entière à mon petit-fils Bricolo (…). Mais, dans les quarante-huit heures qui suivront l’ouverture du testament, il devra faire une démonstration convaincante de la machine dont il m’avait soumis les plans (…) Dans le cas contraire, toute ma fortune reviendra à son oncle”. L’oncle, un instant figé de stupeur et de haine, respire.

4- À la pension de famille. Bowers monte chez lui. La logeuse est toujours en faction, devant sa porte. Il essaie de se glisser derrière elle. Elle le saisit par les épaules. Il proteste : “Vous pouvez mettre ma chambre à louer. Je suis riche. Je vais habiter un palace”. Il entre dans sa chambre et on découvre sa machine, une sorte de batteuse, avec des volants, des leviers, des compteurs. Il installe la logeuse sur un canapé très bas, muni d’un tableau de commandes. À côté des interrupteurs figurent des mentions multiples : “START — SHAVE — TO MOVE FURNITURE — TOASTER — EGG SHAMPOO — DAILY DOZEN — TO SET TABLE — TO DUMP GARBAGE — POLISH TO REMOVE GARBAGE — SEWING — MOPPING — SWEEPING — FOR FIRE ONLY — PACIFIER — RATTLE — STOVE POLISH — COOKING — EXERCISE — TO MAKE BEDS — EXTERMINATOR — BIG GAME, etc…”. Bowers met le courant. Les volants tournent. Il explique à la logeuse le maniement des commandes.

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5- D’une paroi de la machine sortent deux bras faits de tiges de métal. Les avant-bras se terminent par des gants qui vont jouer le rôle de mains. Ils tirent une planche et manipulent un entonnoir d’où sor­tent les éléments d’une poupée qu’ils ajustent. Ils replacent l’enton­noir dans la machine, prennent un pot de peinture et peignent le visage de la poupée. Ils apportent un canif, une bobine de fil, une aiguille et font une couture au niveau du cœur. Ils coupent le fil. La poupée remue, respire, lève la tête, roule des yeux, se met debout, contemple ses mains et s’aperçoit qu’elle est nue. Les bras métalliques cachent sa nudité avec un paravent et lui tendent un sous-vêtement. Puis ils lui mettent un tablier, le nouent, lui donnent des chaussures, épluchent une banane et l’enfournent dans sa bouche. La poupée fait rouler une noix qui déclenche l’apparition d’un écureuil. Celui-ci, d’un très petit sac de dame, sort un casse-noix, une cigarette, du fil, des ciseaux, un peigne, etc. Il remet tous ces objets dans le sac. La poupée monte sur son dos. Ils s’en vont. Les bras métalliques repoussent la planche dans le corps de la machine.

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6- Bowers ouvre la porte de sa chambre, qui était obturée par un mécanisme compliqué et téléphone à l’oncle : “La machine est au point — Tu n’as qu’à venir chez moi. Je ne me dérange pas”. Revenu dans sa pièce, il se demande comment il va en faire sortir l’engin.

7- Dans un galetas, l’oncle achète des grenades à un anarchiste.

8- Bowers découpe à l’égoïne la cloison autour de la porte. C’est insuffisant. Il découpe le plancher. La machine tombe au rez-de-chaussée. Il la met en marche. Il sort de la pension de famille en fracassant le mur et il part dans la rue, au volant de l’engin.

9- La logeuse contemple les dégâts.

10- La machine roule. L’oncle, dissimulé derrière des arbres ou des maisons, lance une grenade, puis deux, puis trois. Elles explosent, mais la machine poursuit sa route.

11- Bowers arrive dans un jardin, devant la maison de l’oncle. Avec un câble et en s’aidant de la machine, il extrait du vestibule un escalier de bois qui eût été gênant. L’engin gravit les marches du perron.

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12-   À l’intérieur. La jeune cousine et sa mère. Bowers leur montre son invention et installe la vieille dame sur le canapé à roulettes, de­vant le tableau des commandes. Mais l’oncle est arrivé et s’apprête à démolir la machine. Et tandis que Bowers et sa cousine flirtent dans le salon, la mère appuie sur les boutons. Elle ne regarde d’ailleurs pas ce qui se passe, car l’engin est dans une autre pièce.

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13 – D’abord des cercles de fer sortent de la machine et emprison­nent l’oncle dans un carcan. La vieille dame appuie sur la manette STOVE POLISH. Un bras métallique lui enduit le visage d’un cirage liquide. Manette LATHER : il étale du savon à barbe. Manette SHAVE : il le rase avec un Gillette. FOR FIRE ONLY : il le vaporise. HOT TOWEL : il le frotte avec une serviette chaude. EGG SHAMPOO : il lui casse un œuf dans les cheveux. PACIFIER : il le rejette en arrière et l’autre tombe sur le plancher. TO REMOVE GARBAGE : il le relève et le tient suspendu par le cou.

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14 – Tandis que les jeunes gens bavardent dans le salon, la vieille dame met, sans le savoir, la machine en route. L’engin quitte la maison, avec l’oncle suspendu à l’avant, suivi du canapé.

15- On arrive sur un quai, au bord de la mer. La machine laisse tomber l’oncle dans l’eau.

16- Dans le salon. Bowers et sa cousine continuent à flirter. L’on­cle revient, ruisselant, une langouste dans le dos et donne à Bowers un coup sur la tête, avec un gros poisson.

***

A WILD ROOMER est le troisième film de la série. Il a été inscrit au Copyright le 20 octobre 1925.

La copie étudiée est d’origine française. Le générique a disparu et il n’est pas sûr que la fin soit complète. Les sous-titres français, qui ont été résumés, comportent des plaisanteries faciles (l’oncle “Hincarney”, le notaire “Picaillon”), mais rien ne permet de savoir si les textes originaux prêtaient à rire.

Les trucages de la séquence 1 (disparition des objets) ont été obtenus très simplement : arrêt de la prise de vues, enlèvement de l’ob­jet, reprise avec l’acteur dans la même position.

Les trucages de la séquence 13 (l’oncle livré à la machine, enduit de cirage et de savon, vaporisé, séché, etc.) ont été sans doute assez simples : un opérateur, camouflé derrière l’engin, devait manier le bras métallique comme un balai.

Mais cette idée prélude, avec dix ans d’avance, à la machine à manger de MODERN TIMES, lorsque Charles Chaplin était lui aus­si livré à un engin domestique. Connaissait-il A WILD ROOMER?

La seule séquence tournée image par image semble donc être la 5. Mais elle est d’une virtuosité prodigieuse. Des bras métalli­ques (qui annoncent étrangement ceux que l’on utilise aujourd’hui, dans les usines nucléaires, pour manier des matières dangereuses, derrière une paroi de plomb) manipulent une poupée, un pinceau, du fil, des aiguilles… Il y a donc artifice à un double degré : d’abord l’animation des bras eux-mêmes, ensuite celle des objets que ces bras font bouger.

Cette séquence, qui est étrangère au récit, constitue un des morceaux de bravoure les plus étonnants de l’histoire du film image par image, à l’époque du muet.

Quant à la machine de Bowers, elle rejoint, sans que ni l’un ni l’autre ne l’aient su, certains tableaux de mécaniques aberrantes que Max Ernst peignait vers la même époque. Elle est le symbole de l’invention délirante et naïve.

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