Claude nous devançait
Avoir connu Claude Jutra m’avait procuré une très grande joie.
L’avoir perdu m’a remplie d’une profonde tristesse.
Non pas que je fus une amie si intime, mais nos relations professionnelles ont toujours été empreintes de complicité, d’ardeur et d’amour.
Quand j’ai rencontré Claude Jutra pour la première fois en 1972, il tournait KAMOURASKA, le plus grand projet du cinéma québécois des années 1970. Je regardais Claude travailler dans ce milieu déjà tourmenté et je me demandais « comment un être aussi différent peut-il y évoluer. »
Je pense maintenant que Claude y parvenait parce qu’il ne vivait pas en même temps que nous ; il nous devançait ; son esprit ne connaissait pas de trêve.
Il marquait chacun de ses films de son raffinement, de sa sensibilité, mais aussi de ses préoccupations morales.
Il était un collègue de travail généreux, disponible. Il savait aussi se mettre au niveau de ses personnages, adultes ou enfants, pour leur faire mieux comprendre et interpréter leur rôle.
Tous l’appréciaient. Je n’ai jamais entendu personne dire du mal de Claude. Il était un réalisateur respectable et respecté.
Il est mort comme il a vécu, solitaire et discret…
Il me manque beaucoup et le cinéma québécois n’a malheureusement pas d’autre Claude Jutra !
Lorraine Du Hamel