Septième tournée (1903)
La septième tournée s’ouvre de façon aussi tonitruante que la précédente :
“Le vicomte d’Hauterives, dont on se rappelle les si merveilleuses et intéressantes représentations de vues animées, est enfin arrivé au but qu’il convoitait depuis si longtemps, la reconstitution des pages vibrantes de gloire et d’enthousiasme de l’histoire presque devenue légende de cet immense génie militaire que fut Napoléon Bonaparte.
M. Louis Bertin, le sympathique directeur du théâtre Jacques Cartier, apprenant que M. d’Hauterives s’était réservé un mois pour se reposer au Canada, où il aime tant revenir, a de suite télégraphié à Atlantic City, où M. d’Hauterives possède un délicieux petit hall qui ne désemplit pas, et là, sans difficultés, car il a une prédilection pour Québec si français d’esprit et de cœur, il l’a décidé à donner cette unique série pendant une semaine, au théâtre Jacques Cartier. Ce sera la semaine du 28 septembre. Outre Napoléon, qui sera le clou de toutes les représentations, on nous promet d’autres merveilles. Le Pape au Vatican, la mort de Sa Sainteté Léon XIII, l’élection de notre Saint Père Pie X, sans compter d’innombrables scènes merveilleuses, amusantes, etc.
M. le vicomte d’Hauterives est le seul présentant un programme entier de scènes animées en couleurs naturelles, et a été choisi entre tous les compétiteurs pour l’exploitation des vues animées à l’exposition de St-Louis.” (en 1904, N.D.L.R.) 1
À ces nouveaux films Pathé s’ajoute LA CASE DE L’ONCLE TOM 2, plus récente production Edison. Pour projeter tout cela, un Historiographe tout neuf 3. Et pour achever de polir tout ce brillant, La Presse y consacre la plus grande annonce de spectacle de l’époque : une page entière consacrée à “L’Épopée napoléonienne en vues animées, reconstituées pour l’Exposition de St-Louis, Missouri, par le Vte H. d’Hauterives.” Celui-ci laisse éclater sa prose dans un communiqué au superlatif qui ressemble sûrement aux commentaires ébahissant les foules durant les séances : (…) “Le décorateur s’est réellement surpassé pour la reconstitution du 10e tableau qui est le cabinet de l’empereur; à la fin de divers épisodes entre l’empereur, son fidèle Berthier, Fouché et le mameluk Roustan, l’impératrice Marie-Louise entre avec toute sa cour pour présenter à son impérial époux, le roi de Rome, porté par sa nourrice. Vient ensuite l’incendie de Moscou, animé au premier plan par un trait touchant de Napoléon. Un vieux brave, mortellement blessé, remet à ses camarades, la croix d’honneur brillant sur sa poitrine, pour qu’elle soit remise à sa famille; Napoléon voyant le soldat tomber, prend lui-même une gourde des mains d’un des soldats et donne à boire au blessé qui, reconnaissant le grand chef, tombe transfiguré par ce suprême hommage, en criant Vive l’empereur” 4.
Les prix d’entrée étaient proportionnels à la taille et au ton de cette publicité. À Valleyfield où la tournée débute les 18-19 septembre 5, les places coûtent jusqu’à 40 cents. Là, non plus qu’à St-Hyacinthe 6 une semaine après, les journaux ne firent de compte-rendu de ces représentations qu’ils avaient annoncées. À Québec, par contre, les chroniqueurs de spectacle se firent plus élogieux que jamais, parlant tous les jours de salle comble. “Jamais nous n’avons vu une audience si en délire, et les applaudissements faisaient fureur” commente L’Événement du 29 septembre. Deux jours après, il ajoute “plusieurs assistaient pour la deuxième fois. Demain à la demande générale on donnera les scènes de LA PASSION. Demain après-midi représentation complète de toutes les vues intéressantes de la semaine.” (Le programme changeait tous les jours. N.D.L.R.) Le Soleil y faisait écho, vantant “la netteté des vues, la machine sans bruit et sans vibrations.” 7
Le journal Le Peuple de Montmagny relate l’étape suivante de la tournée : “Un événement remarquable à plus d’un point de vue occupera ces soirées de lundi et mardi (12 et 13 octobre) à la salle Notre-Dame. Notre habile directeur du Théâtre de Lévis a retenu les services de M. le vicomte d’Hauterives qui y donnera deux représentations de vues animées d’une haute valeur artistique et d’un passionnant intérêt comme on peut le voir par l’annonce que nous publions dans une autre colonne. Les amateurs qui se rappellent le passage du vicomte d’Hauterives à Lévis accourront en foule lundi et mardi prochain.” 8
L’Avenir du Nord parle ensuite de deux séances à St-Jérôme les 25 et 27 octobre, puis La Presse de L’ÉPOPÉE NAPOLÉONNIENNE présentée le 26 octobre au bénéfice à Montréal de l’école Ste-Brigide. Le 31 du même mois, L’Écho des Bois-Francs livre le dernier épisode de ce chapitre : “Nouvelles de Victoriaville. La Comtesse d’Hauterives qui devait donner des représentations de vues animées à l’Hôtel de ville samedi et dimanche (31 octobre et 1er novembre 1903, N.D.L.R.), nous écrit qu’elle ne pourra venir maintenant, parce qu’il est arrivé un accident à sa machine et qu’elle est obligée d’aller à New York pour la faire réparer. Mme d’Hauterives nous annonce qu’elle espère être ici dans une couple de mois.” 9
Notes:
- Le Soleil, 22 septembre 1903. L’Événement du même jour écrit : l’Historiographe, qui vient de remporter un succès sans précédent aux États-Unis où il vient de faire une tournée terminée par un séjour de deux mois au fameux Iron Pier, d’Atlantic City. » En fait c’était le Steel Pier, dont le N.Y. Clipper du 22 août 1903 souligne : “Immense business runs”. L’en-tête de Parisian Mimodramas mentionne aussi l’été 1903 à Atlantic City. Par une lettre de 1906 on sait aussi qu’ils passèrent à N.Y. en 1903. ↩
- L’Événement, 26 septembre 1903 ↩
- L’Événement, 22 septembre 1903 ↩
- La Presse, 18 septembre 1903 ↩
- Le Progrès de Valleyfield. 11 et 18 septembre 1903 ↩
- Le Courrier de St-Hyacinthe, 19 septembre 1903 ↩
- Le Soleil, 29 septembre 1903 ↩
- Cette autre annonce est introuvable dans les pages du Peuple ↩
- En décembre 1903, c’est sur un écran Bioscope que Napoléon fera la conquête du public montréalais, à la salle Windsor. La Presse, 19 décembre 1903. ↩