D – Propositions pour renforcer la politique de production, les services du personnel et la création (chapitre 14-17)
14 – Je formule les propositions suivantes en ce qui concerne la politique de production, l’augmentation du personnel et des services de l’Office du film et le programme de production pour l’année en cours.
POLITIQUES
15 – Le ministère de l’Industrie et du Commerce devrait établir un comité permanent chargé de réviser la propagande cinématographique canadienne, d’établir des liens avec l’Office et d’informer de temps à autre le ministère de ses problèmes et de ses possibilités. Ce comité devrait être restreint à six ou sept membres; le commissaire du gouvernement à la cinématographie devrait assister à ses réunions. Le président du Comité de cinéma de la Chambre ou un représentant du Haut-commissaire à Londres devraient en être membre. Il serait aussi utile d’y inclure une personnalité connue de la presse et le président ou le directeur de Radio-Canada. Le rôle de ce comité ne serait pas de diriger mais de surveiller amicalement l’Office, en le critiquant parfois ou en mettant en lumière ses problèmes et ses potentialités. Ce comité devrait aussi contribuer à établir le plan de production de l’année dans la mesure où il peut être établi. Pour y parvenir, on doit maintenir des liens étroits avec les différents ministères et avec le président de la Chambre, particulièrement durant la période qui précède la saison de production. La raison d’adjoindre au comité des membres extérieurs de la presse et de la radio est qu’ils peuvent amener des points de vue nouveaux et que l’on doit s’assurer le concours de la presse et de la radio si l’on veut que la propagande gouvernementale rejoigne massivement le public et recueille son appui.
LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT A LA CINÉMATOGRAPHIE
16 – Un pas important sera de renforcer le pouvoir du Commissaire du gouvernement à la cinématographie. En tant qu’expert du gouvernement pour traduire ses besoins de propagande au cinéma, on devrait lui donner un rang et une responsabilité en conséquence. J’exposerai en détail plus loin dans ce rapport la nécessité de coordonner l’activité cinématographique des divers ministères. Il en ressort néanmoins que chaque ministère devrait faire appel à l’Office et que le commissaire devrait être responsable de superviser toute l’activité cinématographique. Une telle responsabilité commande naturellement l’autorité nécessaire et le pouvoir de prendre des initiatives. En ce qui concerne le cinéma, il devrait avoir entière autorité sur chaque ministère et être libre, à l’intérieur de la responsabilité ministérielle, de discuter publiquement de son activité cinématographique. Il ne faudrait pas, comme c’est le cas présentement, que l’administration de son département relève d’une autre autorité.
LES EFFECTIFS DE CRÉATION
17 – Avant tout, il faut accorder à l’Office le personnel créateur nécessaire; inutile sans ça d’espérer que la propagande cinématographique du gouvernement canadien se développe. Le capitaine Badgely est reconnu pour sa compétence technique et son entregent. Aucun doute que la qualité technique de son service est très élevée. J’ai entendu dire que c’était le petit studio le mieux équipé du continent. C’est un acquis sur lequel le gouvernement peut tabler. Mais la capacité technique de l’Office dépasse de loin sa capacité de création; et l’une est inutile sans l’autre.
L’équipe du capitaine Badgely se compose exclusivement de techniciens et il doit lui-même veiller à tout le côté créateur en ce qui a trait au scénario et au montage. Les qualités requises en production cinématographique sont nombreuses et c’est trop demander à un seul homme que d’avoir toutes les vertus nécessaires. Il est habituel dans la production cinématographique de faire en sorte que le producteur reçoive au plan créateur toute l’aide imaginative qu’il est en droit d’attendre et qu’il puisse engager au besoin des assistants- producteurs et des scénaristes. Tel n’est évidemment pas le cas de l’Office actuellement.
Celui-ci souffre de ce que ses employés soient permanents. Le cinéma, comme toute activité créatrice, a besoin d’un flux continu d’idées nouvelles. C’est particulièrement nécessaire à cause des changements techniques fréquents, de la forte compétition entre les pays pour se conquérir une place sur les écrans du monde et de l’obligation d’expérimenter continuellement. Une équipe permanente, exclusivement composée de techniciens, n’est pas à même d’avoir un point de vue critique et d’être complètement attentive au développement de l’aspect créateur du cinéma.
L’expérience anglaise indique que la méthode la plus efficace, la plus économique et la plus progressiste est de combiner équipe permanente et pigistes que l’on engage pour une période donnée et à qui l’on paie des honoraires. Les permanents garantissent l’ordre et une bonne continuité. L’ajout temporaire d’assistants-producteurs et de scénaristes particulièrement compétents pour un film donné garantit l’influx de nouvelles idées et un minimum de dynamisme. On tourne actuellement en Angleterre une série de films à laquelle on a consacré 500.00 $ le film pour le scénario. Avec ce montant, le producteur a pu payer des honoraires à trois, quatre et même cinq scénaristes qui mettent en commun leurs idées pour le scénario final. Dans chaque cas aussi, on a payé entre $ 1000.00 et 1250.00 $ à un producteur adjoint pour qu’il s’occupe de la production sous la direction du commissaire à la cinématographie. Je suggère que l’on emploie pareil procédé pour les films de prestige produits par l’Office.
L’essentiel de cette méthode consiste en ce que la moitié de ces apports soit seulement temporaire et travaille à un seul projet. L’Office devrait avoir la possibilité de choisir parmi les experts disponibles au pays selon les exigences de chaque film. Il se peut que le commissaire, en employant fréquemment les mêmes personnes, veuille former de jeunes réalisateurs et scénaristes canadiens, mais la non-permanence a ses propres qualités.
Je propose, dans les cas de films documentaires ou de prestige, que l’on prenne des mesures
- pour adjoindre un producteur délégué à chaque film
- pour engager un scénariste qui superviserait les scénarios de tous les films à tourner durant une année
- pour employer des scénaristes occasionnels au besoin.On devrait payer ces gens sur la base d’honoraires plutôt qu’à un salaire hebdomadaire. On devrait chercher les meilleurs producteurs disponibles en Angleterre ou aux USA, mais préférablement en Angleterre. Cela devrait coûter entre 1250.00 $ et 2000.00 $ du film. Ces frais devraient s’ajouter au budget de chaque film auquel on adjoint un expert étranger.