A – Politique de la propagande cinématographique (chapitre 1-6)
1 – La propagande cinématographique du gouvernement se divise en quatre catégories :
- Le film éducatif ou informatif destiné au réseau de l’éducation et visant à transmettre une connaissance générale d’un pays, d’un ministère, d’un organisme ou d’un produit.
- Le film de promotion destiné à faire connaître ou à vendre un produit au public.
- Le film ministériel destiné aux besoins éducatifs spécifiques de chaque ministère, v.g. un film pour enseigner aux cultivateurs de meilleures méthodes de marketing.
- Le film de prestige destiné à véhiculer des idées ou à susciter le loyalisme à l’égard d’un pays, d’un ministère ou d’un organisme. Ce film est en général documentaire, c’est-à-dire qu’il traduit de manière narrative ou dramatique certains aspects particuliers de la vie sociale et des réalisations du pays.
2 – Les trois premiers types de films sont généralement présentés hors des circuits commerciaux (les films touristiques font exception) : écoles, centres communautaires, salles paroissiales, etc. On les obtient des bibliothèques centrales où des équipes de projection itinérantes se chargent de les montrer. On doit mettre sur pied et maintenir de telles équipes.
3 – Les films de prestige, à cause de leur contenu narratif et imaginatif, sont présentés en salles. De tels films réalisés pour le gouvernement britannique ont connu beaucoup de succès dans les cinémas de Grande-Bretagne. Ils possèdent aussi un rôle essentiel dans les manifestations commerciales. Les films publicitaires ont besoin de ces films plus imaginatifs s’ils veulent exercer un réel attrait sur le public. Ces films ont aussi une importance primordiale dans le champ du film éducatif. En donnant vie de manière imaginative aux différents aspects de l’activité et du travail d’un pays, ils renforcent le loyalisme parmi la jeune génération. Les professeurs demandent fréquemment de tels films pour enseigner le sens civique moderne. (À une époque où l’on parle beaucoup de régionalisme au Canada, ces films acquièrent une valeur particulière en mettant l’accent sur les perspectives nationales pour le peuple canadien).
4 – On devrait considérer les méthodes de production et la politique gouvernementale à la lumière de ces quatre exigences. Le rapport militaire entre barrage d’artillerie et attaque d’infanterie a son pendant dans le rapport entre propagande indirecte et publicité directe. L’expérience confirme qu’aucune des deux n’est efficace sans l’apport de l’autre. Une politique idéale de propagande devrait veiller à ce que a) l’idée du Canada soit dramatisée et proposée à l’imagination de tout le pays, b) que l’information à propos du Canada fasse partie de la connaissance générale du public et que la publicité commerciale directe soit organisée de telle manière à profiter au maximum du sentiment pro-canadien qu’on aura ainsi créé.
5 – En ne traitant pas ce processus de propagande comme un tout, on a abouti dans le passé à des malentendus ou à des résultats insuffisants. En Grande-Bretagne, plusieurs organismes se sont concentrés sur des films de publicité directe (pour vendre leurs produits) en excluant la vente de l’idée de leur organisme (c’est-à-dire ses qualités, ses compétences, ses perspectives nationales). Le succès commercial remporté par ceux qui ont adopté une conception plus large a graduellement transformé cette attitude. Les ministères comme le General Post Office (GPO), le Travail, la Santé et le Scottish Office et les sociétés commerciales comme celles du Gaz, du Pétrole, du Charbon, de l’Électricité ou de l’Imperial Airways ont acquiescé à notre politique plus large. Il est significatif que la Millers Mutual Association, considérée comme un irréductible tenant de la publicité directe, ait changé sa politique et produise cette année un documentaire plus ambitieux sur l’approvisionnement en blé de l’Angleterre. La raison de ce changement réside dans le succès public et le prestige atteint par le GPO, le Gaz, etc. Leurs films ont été distribués dans les salles, on en a parlé dans les journaux, parfois à la une, et tous ont pu noter un changement d’attitude du public envers l’organisme en question. Les films sur la nutrition et sur les cinquante ans de progrès social à Londres commandités par la Gas Association sont un exemple classique de cette politique de prestige en propagande. En produisant chaque année plusieurs films sur des sujets d’intérêt public analogues, la Gas Association a été félicitée dans les journaux et par le public pour le progressisme de son service des relations extérieures. On a donc ancré l’idée que le gaz est un produit moderne, scientifique et la nécessité d’en faire la publicité directe s’est fortement modifiée. On pourrait donner comme meilleur exemple le travail de propagande du GPO, mais comme il est plus difficile de faire la propagande du Gaz, son succès est d’autant plus significatif et remarquable.
6 – Un gouvernement a beaucoup plus besoin qu’une société commerciale de faire appel à cette approche plus complète de la propagande, ne serait-ce qu’à cause des possibilités supérieures qui lui sont données. Contrairement à plusieurs sociétés commerciales, le gouvernement a accès au réseau de l’éducation et peut y semer l’idée du Canada en des termes qui font appel à l’imagination tout en étant informatifs. À cause de son envergure nationale et du matériau dramatique où il peut puiser, il peut avoir plus facilement accès aux cinémas que les sociétés commerciales. Finalement, parce qu’il fait partie du Commonwealth britannique, le Canada peut par sa propagande imaginative, du moins dans le cas de l’Angleterre, réveiller des sentiments latents dans l’esprit du public.