La Cinémathèque québécoise

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Que les statistiques ne nous étonnent plus!

Copie Zéro me fait parvenir la liste des longs métrages québécois signés en 1981. Je la parcours. Pour ne pas les avoir tous vus, je ne connais pas le contenu de la plupart des films. Je me rabats donc sur un exercice élémentaire de statistique.

Et je m’étonne.

Trente-deux longs métrages. Alors que censément il ne se fait “rien” au Québec et que tout le monde chôme. Trente-deux, cela est bien. Seize longs métrages de fiction, et seize documentaires : cinquante-cinquante, cela est bien. Un bel équilibre, quoi. Vingt films en français, douze en anglais. Cela est bien, aussi. Quoiqu’il devrait peut-être s’en faire plus dans notre langue, mais à tout prendre, cela est loin d’être mauvais. Jean Renoir, lui aussi, a tourné en anglais.

Huit de ces films ont été faits par des réalisateurs et réalisatrices, membres de l’Association. Cela n’est pas trop bien. Non pas que ces cinéastes soient membres de l’Association, vous m’avez bien compris. Mais qu’il n’y ait pas plus de réalisateurs et de réalisatrices, membres de l’Association qui aient signé un long métrage en 1981. Qu’il n’y ait pas plus de ceux et celles qui ont signé ces films en 1981 qui soient membres de l’Association. Je profite donc de cet espace que Copie Zéro me consent, pour inviter les réalisa­teurs et les réalisatrices à se joindre aux rangs de l’Association. Cela ne fait pas mal. Cela risque, même, d’être bien.

Je m’étonne, donc, de tant de quantité, de diversité, de variété : fiction, documentaire, mélodra­mes, comédies, films de peur, films de c…, films pour réveiller, films pour endormir, films pour ins­truire, films pour abrutir, films qu’on a trop vus, films qu’on ne verra jamais. Se pourrait-il qu’a­près tout, la cinématographie qué­bécoise soit assez industrieuse, ait assez “le goût du miel” pour être déclarée en bonne santé?

Cela m’étonnerait.

Car au fond, n’est-on pas en train de s’évertuer à fabriquer une ciné­matographie en costume de Jean- Baptiste sur qui les kliegs brillent, mais dont l’ombre est celle d’un cowboy? Il faudrait que l’on se dé­barrasse du costume comme de l’ombre, du confort comme de l’indifférence. Que l’on arrive à filmer ce à quoi nous ressemblons véritablement, avec nos moyens. Et notre langage.

Par là, je n’entends pas une cinématographie-miroir, vous m’avez bien compris. Nous y sommes déjà, depuis trop long­temps. Il faut dépasser la notion de cinématographie nationale. Nous l’avons déjà. Il faut arriver à une notion et une pratique de cinéma­tographie critique, courageuse et consciencieuse. Qui regarde et qui casse les idées reçues de toutes sortes. Des films costumés de toutes les façons, mais critiques, et drôles. Quelle belle république, cela ferait. Avec Jean Renoir comme saint patron. Il faut y tra­vailler. Pratiquer notre métier de réalisateur. Faire beaucoup de films.

Et que les statistiques ne nous étonnent plus.

André Théberge
Président de l’Association des réa­lisateurs et réalisatrices de film du Québec