L’ombre d’un doute ou : l’effet-Perrault dans le cinéma québécois
« Noise, intermittence et turbulence, querelle et bruit, cette noise marine est la rumeur originaire, elle est la haine originelle. Nous l’entendons en haute mer »
(Michel Serres, Genèse, Seuil, Paris 1982, p. 33)
Dès ses origines, le cinéma direct québécois s’oppose aux deux grandes fictions dominantes sur les écrans du Québec : la fiction américaine et la fiction française. En 1963, à la sortie de Pour la suite du monde, l’œuvre et la personnalité de Pierre Perrault ne laissent pas indifférente la communauté artistique du Québec. Le film tombe à point nommé pour fixer la reconnaissance de l’élan nationaliste tout en affirmant une écriture, un style, une originalité de « mise en scène » et de conception qui allaient accorder à Pierre Perrault le statut du principal maître de l’écriture du réel. Dès lors, de la fiction, il sera le dénonciateur le plus radical et le plus bruyant. De celle-ci, il refuse l’absence d’authenticité, il en affirme avec véhémence le caractère hautement fallacieux et trompeur qui culmine dans le mercantilisme et dans le « star-system ». Il est sans doute celui qui, parmi les cinéastes du direct québécois, a le plus systématisé ce refus de la fiction et qui ne s’est jamais aventuré à en produire. Il fallut à ce pourfendeur du cinéma-opium un séjour à Cannes en 1967, pour la présentation de Le règne du jour, pour se convaincre définitivement de la médiocrité du carton-pâte et de la pauvreté des illusions de nos lanternes magiques. Là-bas, il agita le bruit et la fureur en apportant sur la Croisette un petit goût sauvage d’anarchie et de révolte qui, resitué en 1967, fait écho au cinéma si particulier, si personnel des Jean Pierre Lefebvre et Gilles Groulx. Cinéma personnel — anti-cinéma sans toujours le théoriser — le cinéma québécois crevait alors l’écran des préjugés et des habitudes. Cinéma qui disait un sujet — ego-cinéma de Lefebvre ou de Groulx — ou d’un sujet collectif l’écriture unique, la parole recueillie et l’image entendue, des films de Perrault.
Peut-être faut-il rappeler cela avant d’aller plus loin.
La réalité du mythe
La naissance et le développement du cinéma direct au Québec ont considérablement bouleversé les rapports de la fiction et de la réalité dans la représentation cinématographique. Le direct a « donné à voir » une réalité souvent occultée que ce soit celle de la société canadienne-française dans son rapport au monde, ou que ce soit celle des composantes humaines, culturelles, politiques de ce qui en devenir se nommait déjà Québec.
Pour parodier l’allégorie platonicienne de la caverne, on peut dire que le cinéma direct répondait au premier chef à la nécessité de regarder autour de soi, de faire le dénombrement entier des ombres de la caverne québécoise et de dessiner les contours des forces en présence. Proche du reportage, le « direct » faisait enquête sur un monde masqué sinon oublié. Les titres des premiers films entre 1950 et 1960 témoignent d’eux-mêmes de cette activité d’enquête : Alfred J. et Les brûlés de Bernard Devlin, Fred Barry comédien de Claude Jutra, Les petites sœurs de Pierre Patry etc.
Mais ce regard démultiplié se fait bien vite conquérant en ne restant pas au seul stade de la curiosité, qui, on le sait, n’est qu’un vilain défaut. Ces caméras-regards scrutent, observent, s’étonnent d’être de si drôles de machines et se découvrent soudain elles-mêmes, outils de connaissance. Ne nous leurrons pas ici : ce n’est pas la caméra qui est productrice de savoir, c’est le regard, c’est l’intention, la visée du sujet observant qui déjoue la curiosité et détermine les prémices d’une connaissance. Au Québec, le cinéma que l’on fait dans les années 60 va multiplier le regard et retrouver l’extraordinaire pouvoir des yeux. Des yeux d’abord. C’est un cinéma de caméraman. Ainsi de l’enquête naît la conquête : ce qui se traduit par la découverte d’une accession à la possibilité d’exprimer un imaginaire qui répond aux aspirations de la société naissante. On ne s’étonnera donc pas de trouver dès le commencement, dans le même lit, le nationalisme et le cinéma direct.
Assurément, à l’origine, la distinction entre le cinéma direct et le reportage est bien fragile. Même dans l’idée de ceux qui le firent. Jean-Louis Comolli faisait remarquer que « le direct est à l’état brut dans toute bribe de reportage, comme le cinéma est à l’état brut dans toute suite d’images » 1, Les raquetteurs de Gilles Groulx et Michel Brault (1958), Pour la suite du monde de Pierre Perrault et Michel Brault (1963), pour citer des films phares, inaugurent le cinéma direct du Québec et ne sont pas de simples reportages. Ils dépassent le reportage objectif, non interventionniste. Ils prennent une dimension lyrique. Et surtout, ces films fondent et construisent une continuité historique — un cinéma —; ils font de ce mode d’expression un produit culturel original qui accède au statut d’œuvre marquée par ce que Louis Marcorelles nomme « la magie du direct ». 2
Le cinéma direct au Québec représente autre chose que l’accession du reportage au statut d’œuvre cinématographique; les œuvres québécoises qui s’élaborent au sein du direct ou s’en réclament ne répondent aucunement au respect systématique de la matière filmée. Lui seul, pourtant, pourrait nous laisser croire qu’il suffit d’enregistrer la réalité « telle qu’elle est » pour en saisir le sens, comme si les choses étaient transparentes. Ce qu’une conception trop simple ou trop immédiate de ce cinéma pourrait nous laisser croire. Il semble bien au contraire qu’il n’y ait réellement cinéma direct que lorsqu’il y a subversion plus ou moins grande, plus ou moins radicale de cet assujettissement à la transparence des choses qu’une conception « naïve » de la connaissance a souvent colportée.
Un nombre important de sous-produits du direct repose implicitement sur la théorie de la transparence des choses, dont le « cinéma-vérité » fut un jour le concept-impasse. Il ne suffit pas de photographier le monde pour le connaître. Cette évidence ne traverse pas tout le cinéma direct au Québec, loin de là. C’est pourtant la reconnaissance et l’acceptation de la non-transparence des choses qui donnent au direct son caractère exploratoire. Car si la caméra, en soi, n’est aucunement un « outil de connaissance » l’acte de filmer, authentiquement, ne peut se départir à tous les niveaux de son déroulement, du tournage initial au montage final, d’une activité d’analyse et de synthèse, d’un engagement dans la connaissance qui inscrit le film dans un travail culturel. C’est ce qui fait des Voitures d’eau de Pierre Perrault, d’Au bout de mon âge de Georges Dufaux, de Jean Carignan, violoneux de Bernard Gosselin, des Servantes du bon dieu de Diane Létourneau etc. des œuvres aussi importantes ici que Le Cid de Corneille, ou n’importe quelle sonate de Mozart. Aujourd’hui, quand on fait du cinéma, tout reste à découvrir. Et d’abord le cinéma.
Aussi, plus le cinéma direct est acte de connaissance et de création, plus il révèle la non-transparence du monde. Voilà, ce qui pour moi fonde le cinéma direct dans le système du savoir et dans les pratiques artistique et culturelle. Sur cette base, le direct met en question l’idée même que l’on se fait du réalisme et nous oblige à réviser notre appréhension de l’authenticité et de la vérité. L’une et l’autre ne sont plus des données du réel, mais des constructions de l’esprit. Ainsi le direct se confronte aux questions que posaient déjà Dziga Vertov, ou Picasso, ou Braque avec ses collages… Le vrai est une image (une fiction fictionnante) obtenue en « travaillant » les objets réels. On comprend peut-être mieux à partir de ces constats pourquoi il apparaît au Québec dans les années 60, au moment où les valeurs idéologiques dominantes de la société catholique sont profondément ébranlées dans leurs bases : les certitudes sociales et morales s’effritent, les normes esthétiques qui y sont liées sont radicalement remises en question. Les « automatistes » et leur manifeste 3 ont sans doute été les signes avant-coureurs les plus voyants de ce grand chambardement; mais c’est surtout le grand éveil social des années 60 qu’il faut évoquer; l’émergence du cinéma direct en est plus la conséquence que l’origine.
Le cinéma de Pierre Perrault de ce point de vue est exemplaire. Parti en guerre contre les clercs en général et surtout contre la Sainte-Écriture et la Sainte-Littérature chères aux Collèges qui le formèrent, Perrault, d’emblée, inscrit son travail cinématographique en faux contre l’humanisme classique qui déterminait jusqu’alors la « culture » québécoise. Dès ses premiers films, il trace une opposition éminemment politique entre l’écriture — celle des livres de littérature importés de France — et l’écriture cinématographique. La sienne. Celle du cinéma direct qu’il nomme plus volontiers « cinéma du vécu ». Dès ce moment, le cinéma de Perrault est aux antipodes du cinéma ethnographique; l’ethnologue est du côté de l’écriture, même derrière une caméra, c’est la rationalité de l’écriture qui prédomine, la linéarité du texte. Perrault, lui, verse du côté du cinéma, de ce 16 mm quasi fabuleux dans ses possibilités d’enregistrer simultanément l’image et le son — et, selon lui, de restituer l’épaisseur de la vie. Par ce biais, il trouve le moyen de fonder une mémoire collective, mieux, d’inscrire une culture, la culture québécoise profonde, en voie d’effacement dans un mode d’écriture radicalement nouveau, qui répond parfaitement au besoin d’anthropogenèse du nationalisme renaissant des années 70.
Alors, le cinéma direct de Pierre Perrault est-il un mythe? D’une certaine façon, oui. Cette réponse n’est pas une condamnation, au contraire. C’est un mythe fondateur qui participe amplement à la mise sur pied du cinéma québécois et à la constitution d’une nouvelle culture, ceci en communion avec la chanson, la poésie et la littérature des années 70 au Québec.
Transcrire, dit-il
Perrault est de ceux, trop rares, qui, dès leurs premiers films, ont su garder conscience que l’acte cinématographique est aussi et avant tout un acte culturel, que tout film s’inscrit dans le patrimoine culturel, pour le meilleur et pour le pire. Ah! me direz-vous, c’est le vieux dilemme entre l’art et l’industrie. Oui, je sais que nous en mesurons plus particulièrement les difficultés au Québec… Mais, le cinéma québécois a su prendre un peu d’avance sur la lourdeur des multinationales de l’imaginaire français ou américain; grâce aux brèches ouvertes par le cinéma de Perrault et de ses confrères, il a été possible de systématiser l’existence d’un vaste laboratoire de recherche : le cinéma direct.
Dès lors, ce que Jean-Louis Comolli appelle le « fondamental mensonge du direct » va particulièrement bien servir Pierre Perrault et son écriture cinématographique. En effet, le direct selon Perrault prétend « transcrire véritablement la vérité de la vie » et semble à première vue se présenter selon ce que Comolli nomme « un mode d’enregistrement mécanique des faits et des choses » 4. Mais Comolli nous rappelle aussitôt que « dès l’intervention de la caméra commence une manipulation, et chaque opération — même limitée à son motif le plus technique : mettre en marche une caméra, l’arrêter, changer d’angle ou d’objectif, puis choisir les rushes, les monter — constitue bon gré mal gré, une manipulation du document.
Les films du cinéma direct — et les meilleurs — sont fabriqués. Pour offrir une image du réel, il faut bel et bien manipuler et construite. L’image du réel n’est pas donnée. Elle est produite. Et ça, plus que tout autre, le cinéma de Pierre Perrault nous donne l’occasion d’en prendre conscience.
Le direct selon Perrault
Avec Pour la suite du monde (1963) et Le règne du jour (1967), Pierre Perrault apporte au cinéma direct le discours de la méthode qui lui manque. Il rejoint le territoire que les Gilles Groulx, Jean Rouch et Richard Leacock explorent à leur façon et vient consacrer un tournant définitif de l’expression cinématographique. Désormais, il ne sera plus possible de faire au Québec du cinéma comme avant. Un art vient de détrôner un autre art. Se confirme là, un bouleversement dans le mode d’écriture cinématographique aussi important que le changement qu’inaugure l’imprimerie lorsqu’elle vient détrôner la primauté de l’architecture, lorsque, selon la formule de Victor Hugo, le « livre tuera l’édifice ». Le direct remet en question tout le rapport au cinéma. Perrault le sait et ne cesse de le clamer.
« Ainsi durant les six mille premières années du monde, depuis la pagode la plus immémoriale de l’Hindoustan jusqu’à la cathédrale de Cologne, l’architecture a été la grande écriture du genre humain. Et cela est tellement vrai que non seulement tout symbole religieux, mais encore toute pensée humaine a sa page dans ce livre immense et son monument. » 5
À sa façon et à une terrible vitesse, la machine fictionnelle du cinéma commercial dominant dès les années 30 a repris à son compte ce rôle de « grande écriture du genre humain », que lui dispute aujourd’hui la télévision. Le cinéma direct est une étonnante brèche dans cette machine fictionnelle. Avec lui, selon Perrault, « le film appartient à l’imagination, à la poésie, au peuple » et devient une espèce de seconde tour de Babel de l’humanité.
La légèreté technique du direct, l’amélioration rapide des possibilités d’enregistrement synchrone de l’image et du son, introduisent Perrault à un nouveau rapport à l’écriture. Lui qui, somme toute, est le produit des clercs, homme de texte en rupture de ban, va se retourner vers la parole brute, non dégrossie par le monde de la littérature et fera du magnétophone l’outil d’écoute fidèle qu’il faudra transcrire. Instrument mythique, le cinéma direct situe Perrault au carrefour de la non-écriture, impose l’enregistrement soumis des paroles et des sons et implique en conséquence la docilité et l’application de l’audition. Perrault trouve là sa véritable matière littéraire : le magnétophone lui permet d’introduire les mots de la parole dans l’écriture, sans médiation. Pour lui « l’avantage du cinéma direct, il faut bien le dire, c’est d’être incontestable dans son image » (Québec-Français, mai 1980) et il insistera constamment sur le fait que le magnétophone et la bande magnétique sont un nouveau papyrus. De là bien sûr, une autre possibilité d’explorer une culture, d’aller à l’écoute des hommes et bien entendu de construire sa propre vision du monde. Le direct annonce une nouvelle écriture loin des Écritures et répond pour Perrault et pour son nationalisme au besoin d’épique qui s’inscrit toujours dans la tradition orale des peuples.
Cette reconquête de la parole sauvage, aussi naïve qu’elle voudrait paraître, ne va pas sans un projet organisé et cohérent : le projet national, la quête du pays, la reconquête du droit à l’existence du peuple québécois. En ce sens la thématique épique de Perrault rejoint les grands mythes et se construit autour d’images très fortes — et ses meilleurs films se trouvent là : Blanchon, le dauphin blanc de L’Île-aux-Coudres, Le Mouchouânipi des Indiens, des cinéastes et des ethnologues, ou la Bête lumineuse des chasseurs, pocailles de Maniwaki, disent le même rêve fou, les mêmes espérances. Seule la texture de la noise change, mais le motif et le prétexte restent obstinément les mêmes : la lutte contre l’aliénation du fondamental dont parle Gaston Miron, le refus têtu de céder la vie et le langage.
Le cinéma de Perrault est pétri de langue vulgaire et récuse de ce fait la langue sacrée des dictionnaires. Cinéma du discours, il n’est pas linéaire — c’est l’écriture qui, de fait, procède de la linéarité.
La lecture de la transcription de ses films, nous apprend beaucoup sur la manière dont Perrault travaille la parole initiale — et l’image 6. Il provoque la parole, provoque les actions de ses personnages. Il capte le son de ces paroles et met les actions en image. Il écoute, il regarde. Il transcrit, lit, écoute encore. Le film se monte ainsi au fil de la parole organisée à partir de la noise originale, du bruit et de la fureur d’Alexis, d’Hauris Lalancette ou de Bernard, le pocaille. De la parole initiale à l’écriture cinématographique, il y a bel et bien transmutation et fictionnalisation. Le film organise le brouhaha inaugural, les cris et les chuchotements. La parole-matière vient se combiner à l’image, la culbute parfois, souvent la renverse, toujours se joue de la fascination pour proposer l’écoute. L’écriture cinématographique de Perrault s’élabore contre la transparence. Ainsi s’organise une vision du monde, si particulière d’un film à l’autre. Ainsi s’affine en vingt années un cinéma de plus en plus métaphorique, marque de la transmutation de plus en plus intense de la matière filmée. Dans La bête lumineuse, tous les personnages sont transmutés par ce jeu d’affinement, cette fois, autour d’une ligne dramatique précise à la mesure de la bête absente/présente. Tout comme Alexis dans Un pays sans bon sens! ou dans Les voitures d’eau, Bernard et Stéphane-Albert sont transmutés. Ce n’est pas la moindre force du « direct selon Perrault » d’être capable de pratiquer ce passage d’un état à un autre au sein même des personnages de ses films, tout comme il transmute le cours du film en le faisant aller d’une situation initiale clairement identifiée à une situation finale ou chaque élément en présence se trouve modifié et ceci, sans que le film jamais ne présente une résolution, à la différence justement de la fiction fictionnante traditionnelle. C’est pourquoi sans doute Alexis, Hauris, Bernard, Stéphane-Albert sont fictionnels sans être pour autant des êtres de fiction. La force du cinéma de Perrault est justement dans le fait de recourir au fictionnel — élément essentiel de la relation que le spectateur entretient avec le film quel qu’il soit — en récusant la médiation de « l’histoire que l’on raconte », en somme en évitant le recours au romanesque. 7 Tout cela pour « fabriquer une mémoire qui est en rapport direct avec le réel ».
Hypothèse, thèse et feinte
Le cinéma de Perrault n’est donc pas un cinéma de fiction au sens habituel du terme, qui sous-entend une part de soupçon sur l’existence effective des faits et des gestes représentés et qui apparente le cinéma de fiction à la tromperie organisée. Tromperie — ou tout au moins trompe-l’œil — qui en fait est intrinsèque à la machine-cinéma elle-même. De là, et par extension, la fiction en désignant au cinéma, comme en littérature, toute création de l’imagination, se trouve associée pour Pierre Perrault à l’idée de dissimulation, à une stratégie du mensonge. Cependant, il serait sans doute légitime de rappeler une définition plus serrée de la fiction entendue comme une construction de l’esprit, comme une tentative de représenter le plus adéquatement possible la réalité. Cette réalité peut être aussi celle du discours des hommes, de la parole qui circule sur un territoire et le nomme. En ce sens, le cinéma de Perrault est un cinéma de fiction qui n’a rien à voir avec la « fiction » vulgaire et dévoyée de la machine hollywoodienne et de ses sous-produits. Car pour rendre le « vécu » si cher aux films de L’Île-aux-Coudres, de l’Abitibi, du Mouchouânipi ou des pocailles de Maniwaki, Pierre Perrault manipule. Il manipule la matière vivante qu’il est allé partager avec ceux et celles qui se mettent eux-mêmes en scène; il façonne la pellicule, écoute, transcrit la bande magnétique pour retrouver la forme fugitive des mots et des êtres qu’il a voulu capter. En somme, il construit tout comme le sculpteur tire la forme qui ne s’y trouve pas du marbre inerte. La fiction, en ce sens noble marque aussi cela : le « construit » dans l’acte créateur. Fiction, c’est, sans doute, comme le dit par ailleurs Guy Gauthier, le seul mot qui rend compte du travail d’écriture de Pierre Perrault, mais il faut l’employer avec une prudente circonspection et redonner à la fiction la place que Gaston Bachelard lui accordait dans la démarche scientifique 8 : celle de l’hypothèse qui peut être fictionnelle sans être pour autant fictive ou mensongère. Le cinéma (direct) selon Perrault est très certainement le « cinéma de l’hypothèse » qui va en se développant dès Pour la suite du monde et qui culmine très nettement dans La bête lumineuse, son dernier film qui constitue à lui seul le véritable discours de la méthode. Il dit de ce film : « J’ai rencontré ces derniers temps un pays insoupçonné (…) Toute chose dans ce pays silencieux en apparence, est mise en légende aussitôt qu’on s’avise d’en parler. Comme si on y vivait encore l’épopée. »
Là-dessus s’élabore l’hypothèse. La chasse elle-même devient proie du film, car tombe le chasseur, tombe l’orignal et la quête du Graal devient une chasse à l’homme. L’hypothèse est là. La démarche du film est une feinte. Feinte de la raison, tout comme Œdipe répondant au Sphinx, où le jeu serré de Socrate et de ses interlocuteurs ou le « supposons le problème résolu » de Descartes. La « feinte » voilà qui pour moi éclaire la démarche de Perrault. Pas une supercherie. Une feinte, la seule façon pour la raison de tirer momentanément son épingle du jeu à partir de la noise initiale. C’est ce qui fait que le cinéma de Perrault dérange et me dérange. Il inquiète, hors des sentiers battus, il sillonne, il drague, il guette. Cinéma de guetteur impénitent, il est en chemin et quadrille le terrain qu’il nomme Québec parfois et Québecoisie aussi, par feinte.
« La thèse est l’action de poser quelque chose en un lieu. L’important est le lieu, puis la façon de l’occuper. De le prendre, de le tenir, de s’y poser. D’y mettre le pied. Le pied, ici, est trace de la thèse, et la muraille de couleur, la noise, est à la fois la bataille et le bruit, les deux stratégies, matérielle et logicielle, pour avoir lieu et prendre pied. » 9
Un cinéma de la fondation
Le cinéma de Perrault circonscrit les lieux réels et mythiques de L’Île-aux-Coudres, des rives du fleuve aux territoires des mots qui les décrivent, du Mouchouânipi où tournent en rond les pourvoyeurs, les Indiens, les curés et les cinéastes, territoire de l’âme d’Hauris Lalancette spoliée par le vieux mythe colonisateur et puis et toujours l’homme, le singe nu de Maniwaki, quand le Graal est un leurre et qu’il devient en miroir l’objet de la chasse. Toujours, à chaque fois réajustée, l’hypothèse du Québec et de l’Homme québécois s’imaginant dans la conquête de ses mots. D’abord le verbe et le territoire de la parole. Sans doute est-ce là l’essentiel de ce qui constitue ce cinéma de l’anthropogenèse québécoise, cinéma de fondation à l’image du discours unique de la poésie de Gaston Miron. En cela l’œuvre de Perrault s’oppose au passéisme et au fidéisme. Elle instaure bruyamment, violemment, incessamment la mémoire et l’histoire. Ce cinéma se fait émanation d’une parole collective, autobiographie d’un peuple en devenir. Ici s’organise la noise. Du bruit et de la fureur naît la terrible envie d’être au monde; le cinéma de Perrault décrit et accomplit cette entrée dans l’histoire d’un peuple d’abord illégitime; il parcourt la genèse d’une bâtardise et pour reprendre encore une expression de Gaston Miron « il invente un peuple qui existe »; voici donc un cinéma qui d’hypothèse en hypothèse provoque la conscience collective et élabore un travail de légitimation. Nationaliste? oui; d’un nationalisme qui longtemps m’a rempli de méfiance, avant d’en jauger aujourd’hui la portée et la nature. Remis dans la perspective de La bête lumineuse, le cycle de l’Abitibi 10 et le cycle de Mouchouânipi 11 prennent une toute autre dimension. Les cinq films qui composent ces deux cycles racontent l’histoire des désillusions, celles des colons d’Abitibi dépossédés de leur rêve de royaume comme celles des Indiens du Mouchouânipi coincés entre la bière et les ethnologues. Deux cycles fort gris et amers, insupportables en fait lorsqu’ils paraissent entre 1977 et 1980; tout comme sont insupportables les hurlements d’Hauris et son discours pétainiste, insupportables ces Indiens mythiques noyés dans l’alcool ou dans la faconde pleine de bonne volonté du curé Joveneau. Le goût de la farine et Le pays de la terre sans arbre sont deux films où se croisent les antagonismes ethnologue/cinéaste/Indiens/curés/marchands, mythe et réalité sans jamais se prendre ou se résoudre. Violence sourde. Regards croisés, regard du cinéaste sur les regards, et feintes : la curiosité elle-même devient l’objet du Pays de la terre sans arbre, film sur le malentendu fondamental entre les Blancs et les Indiens. À ces culs-de-sac répond La bête lumineuse. Ici poètes, chômeurs, chasseurs et cuisiniers se débattent sur le même terrain : marécage, boue, sexe, sang, merde et dégueulis se retrouvent mêlés dans ce lieu fabuleux du Michomiche. Les femmes et les enfants sont restés à la maison. Dionysos s’éveille, fulmine, s’éclate, c’est le retour de la tragédie. La bête lumineuse annonce plus qu’il ne dénonce, il convoque les excès, le direct ici nous montre « réellement » les hallucinations et le cinéma de Perrault redevient visuel, physique, sensuel et brutal. La bête lumineuse est un film initiatique et annonciateur. Avec ce film, il est difficile de réduire Perrault au nationalisme étroit qui semble avoir été celui du cycle de L’Île-aux-Coudres ou à l’impasse politique du cycle abitibien qui faisait écrire à Michel Euvrard et à Pierre Véronneau :
« Le cinéma de Perrault exprime une vision du Québec, certes, mais c’est une vision partielle et partiale; Perrault ne voit que ce qu’il souhaite voir : consacrant trois films à l’Abitibi, il ne rencontre que des agriculteurs alors que la grande majorité des emplois dans cette région est fournie par les industries minière et forestière. C’est une vision passéiste, fondée sur l’impossible résurrection d’une économie, d’une civilisation, de valeurs traditionnelles; Perrault ne s’intéresse qu’à ce qui va disparaître, c’est un goût qui peut être émouvant tant que le film est seulement document et témoignage, mais sur lequel il est dérisoire de prétendre fonder l’avenir d’un pays. » 12
Aujourd’hui l’avenir du pays est plus fragile que jamais même si le présent peut donner encore un instant l’illusion d’une implantation solide; les préjugés idéologiques qui maintiennent à l’écart de la critique le cinéma de Perrault doivent s’estomper au risque sinon de préférer la moralisation à la confrontation analytique; et puis… les idéologies ces dernières années en ont pris un sacré coup au Québec. Ceci devrait être suffisant pour changer le regard que l’on porte sur l’œuvre de Perrault et pour faire accepter les singulières distances qui se marquent entre le discours qu’il porte sur ses films et les discours mêmes de ses films : le politique chez Perrault se veut tout autant ontologique qu’anthropologique et cherche à prendre en charge une totalité. C’est, en ce sens, sans doute, que Gaston Miron nous rappelle que le concept d’identité chez Perrault ne renvoie plus à une ethnie, mais à une conception globale de la culture. Ce qui m’a fait écrire précédemment que l’originalité de l’œuvre cinématographique de Perrault — ce qu’on retrouve aussi dans son œuvre poétique et essentiellement dans Gélivures est plus de l’ordre de l’anthropogenèse que de l’anthropologie. Il essaie de fonder une culture — il ne peut en ce sens être réduit au nationalisme étroit qu’il conteste dans les faits — et se heurte chemin faisant aux anthropologues et à leur conception idéaliste de la science.
Le cours des choses
Le cinéma pour Perrault est l’instrument de son anthropogenèse, et sa conception du direct son éthique particulière. L’originalité de la démarche réside justement dans le fait qu’il cherche à construire une vérité scientifique sur la parole; c’est là sans doute le modernisme de son attitude et son intérêt politique. Il s’agit en fait d’un cinéma éminemment « matérialiste ». Il y a dans le direct le pouvoir excitant d’une nouvelle durée cinématographique qui va au-delà du simple pouvoir de la caméra et du son synchrone que Perrault lui-même privilégie parfois trop simplement comme « instruments de connaissance ». Comme si l’activité de connaissance là encore n’était qu’une reproduction passive du réel. Ce qui me fait penser à ce que disait Rossellini (au cours du débat sur le cinéma direct organisé par l’UNESCO en 1969) :
« Je suis peut-être idiot, mais je ne comprends pas; vous voulez créer un mythe de la caméra, comme si elle venait de la planète Mars. La caméra, ça n’a aucune valeur. Ça n’a de valeur que par ce qu’on a à dire. Votre curiosité envers la caméra est une curiosité de faible, maladive (…) Ce n’est pas l’outil qui peut tout faire. Les Romains n’avaient pas de machine à écrire. Tolstoï non plus. Dans tout cela, où est le créateur? »
L’intérêt du direct a été justement d’abolir les tabous qui étouffaient le cinéma académique. Il y a dans le direct le pouvoir des grandes alchimies qui vinrent autrefois contester les règles aristotéliciennes qui dirigeaient le savoir depuis trois siècles et ouvrir la porte à la recherche alors que l’on pensait que tout était définitivement découvert.
Le direct est un autre moyen « d’aller au réel » et de le corseter. En germe donc, c’est une approche plus matérialiste; mais la caméra en soi n’est pas un outil de connaissance et n’exclut surtout ni la visée initiale — le projet du film, donc la connaissance initiale de la situation à filmer et sa pertinence — ni le montage. La synthèse en somme, sans laquelle le film resterait suspendu dans l’éther. Ce que le discours apparent de Pierre Perrault nous ferait oublier losqu’il écrit : « rien ne ressemble plus à la réalité que son image » 13, alors que ses films nous montrent à l’œuvre un travail d’analyse et de synthèse extrêmement élaboré, qui évoque plutôt ce que Karl Marx disait de l’œil humain : « L’œil est devenu l’œil humain quand son objet est devenu un objet social, humain, venant de l’homme et destiné à l’homme. »
Le cinéma est un détour. Le cinéma direct au mieux de ses réussites érige le détour en éthique de la vérité. Ici encore la feinte et non la confusion.
« Il y a des choses qui se produisent instantanément et qui sont de l’ordre de la confusion. Au montage, on doit quand même interpréter, juger ce qu’on a fait. Et certaines choses ne peuvent se traduire en forme claire dans le résultat final… La question fondamentale est “quoi admettre?” » 14
Il n’est donc pas question de faire l’économie du “travail cinématographique” dans la pratique du direct. L’œuvre de Pierre Perrault témoigne incontestablement que, pour faire un véritable “cinéma direct” à l’encontre de la morale de la facilité qui reste trop souvent liée au “cinéma-vérité”, cela suppose du temps, de l’argent, des conditions de production fort coûteuses puisque ce cinéma (direct ou du vécu) correspond à une extension du langage cinématographique et non pas à son rétrécissement. Ainsi : troquer le décor du cinéma hollywoodien contre l’intérieur réel, les acteurs contre les “vrais personnages” etc. se justifie dans la mesure où certaines reconstitutions en studio ne sont plus visuellement supportables, ou que le potentiel de signification, de spectacularité des “vrais personnages” est plus pesant dans le propos et dans la fonction du film que l’on construit. Sinon, l’abandon du studio, l’abandon des acteurs pour des raisons purement financières est un non-sens absolu envers l’esthétique cinématographique et une mutilation — un recul — pour le langage filmique. Au lieu d’élargir les composantes du langage filmique, on le rétrécit, on l’appauvrit et de plus, pour justifier ou pour excuser cela, on escamote la contrainte économique qui préside en réalité à ce recul, pour en faire une loi esthétique dont le moindre des méfaits est de bloquer la recherche de nouveaux modes d’expression filmique. Et ainsi de recréer un nouvel académisme stérile.
Le meilleur du cinéma direct québécois a pu se faire grâce à d’importants moyens cinématographiques, quitte souvent à en explorer le poids et les limites : en ce sens l’aventure de l’ONF dans ce cinéma est exemplaire; l’œuvre de Pierre Perrault élaborée uniquement à l’intérieur de cette lourde institution l’est aussi. À l’origine, il y a John Grierson, fondateur de l’ONF et grand prêtre de l’école documentariste :
“L’idée documentaire ne demande rien de plus que de porter à l’écran, par n’importe quel moyen, les préoccupations de notre temps, en frappant l’imagination et avec une observation aussi riche que possible. Cette vision peut être du reportage à un certain niveau, de la poésie à un autre; à un autre enfin, sa qualité esthétique réside dans la lucidité de son exposé.” 15
Noël Burch fait remarquer que le “credo de Grierson” a “inculqué à un très grand nombre de réalisateurs de talent la hantise de la responsabilité sociale, (…) ce qui a eu pour effet de fausser souvent leur rapport avec la matière cinématographique et d’émasculer leurs œuvres.” 16
Dans cette ligne le cinéma-vérité “à la Grierson” a produit des documents d’un intérêt incontestable en son temps, un peu passés de mode aujourd’hui, et qui, trop souvent, apparaissaient comme la solution providentielle pour exprimer à travers un idéal “vériste”, l’engagement dans la réalité sociale et témoigner de la “responsabilité” de l’auteur. L’illusion d’un réalisme à bon compte s’est installée dans la foulée du cinéma-vérité qui apparaissait alors comme la solution providentielle pour franchir les obstacles financiers qui entravent la machine-cinéma.
Rêve et fureur
Un regard même rapide sur l’origine et sur l’évolution du direct au Québec nous montre toute l’importance de l’ONF dans le développement de l’école documentariste. Parti bien souvent de l’idée de transparence des choses (voir, c’est connaître) dont le projet initial du Candid Eye rend parfaitement compte (la caméra se fait invisible, on veut filmer le réel sans y toucher), le direct québécois a rêvé d’une sorte de cinéma ethnographique parfait. Perrault se détache très vite de ce projet. À peine peut-on penser aujourd’hui que la série Au pays de Neufve-France entre un peu dans cette catégorie. Il s’en détache donc, tout en restant au sein de l’ONF, en assumant à sa manière les contradictions nées des contraintes idéologiques de la machine d’état et des exigences de son cinéma. Michel Brault, Arthur Lamothe, Fernand Dansereau, Gilles Groulx et bien d’autres à la suite découvrent aussi rapidement la vacuité du rêve ethnographique. Tous, chacun à leur manière, dévoilent — et se dévoilent à eux-mêmes d’abord — qu’à partir du moment où on filme quelqu’un sur un sujet donné, il se met à fictionner; il dérive du sujet central de ses préoccupations actuelles. Finalement, c’est l’aspect périphérique qui prend le dessus. Dans leur ensemble, les principaux cinéastes du direct québécois assument pleinement un nouveau langage cinématographique; ils mettent en évidence dans le processus de fabrication d’un film la nécessité de la longueur, la nécessité du temps : le temps du tournage, celui que conduit le besoin de saisir l’événement dans sa continuité, le temps de la réflexion et du montage. À l’ONF ou hors de l’ONF, c’est un cinéma qui réclame des moyens pour assumer un art nouveau de communiquer. Il marque une révolution dans la prise de parole. Militants sont les films du nationaliste Perrault, militants sont les films anthropologiques de Lamothe, militants sont les films d’engagement de Groulx… Mais, rarement, les films militants sont réussis de la sorte; en général, ils restent parallèles à la réalité qu’ils traitent et qu’ils sont sensés représenter. Ici, ils vont capter le désir d’être représenté des gens qu’ils mettent en scène. Le cinéma de Perrault excelle dans le genre : des Tremblay de L’Île-aux-Coudres à Hauris Lalancette de Rochebeaucourt 17 se met en place une galerie de portraits très emblématiques qui produisent réellement leur propre trame dramatique. Ce sont des gens qui ne sont pas représentés habituellement au cinéma et qui découvrent par là la vocation d’être les comédiens d’eux-mêmes. Les films de Perrault s’agglutinent à l’histoire du Québec — tout comme, là encore, les films de Lamothe font partie de l’histoire des Amérindiens. Perrault ne fait pas des films “sur” l’évolution du fait québécois 18. Ce sont des films qui, eux-mêmes, en retour, interviennent dans cette histoire ou font partie de l’histoire. Les films de Perrault deviennent constitutifs de l’histoire dont ils traitent. Ils sont profondément constitutifs du discours nationaliste québécois — tout comme on ne pourra plus parler des Amérindiens du Québec sans parler des films de Lamothe. On peut dire que ce sont des films militants types et des films tout court aussi.
Cinéma de connaissance. Assurément, puisque la connaissance naît de ce danger de mort lente qui habite le Québec. Ce qui pleinement justifie chez Perrault le recours à la parole qui vient briser la Sainte-Alliance cléricale de l’empire et de l’idée. C’est un cinéma du côté noir, de la nuit, des mystères, qui explore le bruit, la noise, par bifurcation et métamorphose. Il occupe l’espace. Il hésite un instant, bifurque encore. L’Île-aux-Coudres, puis le côté noir, Hauris d’Abitibi, la nuit d’où surgit le Dionysos de La bête lumineuse. Monde de rêve et de chimères, car il faut aussi se payer de mots dans un Québec où toute la question devient “prendre la place ou céder la place”. Voilà pourquoi le discours que défile le cinéma de Perrault est un discours d’origine. Discours faible et fragile qui avoisine le silence; discours d’origine dont chaque film reconstitue le commencement et l’essai. Il y a de la raison, il y a de la violence aussi. Beaucoup d’intelligence. Un instant l’ordre, un instant la croissance. Il faut faire beaucoup de bruit tant qu’il reste l’ombre d’un doute.
Notes:
- Le détour par le direct, I par Jean-Louis Comolli, Cahiers du cinéma, no 209, février 1969, pp. 48-53 ↩
- Louis Marcorelles, Éléments pour un nouveau cinéma, Unesco, 1970. ↩
- Avec la guerre, le mouvement des automatistes animé par le peintre Paul-Émile Borduas secoua le carcan idéologique de l’art traditionnel, véritable ghetto culturel au Québec. Proche du courant illusionniste de Dali et du surréalisme de Mirô, le peintre en laissant libre cours à l’expression d’une gestualité spontanée, nous livrait selon l’expression de Borduas “la somme de son être physique et intellectuel”. En 1948, la publication à Montréal du manifeste Refus global ouvrit une brèche dans l’art conventionnel gardien de l’ordre et de la morale. ↩
- Jean-Louis Comolli. art. cit. ↩
- Victor Hugo, Ceci tuera cela, cité par Victor Lévy-Beaulieu in Pour saluer Victor Hugo, VLB éditeur, 1970. ↩
- Le règne du jour (Montréal, éditions Lidec, 1968)
Les voitures d’eau (Montréal, éditions Lidec, 1969)
Un pays sans bon sens (Montréal, éditions Lidec, 1972)
La bête lumineuse (Montréal, édition nouvelle optique, 1982) ↩ - Pierre Perrault : “J’ai été chercher quelque part une matière qui me paraissait abolir le cinéma de fiction, le romanesque.” ↩
- Gaston Bachelard, La formation de l’esprit scientifique, Vrin, Paris, 1960. ↩
- Michel Serres, Genèse, op. cit., p. 95. ↩
- Le retour à la terre (1976), Un royaume vous attend (1976), Gens d’Abitibi (1980). ↩
- Le goût de la farine (1976), Le pays de la terre sans arbre (1979). ↩
- in Les Cinémas canadiens, dirigé par Pierre Véronneau, Lherminier/Cinémathèque Québécoise, Paris, 1978. ↩
- Pierre Perrault in Comment faire ou ne pas faire un film canadien, publié par André Pâquet, Cinémathèque canadienne, Montréal, 1967. ↩
- Entretien avec Johan van der Keuken, Cahiers du Cinéma, no 289, juin 1978, Paris. ↩
- John Grierson, cité par Noël Burch in Praxis du cinéma, N.R.F., Paris, 1969. ↩
- Noël Burch, op. cit., p. 225. ↩
- On peut le dire de certains personnages des films indiens d’Arthur Lamothe; c’est le cas en particulier du Montagnais Marcel Jourdain ↩
- Dans un autre contexte on pourrait dire la même chose des films africains comme Nous avons toute la mort pour dormir de Med Hondo ou Lettre paysanne de Safi Faye. ↩