La Cinémathèque québécoise

Collections en ligne

Ce site est rendu possible grâce à la fondation Daniel Langlois

Anciens périodiques

Télécharger pdf

Le cinéma québécois aujourd’hui

Table ronde avec Claude Lortie de Carrefour international et président de l’Association vidéo et cinéma du Québec, Louis Dussault des Films du Crépuscule et vice-président de l’AVECQ et Jean-Pierre Bastien, adjoint exécutif au directeur de la production française de l’ONF.
Modérateur : Pierre Véronneau

P. Véronneau : Avant de présenter les gens qui sont ici, je voudrais dire que nous avions invité un représentant de l’Association des réalisateurs de films du Québec et que cette association a décliné l’invitation parce qu’elle estimait que la situation du cinéma québécois est à ce point noire, à ce point désespérante et désespérée, que mieux valait ne pas venir parler de leur noirceur. C’est une raison que je res­pecte. C’est peut-être là une des façons d’aborder notre débat parce qu’au cours des trois dernières journées, on a eu différents exposés sur le cinéma québécois, mais pas de portrait d’ensemble de la situation et c’est peut-être ce por­trait que l’on pourrait tracer aujourd’hui. Profitons-en pour resituer tout ce qu’on a pu voir dans cet ensemble, soulever des questions qu’on a dû évacuer jusqu’à présent parce que le temps pressait. Pour permettre aux panelistes de prendre la parole, je voudrais justement les renvoyer à l’assertion de I’ARFQ et leur demander: Est-ce que le cinéma québécois est actuellement au creux de la vague?

Claude Lortie : Oui, effectivement parler du cinéma québé­cois aujourd’hui, ça devient un petit peu difficile dans la mesure où on sera bientôt obligé d’en parler au passé, si les productions continuent au rythme où elles en sont i.e. presque insignifiantes pour l’année en cours. Le cinéma québécois se retrouve actuellement dans une situation très difficile où il devient presqu’impossible de produire des films qui ne sont pas commerciaux; même le cinéma commercial québécois a beaucoup de difficulté à s’exprimer. Mais il y en a quand même davantage à cause de certains mécanismes qui ont été mis en place et qui facilitent la production. Je me rends compte, en parlant avec beaucoup de cinéastes, qu’ils sont frustrés de ne pas pouvoir s’exprimer, lis ont l’im­pression que les scénarios, les projets de films sur lesquels ils travaillent ou voudraient travailler risquent de rester plusieurs mois sur les tablettes.

On fait face à une situation assez frustrante dans l’ensemble et on se demande ce que ça va avoir comme effet. C’est comme si on avait des équipes de joueurs de hockey qu’on entraînerait pendant des années, mais qu’on ne ferait jamais jouer et, qu’au moment où on leur demande de jouer, on leur reproche en plus de mal jouer, sans tenir compte du fait que pendant des années on ne les a pas fait jouer activement. C’est une comparaison un peu boiteuse, mais c’est la situa­tion à l’heure actuelle au Québec. Sur le plan de la distribution, on se retrouve dans une situation où il est difficile de trouver des couloirs permanents de diffusion à nos films. Dans les réseaux parallèles, ça fonctionne relativement bien, mais dès qu’on veut présenter les films en salle, c’est différent: un pour cent du temps-écran est consacré à la production qué­bécoise. Les Films du Crépuscule, Carrefour et Cinéma Libre ont fait une expérience cette année pour chercher à diffuser des films québécois et ça été très très difficile; une seule salle de cinéma était disponible : le Tritorium du Col­lège du Vieux-Montréal! Voilà, je ne fais pas une analyse en profondeur, on pourra en discuter un peu plus tard. En gros, c’est ce que j’avais à dire pour lancer le débat.

Jean-Pierre Bastien : Avant que ne débute cette rencontre, Claude et moi discutions dans le lobby; nous sommes ra­pidement arrivés à la conclusion que, maintenant que le Gouvernement du Québec amorçait son second mandat, il était temps qu’on arrête de dire “Bon, il faut donner une chance à ce gouvernement, il ne faut pas trop être d’attaque envers lui, il est tellement fragile, etc., etc.” Ce gouver­nement est et agit en véritable gouvernement et il nous faudra beaucoup d’aplomb pour exiger toutes les choses que les gens du milieu du cinéma revendiquent depuis long­temps chez nous. Toutes les interventions qui seront tentées au niveau du gouvernement du Québec et du gouvernement d’Ottawa devront chercher à faire entériner les démarches qui ont depuis longtemps été entreprises par les cinéastes québécois. Il va nous falloir lutter beaucoup en ce sens-là. Il nous faut viser une normalisation de la situation de l’indus­trie cinématographique et, en ce sens, il faudra mettre de l’avant des démarches rigoureuses auprès de toutes les so­ciétés telles Radio-Canada, l’lnstitut, la SDICC, l’Office, etc. Une question qu’il nous faudrait soulever pourrait être : Quelle est la place des cinéastes dans la programmation d’une société comme Radio-Canada? S’il y a évidemment partout des problèmes de budgets, il y a également des pro­blèmes d’orientation. La situation est similaire à l’ONF. Chaque année, la planification détermine la participation des cinéastes pigistes aux programmes de production en fonc­tion des budgets disponibles. Il doit y avoir de plus en plus de politiques qui favorisent une distribution équitable des argents aux cinéastes qualifiés tout comme il va nous falloir une fois pour toutes attaquer de plein front le problème de la distribution des films. On a vu au cours des dernières années émerger des compagnies, des coopératives, qui ont cherché à sortir le cinéma québécois de l’ombre. Et malgré tout, le projet de loi qu’on projette de mettre de l’avant n’est pas celui qui ramènera le soleil dans la distribution des films québécois. Pour reprendre l’image que Claude utilisait tantôt, ça ne nous sert à rien de former de bons joueurs de hockey si nous n’avons pas accès au Forum. Ça ne donne rien. La seule façon qu’on a de remettre le cinéma québécois d’aplomb est de pouvoir en augmenter la production, inter­venir radicalement au niveau de la distribution et avoir le moyen de la présenter en salles. Car il y a hélas plus que des problèmes d’argent dans le cinéma québécois; il y a aussi un problème de reconnaissance de la part de certains organis­mes qui y oeuvrent. Les sommes d’argent que la SDICC a pour le cinéma québécois restent malgré tout symboliques. La Production française de I’ONF voit ses budgets stagner pendant que les coûts de production montent vertigineuse­ment. Il faut même se demander si un jour les sommes dis­ponibles pourront permettre la production de films… C’est une question très importante à mon avis.

Louis Dussault : Je vais renchérir, moi aussi, là-dessus. Je pense que c’est d’abord et avant tout un manque de volonté politique de la part des gouvernements qui considèrent la culture comme un luxe, alors que la culture est un aspect de la vie humaine qui est indissociable de la vie elle-même. Si on regarde du côté du cinéma et plus particulièrement du côté du cinéma québécois, c’est un des grands problèmes qu’on connaît depuis plusieurs années. Je lisais, tout à l’heure, une entrevue qu’accordait Michel Vennat, de la SDICC, à Serge Dussault de La Presse; il affirmait que le mandat de la SDICC n’était pas de s’occuper de culture, mais d’argent.

Ces gens laissent à l’ONF et au Conseil des Arts le mandat “culturel” du cinéma. La SDICC a investi ou a fait en sorte que des gens puissent investir dans le cinéma par le biais des abris fiscaux. Cette année près de 175 millions de dollars y sont allés directement; ça correspond à un manque à gagner de l’État. La conséquence du “tax shelter”, c’est qu’on réalise des films comme GAZ, comme ATLANTIC CITY, comme TRIBUTE. La SDICC appuie cette pratique qui ne sert pas le cinéma québécois. C’est un instrument qui sert uniquement à faire fonctionner les laboratoires, l’infrastruc­ture industrielle. Tant que la culture sera à la remorque de cette espèce de manque de volonté politique, il y aura tou­jours le type de problèmes qu’on connaît actuellement!

Malgré tout, je connais quelqu’un qui tourne un film en ce moment, il n’a pas eu de financement de la SDICC ou de l’Institut. Les tournages de misère, il s’en est toujours fait et il continuera à s’en faire. La situation à ce niveau-là peut ressembler à celle qu’on connaissait en 70. Mais aucun cinéma ne peut exister s’il n’y a aucune demande du marché, je parle d’un cinéma qui se fasse normalement, en dehors de la misère. Tout vient de la demande. Encore là, par une volonté politique assidue, elle pourrait se créer. Comment se fait-il que Radio-Canada n’ait pas de politique d’achats de films? Simplement parce qu’il n’a pas de programmation. Quand tu n’as pas de programmation, tu ne te dotes pas de politique d’achats, car tu ne peux placer tes films nulle part. Pourquoi Radio-Québec se maintient-il dans un genre de statu quo au niveau de la politique d’achats? Il possède une certaine politique d’achats parce qu’il a une certaine pro­grammation de films québécois; mais c’est très restreint par rapport à l’ensemble des programmes. On ne peut pas non plus offrir des accords de réciprocité à des distributeurs étrangers, leur garantissant la vente de leurs films à la télé­vision et leur passage en salle à condition qu’ils fassent de même chez eux. On ne peut pas appliquer ce principe-là ac­tuellement, tout simplement parce qu’on n’a pas de réseau de salles au Québec où nos films pourraient circuler systé­matiquement. Au niveau du privé, les gens vont continuer à investir dans des films de facture américaine, avec des acteurs américains et des réalisateurs américains, parce que ces films-là sont destinés aux marchés américains. Et il n’y a pas d’argent pour faire des films culturels, des films québé­cois! C’est complètement aberrant! À mon avis, c’est là le problème: le manque de volonté politique. L’État québécois actuellement a quand même une marge de manœuvre qu’il n’utilise qu’à 25%. Il n’a qu’à appliquer les articles de la loi de 1975.

Réal LaRochelle : Aux éléments que vous venez de mettre sur la table, j’en rajouterais peut-être quelques-uns. Si la si­tuation du cinéma québécois, et je pense qu’on ne peut plus en douter, est au plus creux de la vague comme vous venez de le dire, n’est-ce pas un peu contradictoire avec le fait que depuis quelques années au Canada et au Québec il n’a jamais tant roulé d’argent dans le cinéma malgré tout: J’ai­merais que vous éclaircissiez ça. Il y a l’air d’avoir beaucoup de millions qui roulent dans le cinéma. Il faut se demander où il va cet argent; tu l’as mentionné un peu, les labos, la grosse industrie, tout ça… Par contre, il se fait des produits de prestige, je pense que l’exemple le plus clair ces derniers temps, c’est LES PLOUFFE qui non seulement est un classique québécois, semble-t-il, mais qui est présenté aussi comme “A Great Canadian Classic”. En tout cas, ça a l’air de faire l’affaire de pas mal de monde, et déjà, beaucoup d’échos montrent qu’on ne jure plus que par LES PLOUFFE. C’est ça un film québécois. On dit aussi qu’il y a manque de volonté politique. C’est sans doute vrai, mais il me semble que vous devriez expliquer où il se situe ce manque de volonté politique. Parce que quand on crée une SDICC ou un Institut, c’est de la volonté politique! Quand on leur donne des budgets, c’est une forme de volonté politique. Quand on accorde des abris fiscaux, c’est de la volonté politique. Ce n’est donc pas une absence complète de volonté politique. Mais à qui sert-elle? et pourquoi? Est-ce qu’il y a vraiment un manque absolu de volonté politique ou au contraire une sorte de volonté politique qui n’est pas conforme à celle qu’on désirerait. Je voudrais finalement parler des joueurs qui sont quasiment tous sur le banc. À notre Cegep, le vice-président du Syndicat national du cinéma est venu donner des chiffres assez récents et effectivement, c’est moins que rose et moins que gris, ça n’a pas d’allure de voir comment le monde n’est pas payé, sous-utilisé, en chômage; et ce sont tous des gens qualifiés. Par contre, il me paraît étonnant que la nouvelle commission audiovisuelle du gouvernement du Québec a l’air d’avoir comme priorité d’étudier le projet d’une école de cinéma pour former d’autres joueurs. Bon, il me semble qu’il y a beaucoup de contradictions qu’il faudrait essayer de les éclaircir un peu.

LES PLOUFFE de Gilles Carle
LES PLOUFFE de Gilles Carle
Coll. Cinémathèque québécoise
Photographie Attila Dory

C.L. : Quand tu dis qu’il y a beaucoup d’argent, oui, effecti­vement, il y a sûrement des sommes assez importantes qui ont circulé, mais je me méfie toujours de ces statistiques-là. Si j’ai deux poulets et que tu n’en a pas, les statistiques vont montrer qu’on en a chacun un! Il se trouve que les poulets sont tout le temps du même bord de ce temps-là. Quand l’Institut est né en 1976, il s’est fait un paquet de films l’année suivante et en 1978. On a pu voir très rapidement le résultat. À la semaine du cinéma québécois en 1978 et en 1979, il y avait énormément de films. Dans une certaine mesure on assurait la relève de cette façon-là. On assurait une produc­tion de films qui n’était pas commerciale et je pense que ça a été très important. Les cinéastes ont senti qu’il y avait une structure en place qui leur permettait d’avancer, de pro­gresser, de dire ce qu’ils avaient à dire et puis de perfec­tionner ce langage-là. Il se trouve qu’avec le temps, l’Institut a complètement changé. Il y a eu beaucoup de cham­bardements, et tout cela fait que l’Institut ne répond plus à l’attente que les gens avaient. Dans l’avenir les sommes d’ar­gent vont être de préférence allouées à des films commer­ciaux rentables. On se rend compte de la rentabilité que l’Institut recherche quand il finance, par exemple, un film comme FANTASTICA qui est un flop absolument magistral. Mais pour eux, c’était une entreprise valable, car ils y ont investi beaucoup d’argent, le maximum possible. C’est un film que, je pense, 16,000 spectateurs ont vu au Québec; ça a été un flop à peu près partout où il a été présenté. Mais c’était un film de Gilles Carie, une coproduction française! Ils ont même fait parler des gens comme Claude Blanchard avec l’accent français! On se demande à quoi ça correspond! Ce n’est plus des films québécois. On a tendance de plus en plus à faire des films internationaux, qui ne veulent rien dire, qui ne sont rattachés à aucun pays, à aucun endroit. Ça devient le critère et on retrouve toujours les mêmes acteurs internationaux dans les films internationaux, c’est-à-dire des films en anglais, de préférence en américain. Le film pourrait être tourné n’importe où, tu ne sais pas où tu es. Finalement, quand tu vois des films qui ont été faits dans cet esprit-là au Québec, tu pourrais très bien les avoir tournés à Buffalo ou à Atlantic City, par exemple, tout ça c’est du pareil au même. On les vide de leur contenu, du milieu où ils sont tournés, ça ne veut plus rien dire. Il peut peut-être circuler beaucoup d’argent, mais il circule toujours à la même place. Et je pense que c’est cette frustration-là qui commence à se faire sentir clairement; nous n’avons plus accès à des sommes permettant de faire les films qu’on voudrait faire. C’est évident que l’Institut a été créé à partir de pressions du milieu. Les gens ont eu beaucoup d’attentes. Je pense qu’on va passer à une autre étape maintenant, qui ne sera plus celle d’attendre, mais de faire bouger cette chose-là. Car les attentes ont été déçues et ça c’est important de le mention­ner. Il y avait un autre truc que je voulais dire… ça concerne une école pour cinéastes. Moi, je n’ai rien contre, si tu veux assurer une certaine relève, une continuité dans la formation des cinéastes. La formation est actuellement faite sur le tas. C’est très valable, tu es très vite dans le concret. Mais il y a quand même des désavantages; je reviendrai là-dessus tout à l’heure.

J.-P. B. : On dit qu’il y a beaucoup d’argent; on parle de 175,000,000$. La seule chose qui m’intéresse réellement est de savoir combien de cet argent se retrouve véritablement sur les écrans. Combien sur un budget de 5,000,000$ se re­trouve dans la poche des intermédiaires de toutes sortes? On évaluait dernièrement à 30%, c’est-à-dire 300,000$ sur 1,000,000$, le coût d’un financement intérimaire, ce qui comprend les intérêts, les frais et les profits des divers inter­médiaires. Si on retient ce chiffre, on peut affirmer immédia­tement qu’il y a déjà 30% de la loi des privilèges fiscaux qui ne favorise aucunement le cinéma, juste le capital. Et on ne parle pas des films que ça donne… D’autre part, la loi n’est pas du tout discriminatoire. C’est dire qu’aucun type de fiction ne prédomine. Mais c’est évident que les gens qu’on a incités à investir se sont retrouvés dans un modèle ultra commercial, non canadien et non québécois. Malgré tout, certains cinéastes qui œuvraient préalablement sur un plan plus culturel ont été appelés à la ligne de départ. Mais si SUZANNE de Robin Sry s’est financé, ça tient davantage à la ruse du producteur qui a fait des “packages » qu’aux qualités esthético-sociales de Robin. Le portefeuille contenait deux autres films et les gens investissaient dans le bloc. S’il y a eu quelques exceptions de cette nature, cela tient davantage au “plaisir des producteurs” qu’à celui des hommes d’argent. L’autre aspect de la question c’est que les coproductions ont été célébrées par certains critiques de cinéma et de finance comme une source de travail importante et un important mouvement d’argent. On oublie souvent de dire que ça a créé un déséquilibre catastrophique pour le cinéma québé­cois en raison de l’inflation des prix que tout ça a favorisé. L’inflation, qui est assez formidable dans le domaine du cinéma, n’est pas seulement due à l’augmentation des prix du pétrole! Les coproductions ont leur responsabilité là- dedans. Ça a, d’une certaine manière, tué certains modèles de production originaux chez nous. Dans le domaine du cinéma d’animation, par exemple, les salaires ont tellement grimpé qu’il est parfois impossible de mettre la main sur du personnel qualifié pour faire des travaux essentiels. C’est évident aussi qu’il y a des gens du milieu du cinéma qui ont choisi cette voie-là et qui en sont satisfaits. Il ne faudrait d’autre part pas oublier de dire que l’engouement pour la fiction qui a marqué nos cinéastes a créé un trou dans le domaine du documentaire au milieu des années 70. Remet­tre le documentaire à l’ordre du jour me semble être une des priorités fondamentales du cinéma québécois. En ce sens, on parle volontiers d’écoles de cinéma. Moi je pense qu’il faut privilégier un type de formation qui est typiquement de chez nous et qui a, à mon avis, donné des résultats formida­bles: la formation sur le tas. Ça aussi ça a été abandonné. À l’ONF, les gens qui ont la chance de faire des stages sont de plus en plus rares. Je n’en connais pratiquement pas. Et je suis bien placé pour en parler. Et ça ne s’est pas perdu juste pour des raisons financières; le désintéressement de cer­tains cinéastes de chez nous à transmettre leurs acquis aux plus jeunes joue pour beaucoup là-dedans. J’ai l’impression qu’on parle plus de “chars” que de cinéma sur bien des pla­teaux. Beaucoup de nos bonnes habitudes ont été perdues. À un certain moment donné, on a vu le cinéma comme le Klondike; mais rapidement les artisans-prospecteurs ont dû laisser leur place aux gros industriels. Puis il y a eu toutes sortes de situations qui ont fait que le cinéma québécois s’est mis à s’égrainer comme le rocher Percé.

La situation me semble très noire; il faut donc reprendre la démarche globalement et requestionner les organismes, mais surtout les hommes politiques. Car il y a une volonté politique ou plutôt une absence de volonté politique qui dé­termine tout dans ce cas. La situation que nous vivons est due à cette lâcheté en plus du désintéressement de ceux qui oeuvrent dans le cinéma.

C.L. : Il y a une chose que je voulais rajouter, au sujet de l’Ins­titut. On a créé l’Institut en 1976, on lui a donné un budget d’environ 4 millions de dollars au moment de sa création. Depuis, non seulement on n’a pas augmenté ce budget, mais on n’a pas pensé à couvrir l’inflation ce qui veut dire à toute fin pratiquement une diminution de 40% du budget, si tu cal­cules 10% d’inflation par année. Ça c’est une chose impor­tante. Donc la volonté y était peut-être au départ, mais il n’y a pas eu une volonté claire et nette par la suite de maintenir ce niveau de possibilités. Et même, cette année, on parle d’une coupure de budget de 500,000$. Ça démontre d’une certaine façon ce manque de volonté. Souvent, on nous sert l’argu­ment qu’il faut que ça soit rentable. Le ministre ne veut pas donner plus d’argent parce qu’il attend que ça soit rentable. L‘Institut rêve du jour où tout ça va s’autofinancer à partir du capital initial. C’est vraiment une approche très curieuse. C’est important, je pense, de saisir qu’on veut que les films soient rentables. Mais c’est pas 4 millions de dollars qui de­vraient être investis. Il leur faudrait créer une société de production où ils investiraient 40, 50 ou 100 millions de dollars; alors là, ils pourraient exiger des critères de rentabi­lité économique. Mais avec un budget de 4 millions! À toute fin pratique, je pense qu’il reste 1 million, 1 million et demi pour la production. On ne peut pas parler de récupération d’investissement.

L.D. : Surtout quand on voit à côté les 175 millions qui ont servi à fabriquer les films de facture américaine. Il n’y a aucune concurrence possible, il n’y a aucune comparaison possible. Ça tient du fantastique! Quand on parle de rentabi­lité, ça doit d’abord être une notion de rentabilité culturelle. Et non pas une notion de rentabilité strictement et étroite­ment économique. D’autre part, si on veut parler de rentabi­lité économique, il faut penser sur vingt ans, pas d’un film à l’autre, parce qu’on part de rien; il n’y a pas de salles de cinéma qui se consacrent au cinéma québécois, donc il n’y a pas de public qu’on pourrait dire circonscrit. Le public, il se fait à chaque fois, pour chaque film. Il est toujours à recon­quérir.

Louise Carrière : J’aimerais ça que vous expliquiez un peu plus, compte tenu de l’analyse que vous faites du cinéma québécois, le lien entre cette analyse et les solutions à mettre de l’avant. Certains souhaitent la nationalisation des salles. Pour d’autres, le grand problème ça serait la concur­rence entre l’ONF et l’industrie privée, donc on souhaiterait la disparition de I’ONF. Est-ce que ce sont des utopies ou des solutions pratiques qui sont envisageables actuel­lement?

L.D. : Au niveau de la nationalisation, une seule alternative: soit que l’État nationalise une chaîne de cinéma, soit qu’il impose un quota, un contingentement dans les salles com­merciales ou dans les salles parallèles. Aucun des deux réseaux ne programme systématiquement du cinéma qué­bécois. Je veux dire par là que dans les salles parallèles, il y a peut-être 95% de la programmation qui est constituée de films hautement commerciaux, alors que ce réseau en est un, si on veut, d’Etat, au sens où ce sont des budgets de cégeps ou d’universités, des budgets de services aux étudiants. Nous, ce qu’on a toujours réclamé, c’était que l’État impose un contingentement dans les réseaux, ou qu’il nationalise une chaîne de cinéma. Le contingentement, il est exercé au niveau fédéral par le CRTC, par exemple, dans la programmation des postes de radio et de télévision. Cela a permis, au Québec par exemple, depuis que ça existe ce 35%, de faire connaître la musique québécoise au public; les gens ont connu leurs musiciens, ils sont allés voir leurs spec­tacles, ils ont acheté leurs disques; le cercle vicieux écono­mique a été brisé. C’est un peu ce qu’on veut qui se produise avec le cinéma: les gens pourront voir du cinéma québécois. Il va se créer un public, une habitude. La demande va être là, elle sera assise et existera définitivement. Cette demande-là, évidemment, encourage l’investissement dans le cinéma québécois puisque chaque propriétaire de salle doit répon­dre à un certain pourcentage de films québécois à présenter.

Nationalisation ou quota, aucune de ces deux mesures n’a été retenue par l’ancien ministre des Affaires culturelles dans le cadre de ses consultations sur la refonte de la loi du cinéma; et je ne pense pas que le nouveau ministre retienne ces solutions-là non plus. Je pense qu’il ne se fera rien à ce niveau. Le gouvernement a peur d’imposer un sous-titrage en français pour les films présentés au Québec. Alors il ne faut même pas leur demander de penser de nationaliser une chaîne de cinéma ou d’imposer un contingentement, ça ne leur rentre pas dans la tête. On sait que le lobby américain est fort à Québec, mais il faut dire aussi que le gouver­nement péquiste a une peur bleue de l’affronter, même au nom d’une culture à préserver.

C.L. : Si on nationalise les cinémas et qu’on ne nationalise pas les écrans, ça ne servira pas à grand-chose. Si on ne na­tionalise pas ce qui passe sur les écrans, ça n’aura servi strictement à rien. Nationaliser en totalité ce ne serait quand même pas réaliste ni souhaitable. Mais je serais d’accord pour qu’on nationalise une partie du temps-écran, c’est-à- dire, qu’on apprenne aux gens, comme disait Louis, à con­naître leur cinéma davantage, à y avoir accès facilement, qu’il ne soit pas seulement à la télévision de diffuser des films québécois, que ce soit aussi le rôle des salles de cinéma! Il faut voir nos films sur écrans géants et non pas ex­clusivement à la télévision. C’est quelque chose qu’on est en train de mettre de l’avant à l’AVECQ, c’est une chose qu’on veut défendre. L’AVECQ, c’est une amorce de solution: re­grouper des gens qui travaillent dans le cinéma ou dans la vidéographie, en production ou distribution. On essaie de former un groupe de pression qui pourrait, qui devrait de­mander au gouvernement des comptes, suggérer des actions à entreprendre, là où c’est fondamental. Il va falloir à un moment donné passer des lois qui protègent le cinéma québécois, qui protègent notre marché interne, qui permet­tent de montrer ce cinéma-la. Si le public en consomme, on va pouvoir en produire. C’est pas très sorcier. Mais ce n’est pas aussi simpliste que ça. Si on se donne un minimum de moyens pour y arriver, il va y avoir des amorces de solutions. On ne peut pas imaginer des solutions à tous les niveaux sans qu’on ait l’appui évident et clair de l’appareil d’État qui peut faire des lois pour protéger ce qui existe ou favoriser le développement de ce qui existe. C’est évident qu’il ne faut pas s’attendre à ce que le gouvernement fasse tout. Je ne pense pas que ce serait souhaitable que le gouvernement dise tout ce qu’il y a à faire en matière de culture, que ce soit lui, qui définisse par lois la culture québécoise. Mais il devrait, en tout cas, favoriser l’épanouissement de notre culture. Je pense qu’alors on aurait une amorce de solution. Ce sera à nous évidemment, aux cinéastes de faire un effort sérieux, de travailler de montrer une volonté évidente.

Car si la volonté, l’unique volonté des cinéastes, qu’ils soient techniciens, réalisateurs ou autres, c’est de faire uniquement de l’argent, et de tourner des coproductions, évidemment on va manquer le bateau. Le gouvernement pourra voter toutes les lois qu’il veut. Il va falloir vraiment qu’il y ait une détermi­nation très claire de la part des gens directement impliqués.

P.V. : Avant de laisser la parole, j’aimerais savoir si quelqu’un a quelque chose à répondre à la deuxième partie de la ques­tion qui portait sur I’ONF?

LE PLUS BEAU JOUR DE MA VIE de Diane Létourneau
LE PLUS BEAU JOUR DE MA VIE de Diane Létourneau
Coll. Cinémathèque québécoise

J.-P.B. : Je peux bien y répondre! Je crois que oui, c’est une utopie : jamais l’Office ne disparaîtra. On ne doit jamais dire “jamais”. Mais à moyen terme je suis convaincu de ce que j’avance. Plusieurs affirment qu’il existe une concurrence déloyale entre I’Office et l’entreprise privée. Je crois qu’il y a une distinction très importante à faire ici. Il faut en effet diviser ce qui concerne la production de ce qui concerne la distribution. C’est capital. Côté production, il nous faut espérer le plus de films possible. Donc il faut que l’Office soit partie prenante de ce « deal”. Et puis l’Office fait des films qui ne se font pas ailleurs règle générale.

La problématique réelle a toujours été que l’Office distribue gratuitement ses films, ce que les producteurs privés ne peuvent se permettre puisque même ceux qui ne courent pas après les profits doivent rentabiliser leur aventure.

Je pense que l’Office a tenté il y a quelques années de mettre fin à la pratique du prêt gratuit; mais une décision du minis­tre a coupé court à cette idée. L’Office a également mis de l’avant des programmes d’achat de films, etc. Le problème est loin d’être réglé. Mais la question se pose actuellement à l’Office et de manière très sérieuse. Traditionnellement, on a toujours affirmé que le service devait être gratuit, car ce sont les payeurs de taxes qui finançaient les produits et le réseau. On dit maintenant que les utilisateurs devraient payer à leur tour. On est donc sur la piste d’un règlement pour ce qui concerne cette concurrence déloyale. Mais c’est un pro­cessus qui risque d’être long. Car c’est actuellement au niveau de la réflexion et ça réfléchit longuement dans cette porte-là.

D’autre part, lorsque les producteurs privés disent que c’est facile de faire les films à l’Office parce que c’est l’argent du gouvernement, on a souvent tendance à oublier l’autre argent que le gouvernement investit dans les films produits par le privé. Je crois personnellement qu’on vit dans une si­tuation où on doit espérer un cinéma largement subven­tionné par l’État et c’est à cette source que les producteurs privés doivent pouvoir s’abreuver. Maintenant, il s’agit de savoir comment on oriente la distribution de cet argent. S’oriente-t-on vers le commercial ou vers un cinéma qui est prioritairement québécois? La question est là. À mon avis, l’Institut a une marge de manœuvre trop réduite. Quand on pense que refaire aujourd’hui des films comme MOURIR À TUE-TÊTE et LES BONS DÉBARRAS coûterait plus que le double du budget de l’époque, c’est alarmant. Quand je pense que l’Institut avait dès le départ de bons projets de longs métrages qui ont dû être abandonnés faute d’argent, ça me donne le frisson. Pour moi, la question de la dispari­tion de l’Office, quand on considère la difficulté qu’ont au­jourd’hui les cinéastes de tourner, ne se pose même pas. Et puis il y a à l’intérieur même de l’Office une démarche entre­prise depuis quelque temps qui devrait donner encore plus de poids aux francophones à l’intérieur de la boîte. Tout ça, en plus de la qualité du cinéma qui s’y fait, me semble suf­fisant. Finalement, j’aimerais revenir sur la nationalisation des salles: je n’y crois pas du tout et ne le souhaite pas. Que le gouvernement intervienne en faveur du court métrage dans les salles serait un bon pas. Ce serait le premier bon pas à faire. Notre cinéma en tire son origine, il a été notre meilleure école de cinéma. Ça aiderait grandement à résor­ber les problèmes du cinéma québécois. Les gens s’habitue­raient à voir les films de nos cinéastes à chaque fois qu’ils iraient au cinéma. Le cinéma québécois ne serait pas un étranger sur les écrans du Québec. Nationaliser les salles? Voir les salles programmées par des fonctionnaires? Ça me fait peur…

Michel Houle : Je voudrais une précision. Quand on dit : “Nous avons proposé un contingentement”, parle-t-on de l’Association comme telle ou d’un regroupement plus large. Est-ce que l’ARFQ, le Syndicat, l’ensemble des organisations appuient cette revendication-là?

L.D. : Ça a été longtemps une revendication de l’ensemble du milieu du cinéma québécois. Je ne parlais pas pour I’AVECQ, je parlais surtout de l’ensemble.

M.H. : Et ça l’est toujours?

C.L. : Lors des consultations qui ont été faites l’année passée sur la refonte de la loi, une des choses qui a été proposée fut le contingentement. Il a été proposé aussi la billetterie natio­nale, à savoir que l’État émette les billets et qu’on puisse ainsi avoir un contrôle réel sur les entrées. Il y a une autre chose qui avait été proposée, un visa sur le nombre de spec­tateurs. Cela permettrait qu’une partie des argents que les “majors » touchent au Québec revienne au Québec et ne s’en aille pas directement aux États-Unis.

M.H. Si j’évoque cette question-là, c’est un peu pour rappe­ler ce que disait Louise tantôt. On a parlé de volonté poli­tique, on fait référence à la cohésion du milieu et à son pouvoir de pression sur le gouvernement, on parle de con­tingentement. Il me semble qu’on ne peut pas tellement éviter cette solution autant pour les courts métrages que pour les longs métrages. Regardons l’histoire, il y a toujours eu le même processus. Dans un premier temps, suite à la création de la SDICC une hausse de production de films qui ne trou­vent pas de débouchés parce qu’on n’a pas de contrôle sur le réseau de salles. Puisqu’il n’y a pas de contingentement, pas de mesure protectionniste pour la production nationale. Donc ça chute, ça reste sur les tablettes; car le mandat qu’on donne à la SDICC, c’est celui de se rentabiliser, comme veut le faire maintenant l’Institut. Avec l’arrivée de l’Institut, on a eu droit à la reproduction du même scénario, on s’est mis à produire des films; il en est sorti plusieurs qui sont restés sur des tablettes. L’Institut se ramasse sans argent puisque les films produits n’en ont pas rapporté. On a assisté à la répéti­tion de ce qui s’était passé avec la SDICC. Avec beaucoup de naïveté, on aurait dit que les gens s’étonnaient à chaque fois. Ils avaient pourtant eu le scénario la veille, ils l’avaient vécu, néanmoins ils s’étaient rembarqués avec beaucoup de naï­veté, sans prévoir, baignant dans l’euphorie de la période 77-78 des débuts de l‘Institut. Un autre élément qui aiderait le milieu à pouvoir faire pression sur le gouvernement, c’est de développer des politiques pour s’associer à la population. On a souvent l’impression, à entendre parler les cinéastes que leur problème central c’est de trouver de l’argent pour que le milieu qui produit du cinéma vive bien, rentre dans son argent, fonctionne. Donc que les gens doivent voir des films québécois pour cette raison: que les cinéastes vivent. On a cette fâcheuse impression, même si on parle en même temps de développer la culture. Il y a un peu d’articulations qui sont faites avec des regroupements populaires des asso­ciations pour revendiquer autre chose: le droit à visionner des films, à avoir un certain contrôle sur les salles, etc. Dans une société où il y a tant d’associations de consommateurs le cinéma est le seul terrain où personne ne dit mot sur ce qui se passe dans sa région. À St-Jérôme par exemple, il y a trois salles, deux passent du porno, l’autre de l’américain. Le monde n’a jamais dit un mot. Ils y vont, ils payent leur popcorn, le coke. Il n’y a jamais eu d’effort de la part des ci­néastes pour essayer d’organiser un mouvement qui déborde le cadre de leur milieu, qui a l’air de ne vouloir trouver que des formules pour bien vivre. Il me semble qu’il y aurait là une voie à développer qui agrandirait le potentiel de pressions politiques sur le gouvernement. A travers le con­tingentement, à travers la politique du court métrage obliga­toire, on devrait développer l’idée d’exiger non pas seule­ment pour le cinéma québécois, mais pour un certain cinéma de qualité qui devrait être vu à travers l’ensemble du Québec. Aujourd’hui, disons-le tout net, il y a Montréal; quand tu sors de Montréal, t’as pas grand-chose. Il devrait donc y avoir un mouvement qui déborde le simple problème de la survivance économique pour exiger que les gens de l’ensemble du Québec aient accès à un cinéma différent, un cinéma plus exigeant.

C.L. : Quand on parle de ces problèmes-là, il ne s’agit pas de trouver des solutions pour qu’on ait un salaire assuré et qu’on vive grassement. La plupart des gens ne vivent même pas du cinéma. Ça devrait être leur source première de revenu, mais ils ne peuvent même pas compter dessus. Donc, c’est déjà une situation dramatique. Si tu es obligé de faire n’importe quoi parce que tu ne peux pas vivre des films que tu fais, ça devient un peu aberrant et on doit trouver une solution à court terme à cette situation-là. Évidemment, re­grouper des usagers, ce n’est pas facile; c’est très difficile surtout qu’on les a habitués à consommer pendant des années un produit qui s’appelle “film”, comme on les a habi­tués à consommer un produit qui s’appelle X., que ce soit une auto, une TV, etc. On fait en sorte que les gens consom­ment du film et on leur donne des films tout prêts, tout mâchés, il n’y a pas de problème, c’est beau. C’est ça qu’on veut, que les gens consomment… et ils consomment. Il y a tout un côté intéressant au cinéma-divertissement, mais on n’a développé que cet aspect. Tu es obligé d’orienter forte­ment les choses pour que ça puisse changer. Si tu n’a pas cette possibilité, c’est très difficile de fonctionner, de re­grouper des usagers.

M.H. : Je reconnais que ce n’est pas facile de regrouper les usagers, je te dirais également que ce n’est pas facile d’obtenir des consensus dans un milieu comme celui du cinéma. Ça fait 20 ans qu’on essaie d’avoir un consensus suffisamment fort pour que ça ait assez de poids, pour convaincre le gou­vernement d’agir; il n’est toujours pas intervenu; ce n’est pas facile. Peut-être que si pendant 20 ans on avait essayé de développer une collaboration avec des groupes déjà exis­tants, une structure permanente, les choses seraient diffé­rentes. Même les ciné-clubs n’existent plus.

C.L. : Prenons l’exemple des “Cegep”. C’est aberrant qu’il n’y ait pas un minimum d’intervention assurée dans toutes les salles de cégep au Québec. Presque systématiquement, tu as les mêmes films que tu retrouves dans le cinéma com­mercial; c’est aberrant, mais le gouvernement ne fait rien. Au niveau du ministère de l’Éducation, il pourrait au moins avoir une politique claire. Mais non! C’est le même principe de base qui est appliqué partout. La salle de cinéma dans les cégeps doit être rentable financièrement, donc on va cher­cher les films américains ou autre, les gros succès, puis on vend du pop corn. Il n’y a aucune politique claire de ce côté- là au plan culturel.

J.-P.B. : Au niveau d’un regroupement, c’est un méchant contrat. Je pense que c’est un cercle vicieux. Pour mettre sur pied une campagne qui nous permettrait vraiment de sensi­biliser le public potentiel au problème du cinéma québécois, il faudrait leur montrer des vues; or, actuellement, on n’a pas d’argent pour en faire des vues. Moi, je trouve que c’est très problématique. Les longs métrages de fiction, on n’a pas suffisamment d’argent pour les produire. Il faut créer une habitude, qu’il y en ait toujours sur les écrans. C’est là qu’on va commencer à avoir un public pour voir nos films. D’autre part, il y a un problème d’identification au cinéma parce que les grands films qu’on fait, les bons documentaires, les bons films d’information, les gens les voient à la télévision et dans leur logique à eux, ce n’est pas le cinéma qui les réalise, c’est la télé. Ils se moquent de nous, ce qui les intéresse, c’est la télévision, parce qu’ils ont l’impression que c’est la télé qui les fait, que ce n’est pas les cinéastes québécois. Donc quand les cinéastes gueulent pour avoir accès à la télévision, les gens peuvent dire “Écoutez, on en a vu deux ou trois bons films, la télé les fait”. C’est très difficile de regrouper du public parce qu’il n’a pas l’impression qu’il existe un pro­blème du cinéma québécois. Je pense que ça prendrait vrai­ment des organismes qui auraient comme fonction de déve­lopper les marchés, de faire connaître le cinéma, de pro­poser au gouvernement une façon de contingenter le court métrage, d’amener une classification de salles d’art et essais, etc. Il faut faire preuve d’imagination. Si on impose platement le contingentement ici en disant ”20% du temps-écran va être réservé au cinéma québécois” sans autres di­rectives, les salles vont programmer nos films durant les mois de juillet et août et les gens n’iront pas les voir quand même.

Peter Harcourt : Par politesse je voudrais parler français, mais ça m’est trop difficile. Puis-je parler anglais?

Je ne sais pas si je dois partager mon désespoir avec vous. Cela fait vingt ans que j’entends ce genre de dis­cussion. D’abord en Angleterre lors de la période Julie Christie/Beatles, quand les Américains sont venus, qu’ils ont créé la Nouvelle vague anglaise, qu’ils ont fait monter les prix, tué l’industrie et qu’ils sont repartis. C’est aussi le genre de discussion que j’entends, en anglais, avec le groupe de cinéastes avec lequel je suis impliqué. Là la situation est encore pire, car nous avons, je dois le dire, moins de talent; ce que je veux dire par là, c’est que nous n’avons pas de fierté culturelle et que les deux vont ensemble: sans fierté culturelle, le talent ne peut se développer. Nous avons moins de talent, nous avons moins de fierté culturelle et nous sommes américanisés aux trois quarts. D’entendre les mêmes choses être dites à propos de cinéma québécois, me fait pleurer. Il me semble que nous avons perdu la guerre et que nous devrions le reconnaître. Comme disait Gertrude Stein à Hemingway, “nous devons recommencer et nous ap­pliquer”.

J’ai discuté de cette idée très concrète, avec Jean Pierre Lefebvre; je crois que nous devons travailler pour la pro­chaine génération, voire même la prochaine décennie. Nous devons travailler à partir des écoles; ceci n’est pas une défense de ma profession, je n’en ai pas de besoin. Nous devons montrer aux enfants de ce pays la culture, la littéra­ture et les films canadiens et québécois. Combien de jeunes Québécois ont vu LE CHAT DANS LE SAC ou en ont même entendu parler. Ils ne connaissent pas leur culture cinémato­graphique. Il nous faut travailler à partir des écoles et de la télévision. Il doit y avoir des long métrages sur les ondes de Radio-Canada et de Radio-Québec, T.V. Ontario ne présente rien d’autre que des films de Marilyn Monroe et d’Alice Faye, ils ne présentent jamais de films québécois. À T.V. Ontario, il n’y a qu’une soirée de films canadiens-anglais par année!

Pour ce qui est des cinémas, les gens paient maintenant pour aller voir de la merde. Ils paient pour voir des gros mor­ceaux de merde aux couleurs éclatantes. Pourquoi a-t-on fait LES PLOUFFE en français classique? Pour la télévision française? Je sais que c’est en partie parce que Lemelin l’a écrit comme ça, et peut-être que c’était bien à l’époque, mais ça falsifie la réalité québécoise d’aujourd’hui. Je suis certain qu’ils l’ont fait ainsi pour le vendre à la télévision de Dien-Bien-Phu!

J’ai l’impression que le cinéma que nous aimons tous est en train de disparaître. Il nous restera que les médias électro­niques. Je crois que la bataille pour laquelle il faut nous re­grouper, c’est celle de l’éducation, pour faire connaître nos propres classiques dans nos écoles et dans nos deux cultu­res. Nous devons aussi avoir accès aux meilleures heures d’antenne à la télévision. De toute façon, le nombre de cinémas diminue; ils deviennent des musées municipaux où les gens iront voir APOCALYPSE NOW ou peut-être “CARRY ON PLOUFFE” en 70mm, son stéréophonique. Voilà ce qui me rend triste parce que, lorsque maintenant je dis que j’aime le cinéma, j’ai l’impression que j’aime ce qui est passé. En terme de bataille, je crois que nous devons nous battre là où nous avons des chances de gagner. Les jeunes sont saturés, ils passent leurs journées devant la télévision, ils ne sont pas à l’école, ils sont devant la télévision et nous devons les rejoindre. Au Canada anglais il y a un problème terrible, nous n’avons pas grand-chose à leur présenter, nous leur présenterons des films québécois, bien sûr, mais nous devons aussi leur donner de la fierté; qui sont-ils et que sont-ils? Je crois sérieusement que ça peut changer. Mais y a-t-il quelqu’un qui veuille faire autre chose que de l’argent, beaucoup d’argent?

Voilà, vous connaissez mon désespoir.

L.D. : Je voudrais ajouter que je partage beaucoup des idées qui viennent d’être émises. Je pense qu’on arrive à une fin du siècle où on atteint un sommet d’acculturation. C’est un fait que, autant les jeunes Canadiens, que les jeunes Québé­cois ne connaissent pas leur culture nationale, que ce soit en cinéma, en littérature, en théâtre. Je serais bien curieux de faire une enquête dans une polyvalente ou un cégep et de­mander aux gens: Connaissez-vous Réjean Ducharme? Connaissez-vous Jean Pierre Lefebvre? La moitié ne saurait pas qui ils sont; pourtant ce ne sont pas les derniers venus; alors que dire des cinéastes de notre génération, ils sont encore plus inconnus. C’est un phénomène d’acculturation qui est effectivement très grave parce qu’on peut arriver à tuer complètement toute forme de culture, parce qu’il n’y a plus de stimulant pour le créateur, qu’il n’y a plus de public. D’autre part, il faut éviter de croire qu’il n’y a pas de public pour les films qu’on fait. Cette année nous autres aux Films du Crépuscule, on est en train de connaître un deuxième succès, je ne dirais pas commercial, mais public, avec un film qui s’appelle ON N’EST PAS DES ANGES, un documentai­re. Le premier documentaire des mêmes auteurs, c’était PLUSIEURS TOMBENT EN AMOUR, un film qui a très bien marché en salle. Donc nos deux films québécois qui ont le plus marché, étaient des documentaires à petit budget. Le premier est sorti au Ouimetoscope, donc on avait une salle connue; le second au cinéma Outremont qui est aussi une salle de cinéma connue. Donc quand on donne les meilleurs accès à nos films, les gens viennent les voir. Le problème c’est d’accroître l’audience de nos films, mais il y en a un public, il existe. Si on est obligé d’aller présenter nos films dans des sous-sols d’église, personne ne viendra les voir. Il faut avoir des lieux de diffusion accessibles; c’est ce que j’appellerais le droit à la culture qui est un droit fondamental, qui est actuellement énormément nié au Québec. Je pense que les Canadiens aussi connaissent le même problème. Les films qui sont faits au Canada, dans quelle mesure ont-ils accès aux salles de cinéma. Il y a des coops de cinéma qui fabriquent des films à Toronto, à Winnipeg, à Vancouver, dans les Maritimes; ces gens-là n’ont aucun accès public pour montrer leurs films, ils sont obligés de se cantonner dans des lieux qui les “ghettoïsent”. Les films doivent débou­cher sur les écrans, il faut trouver des solutions pour qu’ils y débouchent et ainsi on réduira le taux d’acculturés; il faut prendre les moyens de nous cultiver sinon la vague va nous transporter jusqu’au milieu de la mer et nous noyer.

J.-P. B. : Moi, je voudrais juste rajouter que les films doivent passer “Prime Time” à la télévision. Vendre des films à la té­lévision, je vous dis que c’est quelque chose. D’une part il faut qu’ils correspondent parfaitement en termes de durée aux grilles horaires qui sont déterminées à l’avance. Même si ça correspond, de toute façon les cases sont occupées. Il n’y a pas de place: on peut calculer actuellement à Radio-Canada qu’il n’y a de la place pour des films québécois que le mardi soir, de 10 heures à 10 heures ½, de temps en temps seule­ment. Quand on rencontre les gens de la société Radio-Canada, c’est ce qu’on se fait répondre. D’autre part ils vont accepter d’acheter quelques films.

Mais ils ne garantiront pas quand et à quelle heure ces films-là vont passer. Finalement il y a aussi à Radio-Canada un facteur déterminant, c’est la publicité. Ils achètent des produits pour leurs cases et ces produits-là doivent per­mettre de vendre tant de milliers de dollars de publicité; si avec le film X ils ne réussissent pas à vendre pour tant d’ar­gent de publicité, ils ne pourront pas présenter le film. Parce qu’ils ont un budget à rencontrer, des rentrées financières à obtenir; ils sont vraiment à cheval là-dessus. Si on essaie de faire valoir les qualités fondamentales d’un film, ils mesure­ront au bout de la ligne ce que ça représente en dollars. A l’occasion ils ont des cadres qui peuvent être utilisés pour présenter ces films-là, mais la liste d’attente est tellement longue que lorsque, par exemple, pour les Beaux Diman­ches, un producteur réussit à vendre un film à Radio-Canada, eh bien, c’est un an d’avance qu’il va être pro­grammé à moins d’être un document exceptionnel et d’ac­tualité; il va être sur la liste d’attente pour un an! Il y a aussi le dumping qu’il faut considérer; les Américains arrivent et vendent leurs films à rabais aux télévisions et les produc­teurs d’ici n’ont absolument pas le moyen de vendre leurs films à rabais parce que ça fait partie de la manière de les fi­nancer; ils vivent dans une situation d’étranglement. Je pense qu’il faut considérer tous ces facteurs. Finalement je voulais juste utiliser une petite statistique qui est communi­quée par le dernier numéro de la revue Copie Zéro publiée par la Cinémathèque. Il y a eu 514 courts métrages pour l’année 1979 au Québec. C’est énorme! Combien en avez- vous vu à la télévision depuis ce temps-là? En avez-vous vu un? Si oui vous ont-ils montré le générique?…

Peter : I don’t

P.H. Je ne veux d’aucune façon sous-estimer le problème terrible de la télévision. Ce que je veux dire, et j’essaie d’être un peu plus rationnel, c’est que si nous devons nous battre, nous avons besoin d’énergie politique et nous devons prendre le contrôle de nos propres réseaux de télévision. Je ne crois pas qu’il arrive une révolution dans ce pays; les choses devront aller beaucoup plus mal avant que ça com­mence à aller mieux. Les intérêts commerciaux ont une emprise tellement forte sur les cinémas que je dis: laissons-leur les cinémas et prenons possession de notre réseau de télévision. Après tout, Radio-Canada, C.B.C., Radio-Québec nous appartiennent, nous les avons payés! Et l’ONF, les gens disent: “Sur une production de 5 millions, quelle proportion parvient à l’écran? 30% peut-être?”. J’aime bien l’ONF, vous le savez tous, mais, sur un budget de 42 millions de dollars… combien vont aux films? L’autre problème, c’est, je croît, débarrasser les ondes de la CBC et de Radio-Canada de la pu­blicité. Voilà un but politique de première importance, parce que ces gens-là, ils contrôlent tout. Et laissons l’argent mener le cinéma pendant un moment encore, pour que Robert Lantos puisse se promener en Mercedès, et faisons nos films pour la télévision. Il y a plusieurs films québécois que j’aime beaucoup, il y en a moins du Canada anglais. Prenez un film comme L’HIVER BLEU; vous ne verrez jamais un film comme ça dans un grand cinéma. Les gens ne paie­ront pas 4.50$ pour voir ce très beau petit film, mais s’ils le voient à la télévision, ils vont dire “Ah!”, à cause du caractère intime d’un visionnement à la télévision.

Je crois que nous devons nous concentrer sur quelque chose que nous avons une chance de gagner, ou sinon on perdra tout encore une fois. Les Anglais ont réussi à garder le contrôle de la BBC. D’accord c’est pas mal bourgeois, toutes ces adaptations de grands classiques, mais néan­moins c’est quelque chose qui reste en Grande-Bretagne. Mais le cinéma anglais a été tué et les mêmes facteurs sont en train de tuer le cinéma canadien-anglais et d’étrangler le cinéma québécois. Il faut réagir.

C.L. : Mais il y a quand même un danger Peter à produire uniquement pour la télé ou à réserver la diffusion des films produits au Québec à la télévision. Moi je trouve ça frustrant. Toute la grande dimension de l’image, l’ambiance d’une salle obscure sont perdues. J’ai vu des films à la télé que j’avais déjà vu à l’écran et je ne les reconnaissais même plus, ça n’avait plus rien à voir.

Je pense que c’est possible que nos films accèdent aux cinémas. Se rabattre sur la télévision, ce n’est pas la solu­tion, surtout au rythme où les gens en consomment.

Yves Lacroix : Oui, mais voilà le problème. Je suis très sensi­ble à ce que Peter vient de raconter. La lutte ou la guérilla à mener actuellement, je me demande si ce n’est pas que le cinéma prenne le maquis au point de se maquiller, à ne plus ressembler à du cinéma. La révolution ou le travail à faire est vraiment au niveau culturel, au niveau de la qualité du spec­tateur qu’il faut former. Effectivement je pense que la télé­vision n’a pas encore été envahie. On peut se questionner par exemple sur le fait que Gilles Carie tourne un film pour la télévision, mais le sorte d’abord en salle. Par ailleurs je pense qu’effectivement l’idée de passer des courts métrages, c’est peut-être une proposition concrète; il faut absolument que les gens finissent par s’habituer à un produit et actuellement ils écoutent la télévision. Moi je regarde mes enfants, ils sont toujours devant la télévision; je suis épouvanté et je réagis exactement comme Peter tantôt. Ce que mes enfants aiment, ça n’a presque plus rien à voir avec ce que moi j’ai appris à aimer, à goûter et que je goûte encore; déjà je fais partie de l’histoire. On ne vendra jamais le cinéma québécois si on ne commence pas à avoir des cours de cinéma, des cours sur l’image, dans les écoles. Comment peut-on rendre les jeunes sensibles à un cinéma qui a une correspondance avec ce que nous sommes. On fait du cinéma à l’américaine et l’on part perdant; prenez Carie, il a essayé de faire du cinéma à l’américaine, mais c’est un petit faiseux.

R.L. : J’ai cru comprendre que Jean-Pierre avait l’air de souli­gner que c’était pas facile chercher l’appui des groupes de consommateurs ou, en tout cas, du large public pour l’asso­cier aux revendications des professionnels du cinéma.

J.-P.B. : Moi je n’y crois pas.

R.L. : Je pense qu’effectivement il y a un problème et il n’est pas facile à résoudre. On a rappelé tantôt que les cinéastes avaient occupé le Bureau de surveillance il y a quelques années et que ça avait été un peu le processus de démar­rage pour obtenir l’lnstitut. Moi à l’époque j’avais trouvé ça très bon, mais en même temps je me disais pourquoi je ne me trouvais pas là à occuper en même temps qu’eux. Je pense que s’il y a quelque chose qui se passe, ou que si les professionnels mettent quelque chose en branle, il faudrait réunir le plus de forces possibles pour essayer d’élargir la participation. D’autre part un peu comme Peter l’a dit tantôt, il faut aller chercher les étudiants et les enseignants. Mais il existe une coupure assez grande entre les professionnels et les milieux d’enseignement. Les étudiants demandent souvent à ce que les cinéastes viennent les rencontrer pour discuter des problèmes au cinéma. Mais combien de ci­néastes veulent participer à de telles rencontres de sensibi­lisation? Cela pourrait peut-être modifier l’orientation des ciné-clubs étudiants.

L.D. : C’est excellent d’associer les gens du milieu aux cours que les étudiants suivent en cinéma, c’est un contact direct avec la réalité, avec le concret. Souvent alors on peut s’aper­cevoir que les programmes enseignés dans les cégeps ou dans les universités sont déphasés par rapport à la réalité. Je pense que tout le monde est très ouvert à ce type d’invi­tation. Invitez-nous!

Je voudrais simplement ajouter quelque chose à ce que disait Michel Houle tout à l’heure. Si toutes les salles d’une ville sont monopolisées par le cinéma porno ou le cinéma américain, qu’est-ce qui empêche les citoyens de program­mer une salle alternative où l’on montrerait du cinéma de qualité? Ça se fait à Trois-Rivières et ailleurs.

J.-P. B. : A propos de la disponibilité des cinéastes, je vou­drais souligner que les cinéastes qui sont le plus en demande ne sont pas ceux qui sont les plus disponibles. Plusieurs ne veulent absolument pas participer à ce genre de rencontres. Voilà pourquoi je ne suis pas tout à fait d’ac­cord avec les affirmations de Louis.

P.V. : Évidemment tous les cinéastes ne sont pas aussi dispo­nibles que les membres de l’AVECQ! Je crois que nous avons soulevé plusieurs problèmes, balisé quelques pistes et amené un type d’informations et de points de vue qui avait été absent jusqu’ici. Je remercie tous les participants, le personnel de la traduction, les Archives nationales du film, de la télévision et du son et nos projectionnistes.