Georges Méliès (biographie)
Autobiographie de Méliès qui paraîtra en 1931 sous la signature de Léon Druhot 1. Il manque le dernier feuillet.
Méliès a beaucoup écrit sur lui-même à la 3e personne. Il avait déjà rédigé pour P. Gilson une première biographie plus courte en 1929 2. À ce propos, signalons que l’on retrouve sous la signature de Maurice Noverre des textes écrits ou dictés à l’évidence par Méliès 3. À qui se fier???
Georges Méliès est né à Paris, le 8 décembre 1861. Il fit ses études complètes au Lycée Louis-le-Grand et en sortit en 1879. Après avoir fait son service militaire à Blois, en 1880, il revint à Paris avec l’intention d’entrer à l’École des Beaux-Arts et de devenir artiste peintre, le dessin et la peinture étaient ses arts de prédilection. Mais son père, grand industriel, s’opposa à ce dessein, et il dut, à contrecœur, entrer dans la maison paternelle. Il s’occupa surtout, pendant les quelques années qu’il consacra à l’industrie, des machines de l’usine et y acquit une habileté de mécanicien qui devait plus tard lui être des plus utiles. En 1885, il se mariait, et quittait ses deux frères, Henry et Gaston Méliès avec lesquels il avait été un moment associé.
À cette époque, grand amateur déjà de prestidigitation, il se perfectionna dans cet art et donna de nombreuses performances au Musée Grévin et dans les salons parisiens, tout en continuant à peindre des tableaux et à illustrer le journal satirique La Griffe, journal politique, grand ennemi du général Boulanger qui faillit renverser la république et établir en France la dictature.
En 1888, le célèbre théâtre Robert-Houdin, consacré spécialement à la prestidigitation et aux grandes illusions s’étant trouvé à vendre, il l’acheta, et devint, de ce fait, constructeur de trucs de théâtre, en même temps qu’artiste illusionniste.
Les séances du théâtre Robert-Houdin se terminaient toujours par une série de projections de photographies (de voyage) coloriées et projetées à l’aide de plusieurs lanternes, ce qui permettait d’obtenir ce qu’on appelait “Dissolving views”. Cette pratique de la projection devait également lui être d’un grand secours quand il aborda la cinématographie. Ces divers détails sont ici donnés pour faire comprendre à quelles circonstances Georges Méliès dut la formation spéciale qui lui permit, par la suite, de se faire une place tout à fait particulière dans les “vues animées”. Sa carrière fut, de ce fait, étonnante et même unique.
Voyons un peu, succinctement, quelles furent les étapes de sa vie laborieuse :
‒ En 1895 invité par Louis Lumière, il assiste à la première séance du “cinématographe” (dite séance historique) et est émerveillé par la vue des premières photos animées. Il désire acheter un appareil pour son théâtre, mais Lumière en refuse la vente, désirant consacrer son invention uniquement à la science, principalement à l’étude du mouvement, comme l’avait fait Marey. Plein de dépit, Méliès construit lui-même sa première caméra, et, un mois après, il produit ses premiers films, et ouvre au théâtre Robert-Houdin le premier cinéma public du monde.
‒ En 1896, il construit, à Montreuil-sous-Bois, près de Paris, dans sa propriété, le premier studio cinématographique, avec scène et machinerie théâtrale.
‒ En 1897, il crée le spectacle cinématographique en produisant les premières grandes pièces et les premières reconstitutions historiques.
‒ Dès 1898, il invente successivement tous les procédés de “truquages”, devenus partout, depuis, d’un usage courant, et enrichit la technique cinématographique par des inventions ininterrompues.
‒ En 1899, il crée le genre féérique et fantasmagorique après avoir inauguré, successivement, tous les genres : drame, comédie, vaudeville, opéra, opérette, opéra-comique, vues à trucs, reconstitutions, reportages, documentaires, etc. En 1900, il fonde la première chambre syndicale des éditeurs de films, dont le siège social était à son théâtre, 8 boulevard des Italiens, il est élu président et garde ces fonctions jusqu’en 1912.
‒ En 1908 et 1909, il préside les deux premiers congrès internationaux du cinéma, (France, Angleterre, Allemagne et Italie) seules nations bien lancées déjà pour la production de films cinématographiques. Il obtient, malgré une grande résistance des maisons étrangères, l’unification de la perforation, ce qui détermine l’essor définitif de l’industrie internationale du film.
‒ En 1904, contraint par d’innombrables contretypages et contrefaçons de ses films en Amérique, il ouvre une maison et des laboratoires à New York, sous la direction de son frère Gaston Méliès, afin d’assurer par la prise du “copyright” le respect de la propriété de ses productions. Avec Ch. Pathé, il introduit le film français en Amérique et se voit bientôt contraint de faire partie du trust Edison qui, à cette époque, revendiquait tous les brevets afférents aux Motion Pictures, et exigeait une royalty des autres éditeurs. À partir de ce moment, tous ses négatifs sont pris en double, au studio de Montreuil, et l’un des négatifs est expédié à New York, où se fait le tirage des positifs destinés à l’Amérique.
‒ Dessinateur, décorateur, illusionniste, auteur de scénarios, metteur en scène, et artiste principal de toutes ses compositions il produit de 1896 à 1914, un nombre considérable de films entièrement dus à son imagination. Ces films obtiennent un succès mondial et lui valent bientôt les titres de : Roi de la fantasmagorie et des illusions, Jules Verne du cinéma, magicien du cinéma, etc.
‒ Malgré cet énorme labeur journalier, il continue pendant 36 ans consécutifs à diriger à Paris le théâtre Robert-Houdin où il invente et construit d’innombrables trucs et illusions. Il préside, pendant 40 ans, la chambre syndicale des artistes illusionnistes français.
‒ Pendant la guerre de 1914, il crée, à Montreuil-sous-Bois, le théâtre lyrique des “Variétés artistiques”. Avec sa fille et son fils et d’autres artistes parisiens, il y joue tout le répertoire des chefs-d’œuvre d’opéra, d’opéra comique, d’opérette, ainsi que nombre de drames, vaudevilles et comédies. Sa fille Georgette Méliès, excellente cantatrice, son fils André Méliès, très amusant premier comique, et lui-même, remportent, en tant qu’artistes, d’innombrables succès. Pour sa part, Georges Méliès joue, à ce théâtre plus de 98 rôles les plus divers.
‒ Loin de se borner au cinéma, à un type unique, comme l’ont fait nombre de comédiens célèbres de l’écran il profite de ses facultés d’assimilation, acquises au théâtre, pour incarner les personnages les plus divers et s’applique à se rendre méconnaissable par de savants grimages. Il ne se fait, du reste, jamais aucune réclame personnelle sur ses programmes ou affiches. Le titre seul de ses vues est projeté sur l’écran, sans aucun nom d’artiste. Ces vues, conçues exclusivement pour le cinéma, ont toujours été projetées sans aucun sous-titre, ce qui ne les empêchait pas, d’ailleurs, d’être parfaitement comprises dans tous les pays, le scénario étant toujours parfaitement cinématographique. C’était (au temps du muet) la formule véritable du cinéma international. Pas besoin de “doublage” à cette heureuse époque! Enfin, ayant subi pendant la Grande Guerre, d’énormes… (n.d.l.r. : texte dont la fin est perdue).
Notes:
- Ciné-Journal (25 août 1931). Méliès cite ce texte dans ses fameux Mémoires rédigés vers 1935 (voir Georges Méliès, Mage, de M. Bessy et Lo Duca, éd. J.J. Pauvert, Paris, 1961, pp. 175-178).
Texte du feuillet manquant : “… pertes d’argent, il se vit, bien malgré lui, contraint d’abandonner un art dont il avait été l’un des principaux créateurs. En somme, Méliès a le droit de revendiquer le titre de “doyen des éditeurs de films, des exploitants, des scénaristes, des metteurs en scène, des décorateurs et des artistes de cinéma”! De plus, sans commanditaires, il n’utilisa jamais que ses propres capitaux. Qui peut en dire autant parmi les cinéastes?”. ↩
- Voir La Revue du Cinéma, Librairie Gallimard, Paris, 1ère série, n°4, 15 octobre 1929, p. 3 (Édition du Cinquantenaire en fac-similé, T.l, P. Lherminier, Paris, 1979, p. 115), ainsi que deux lettres de Méliès à P. Gilson (in Georges Méliès, op. cit., pp. 127-129). ↩
- Comparer, par exemple, les débuts de Méliès cinéaste racontés par Noverre (in Le Nouvel Art Cinématographique, 2e série, n°4, octobre 1929, Brest, pp. 60-76) et par Méliès lui-même (Mes Mémoires, in Georges Méliès, Mage, op. cit., pp. 180-192). Pour plus de sûreté, consulter l’excellente biographie due à J. Deslandes (op. cit pp. 89-98). ↩