La Cinémathèque québécoise

Collections en ligne

Ce site est rendu possible grâce à la fondation Daniel Langlois

Anciens périodiques

Télécharger pdf

En marge de l’histoire du cinématographe

Texte paru en 7 livraisons dans Ciné-Journal — Le Journal du Film (1926)

N° du 4 juillet 1926
La légende des 4000 films qu’aurait produits Méliès prend naissance ici 1.

— En ce qui concerne le studio, on lira avec profit l’étude de M. Noverre in Le Nouvel Art Cinématographique, 2e série, n°3, juillet 1929, pp. 64-85, bien que les dimensions données par cet historien (sans doute d’après les indications de Méliès) ne soient pas d’une grande exactitude; nous l’avons constaté en examinant attentivement les quel­ques photographies qui restent du studio 2.

Cendrillon (no 219-224 du catalogue) faisait 120 mètres et non 60. Le Voyage dans la Lune (n° 399-411 du catalogue) mesurait 260 mètres et non 125 mètres, (voir Essai de Reconstitution du Catalogue Français de la Star-Film (op. cit.).

En 1906, Méliès vendait ses films 2 à 2F50 le mètre en noir et blanc, et 3F50 à 4F25 en couleurs 3.

En 1908; 1F25 en noir et blanc et 2F25 à 3F en couleurs 4.

(Je précise que les mots et phrases soulignés ne sont pas d’origine, et qu’il manque une ligne ou deux p. 14).

N° du 25 juillet 1926
L’Homme-Orchestre est de 1900 (et non 1901)

N° du 1er août 1926
p. 11, 2e alinéa : “… et habilement raccordés”. C’est, à notre connaissance, la seule al­lusion de Méliès au travail de montage lié à la réalisation des trucages.
La liste des Star films est assez fantaisiste.

N° du 8 août 1926
1er Congrès : 9 mars 1908; 2e Congrès : 2-4 février 1909 (réunion préparatoire fin 1908).
p. 12 Le grand industriel “qui jusque-là s’était tenu à l’écart de la Chambre syndicale” est, semble-t-il, Pathé.

Coll. Cinémathèque québécoise

Ma biographie, dites-vous?

Je vous avoue que, bien qu’on me l’ait souvent demandé, je n’ai jamais eu le courage d’écrire mes mémoires, ou mes souvenirs. Allons-y tout de même et tâchons de dé­montrer que l’industrie cinématographique a été créée uniquement par des Français.

La France, chacun le sait, est le pays des découvertes… Seulement, invariablement, nos compatriotes se laissent prendre leurs inventions par l’étranger, d’où elles revien­nent plus tard.

N’a-t-on pas contesté à MM. Lumière leur géniale trouvaille?

Je suis persuadé qu’avant dix ans, les pionniers, auxquels j’ai l’honneur d’appartenir (pionniers qui eurent à surmonter d’innombrables difficultés inconnues des cinématographistes actuels), seront considérés comme de simples “pompiers”.

Je suis donc né à Paris en 1861. J’ai connu la fin de l’Empire, subi le siège et la Commune en 1870-1871. Je n’avais que neuf ans, mais cela ne s’oublie pas. À 26 ans, en 1888, j’achète le Théâtre Robert-Houdin, que je devais garder trente-six ans, jus­qu’en 1914.

Le démon de l’invention me tourmentait.

Pendant ma courte carrière industrielle, j’avais eu l’occasion d’apprendre nombre de travaux manuels : menuiserie, mécanique, ajustage et de m’exercer à manier adroi­tement la plupart des outils. Entre temps, doué pour le dessin que j’ai pratiqué dès l’enfance, j’occupais mes loisirs en crayonnant, soit pour moi-même, soit pour les journaux illustrés, notamment le journal La Griffe, qui eut une certaine vogue pendant la période boulangiste.

Je fis aussi de la peinture à l’huile, portraits, paysages, fantaisies, puis de la décora­tion théâtrale.

Comme on le voit, j’ai été un peu “touche à tout”. Mais aussi combien cela m’a-t-il servi dans le cinéma! Cet art m’emballa dès le début, précisément parce qu’il me mettait à même d’utiliser simultanément toutes mes connaissances et mes divers petits talents.

Je construisis au théâtre Robert-Houdin de grands trucs. C’est là que j’acquis les précieuses qualités d’invention et d’exécution qui devaient m’être si utiles au cinéma. C’est là aussi que je construisis (je l’ai raconté souvent) ma première caméra, mon premier projecteur et où, peu de temps après la séance historique du Grand Café, je projetai d’abord des films de Kinétoscope, puis mes premiers films.

Dès lors je me lançai dans la carrière cinématographique que seule m’a fait quitter la guerre de 1914.

J’étais né artiste dans l’âme (on me l’a assez reproché), fort adroit de mes mains, habile dans la plupart des métiers, inventif et comédien de nature. Au risque de faire bondir M. Clément Vautel, qui déteste ce vocable, je fus à la fois un travailleur “intel­lectuel” et manuel. Cela explique pourquoi j’ai aimé le cinéma passionnément. Cet art les renferme presque tous. Les conceptions fantaisistes, comiques ou fantastiques, voire même artistiques, qui se pressaient en foule dans mon imagination, trouvaient, grâce à lui, le moyen de se réaliser. Toute ma vie j’ai cherché, inventé et exécuté.

Mes journées se passaient à mon premier studio de Montreuil (le premier en date de tous). J’y peignais mes décors, faisais ma mise en scène et jouais les principaux rôles. J’ai ainsi produit plus de 4,000 sujets.

Le Cinéma m’a servi de sport. Et quel sport! Je lui attribue même ma souplesse et ma vivacité.

Pour finir, une petite anecdote :

À l’époque où j’exécutais ces scènes folles et abracadabrantes remplies de truquages et de cocasseries invraisemblables, je reçus la visite d’un forain américain, client inconnu qui achetait indirectement mes films. De passage à Paris, il avait tenu à voir ce bonhomme chauve, à grandes moustaches, à barbe en pointe, dont la tête était connue à cette époque dans tous les cinémas. Ce bonhomme, c’était moi. L’Améri­cain fut stupéfait d’avoir devant lui un homme comme tout le monde et parfaitement calme. Sans doute se figurait-il que j’étais, hors de la scène, un détraqué, un dément, un fou furieux, un diable ou un sorcier qu’il avait vu à l’écran. Il fut très désappointé et, visiblement, je perdis son estime.

Il ne s’était certainement jamais douté qu’il faut beaucoup de calme, de réflexion, de persévérance et de sang froid pour exécuter sans défaillance ces clowneries funam­bulesques.

Ceux qui en ont essayé, à la suite, tel que André Deed (Gribouille), qui débuta chez moi, en savent quelque chose.

Il se figurait qu’il suffit de se livrer à des grimaces et à des contorsions. Quelle erreur! J’en parle en connaissance de cause.

P.-S. — Un farceur me fait remarquer ceci : 26 ans avant votre entrée au théâtre, 36 ans au théâtre, 19 ans au cinéma et 9 ans au théâtre encore. Alors vous avez au moins 90 ans.

Ah, non! Pas de plaisanterie : le Théâtre et le Cinéma ont marché simultanément. 64 ans suffisent à mon bonheur.

* * *

Quelle fut ma propre carrière et ma part dans la cinématographie? Ce serait trop long à raconter. J’abrégerai donc.

Passons sur les difficultés du début dont j’ai déjà parlé. Je commençai naturel­lement, comme tout le monde, en cinématographiant les sujets les plus simples, uni­quement pour m’assurer du bon fonctionnement du matériel. À cette époque, d’ail­leurs, la vue de l’animation d’une rue, l’arrivée d’un train, des vagues déferlant sur un rocher, des herbes brûlant dans un champ suffisaient à étonner le public et à satisfaire sa curiosité.

Puis vinrent les petits sujets comiques, joués, non par des acteurs (ces messieurs nous méprisaient profondément alors) mais par des amis ou connaissances ou par les employés de la maison. Ce fut le temps de L’Arroseur, des Colleurs d’Affiches, de La Leçon de Bicyclette, et des Scènes de Chambrée.

Le hasard me fit trouver le truc de substitution par arrêt de l’appareil (le mien s’était fortuitement bloqué) et je m’empressai d’utiliser le procédé dans la vue (on ne disait pas encore film) intitulée L’Escamotage d’une Dame chez Robert-Houdin C’était la reproduction exacte du fameux truc de Buatier de Kolta.

Le succès fut formidable. Et je me mis à exécuter, dans le même ordre d’idées, nombre de sujets de plus en plus compliqués. C’est à cette époque que je peignis, en plein air, mes premiers décors afin de corser l’intérêt de conceptions de plus en plus fantastiques, à quoi les paysages naturels n’auraient pu fournir un cadre approprié, surtout lorsqu’il s’agissait de lieux purement imaginaires.

Le succès augmentait de jour en jour et la renommée des films à trucs, dits “Star Films” (c’était ma marque) devenait mondiale en peu de temps et sans aucune publi­cité.

Les clients d’alors étaient tous des forains et achetaient les films qu’ils payaient comptant. Ils demandaient de bons programmes, mais ils les voulaient courts, afin de pouvoir multiplier les séances. D’où nécessité de faire des films de petit métrage. N’empêche que cette clientèle était effrayée par le prix des copies positives. Que dirait-elle aujourd’hui?

De mon côté, pour entretenir la curiosité et tenir mes acheteurs en haleine, je cher­chais et trouvais constamment des procédés nouveaux. Je les ai maintes fois décrits; ils sont encore en usage aujourd’hui : caches, fondus, superpositions, surimpressions, personnages grandissants ou rapetissants, personnages pris à des plans différents (Nains et Géants), personnage se multipliant à l’infini et jouant plusieurs rôles à lui tout seul, dessins animés, etc, etc. J’employai en même temps le feu sous toutes ses formes dans les scènes diaboliques.

Bientôt la difficulté d’opérer en plein air (où les vents, la pluie, les différences d’éclairage, nous jouaient souvent de vilains tours) m’amena à construire, à Montreuil-sous-Bois, le premier studio spécial pour le cinéma.

Ce fut la reproduction, en plus grand, des ateliers photographiques ordinaires. Mais à l’une des extrémités on aménagea une scène de plain-pied. Elle mesurait 7 mètres de large sur 4 mètres de profondeur. L’atelier lui-même avait 17 mètres de long, 7 de large et 5 de haut. La partie où l’on jouait était éclairée de face par le jour de dix heures du matin à trois heures de l’après-midi. Cette partie fut aménagée avec trappes, rues, tampons, mats, etc., comme une scène de théâtre, de féérie. Plus tard, deux ailes y furent annexées, pour servir de dégagement à droite et à gauche et de ma­gasins de décors. Le personnel devenant de plus en plus important, deux grandes loges (une pour les hommes, l’autre pour les femmes) furent nécessaires. Successivement, l’atelier s’allongeait pour reculer l’appareil et prendre un champ de plus en plus vaste, ce qui, en fin de compte, fit ressembler ce studio, qui existe encore, à un télescope. En dernier lieu, un cintre élevé fut placé au-dessus de la scène pour l’exécution de certains trucs ou effets. Les machinistes y évoluaient.

La première vue qui dépassa la longueur courante (17 mètres) fut une Cendrillon de 60 mètres. Puis vint le fameux Voyage dans la Lune, qui fut la première grande féérie et qui fit le tour du monde. Ce film mesurait 125 mètres! Mais il était farci d’épisodes et de truquages étourdissants.

Je dois avouer que j’eus toutes les peines du monde à vendre les premières copies. Les acheteurs étaient plus que stupéfiés; ils étaient terrifiés par le prix que je de­mandais : 2fr.50 le mètre, 314fr.50 les 125 mètres en noir et 690fr. en couleurs. Ce­pendant, de tous les pays les commandes arrivèrent innombrables. Je poursuivis dans cette voie : j’augmentai progressivement le métrage des grandes pièces et des féeries et j’arrivai ainsi à des sujets de 800 et 1.000 mètres. Les clients ne se plaignaient plus; ce genre faisait recette.

Je fus, d’ailleurs, abominablement pillé, surtout en Amérique où il était impossible alors de poursuivre les contrefacteurs. Cela me détermina à ouvrir, à New-York, la Géo Méliès Star Film Manufacturing C° qui subsista sous la direction de mon frère Gaston Méliès jusqu’en 1914.

Après de nombreuses sollicitations, les artistes commençaient à venir au cinéma. Ce furent, tout d’abord, les artistes illusionnistes du Théâtre Robert-Houdin, puis des acrobates, des danseuses du Châtelet et des Folies Bergère, des chanteurs du Café Concert et des ballerines de l’Opéra : Raiter, Brunnet, Claudius, Little Pich, Mado Minty, etc. Les artistes de théâtre se présentèrent en dernier. Beaucoup d’entre eux n’avaient jamais touché d’aussi beaux cachets que ceux que je leur donnais, quoiqu’ils fussent encore modestes. En peu de temps les demandes d’inscription affluèrent. C’était une véritable invasion dans mon bureau du Passage de l’Opéra.

L'ARROSEUR ARROSÉ (1895) de Louis Lumière
L’ARROSEUR ARROSÉ (1895) de Louis Lumière
Coll. Cinémathèque québécoise

Tous les interprètes des films étaient alors anonymes, et pour cause, puisque le premier venu pouvait tourner.

En tant qu’artiste, je parvins à me créer une personnalité et une réputation. La grande difficulté d’exécution de mes propres conceptions m’obligeait à tenir toujours le premier rôle dans mes films. On connaissait ma tête, au naturel ou maquillée, dans les situations les plus diverses : illusionniste, sorcier, démon, prince, mendiant, spirite, fakir, pacha, etc., j’étais à cette heure star sans le savoir puisque le terme n’existait pas encore.

* * *

Dans une conversation toute récente, vous m’avez demandé de préciser pour Ciné-journal, Le Journal du Film, quelques points spéciaux de l’histoire du Cinéma­tographe.

Il y a déjà treize ans que la guerre de 1914, qui me fut néfaste, m’a contraint, bien malgré moi, de quitter définitivement une profession à laquelle je m’étais donné corps et âme et dont j’eus l’honneur d’être l’un des fondateurs. Cette profession je l’ai exercée pendant près de vingt ans. Aussi, est-ce un véritable plaisir pour moi d’évo­quer un peu le passé, après avoir observé longtemps un complet silence.

Malheureusement, je serai contraint de parler de moi-même. Chose épouvantable, puisque chacun sait que le “moi” est réputé haïssable!

Mon Dieu, j’ai conscience d’avoir fait ce que j’ai pu et de mon mieux, de n’avoir jamais fait aucun mal à personne, d’avoir toujours été l’objet de la sympathie de mes collègues et d’être toujours resté en excellents termes avec eux. Pourquoi, dans ces conditions, me haïrais-je moi-même?

Je parlerai avec la plus grande franchise, comme il sied quand on écrit l’histoire, sans esprit de forfanterie (chose inutile, puisque je ne suis plus en activité dans la pro­fession) mais aussi, je dois le dire dès maintenant, sans la moindre fausse honte.

Votre première question a été celle-ci : Comment et par qui a été fondé la Chambre Syndicale Française de la Cinématographie?

Ce premier article, qui sera suivi de quelques autres destinés à prouver que l’indus­trie cinématographique a été exclusivement créée par les Français, forme la réponse à cette question.

On a contesté la paternité du cinéma à MM. Lumière. Si nous n’y prenons garde, on contestera, un jour aux français leur qualité de pionniers du cinéma.

Passons, si vous le voulez bien, sur les débuts de la cinématographie. J’y reviendrai dans les chroniques suivantes. En 1898, il y avait déjà plus d’un an que nous exercions (je parle des tout premiers éditeurs, alors peu nombreux). Je n’avais pas encore ouvert mon magasin du Passage de l’Opéra, où je n’avais qu’un laboratoire. Mon studio était à Montreuil. Mon “siège social” était le petit bureau à l’entresol du théâtre Robert Houdin que je dirigeai pendant trente-six ans, jusqu’à sa récente démolition pour le percement du Boulevard Haussmann.

C’est dans ce bureau que je reçus la visite de quelques collègues, parmi lesquels M. Georges Mendel. Ce fut lui qui, prenant la parole au nom du groupe, me dit : “Cer­taines grosses maisons cherchent, grâce à leurs énormes capitaux, à écraser les autres et nous avons pensé qu’il serait peut-être bon de nous grouper pour défendre nos inté­rêts corporatifs.” Il ajouta : “Vous avez déjà conquis, dans votre spécialité, une célé­brité mondiale. N’êtes-vous pas le plus qualifié d’entre nous pour prendre la tête du mouvement?”

Passons sur les détails : réunions préparatoires au premier étage d’un café proche du théâtre, élection d’un bureau provisoire où l’on m’attribua la présidence, élabora­tion des statuts et leur dépôt conformément à la loi. Enfin, nouvelle réunion, vote dé­finitif et constitution d’un bureau. Je conservai la présidence et la gardai pendant qua­torze années consécutives.

Voilà pour les débuts.

Au bout de ce temps (1897-1912) une décision prise à l’unanimité nous fit fusionner avec la Chambre Syndicale de la Photographie et des Industries qui s’y rattachent, afin de donner à notre corporation plus d’autorité pour nos revendications auprès des Pou­voirs Publics. À ce moment je me retirai, comme je le devais, devant M. Demaria, président de la Chambre Syndicale de la Photographie.

Je ne parlerai pas ici des luttes et combats homériques que nous eûmes à soutenir durant cette période où chaque maison avait des appareils et des pas de perforation différents et où personne, bien entendu, ne voulait se rendre aux bonnes raisons du voisin, chacun assurant que son système était le meilleur.

Il faudrait un volume pour fixer ces détails!

Entre autres questions, celle de la propriété artistique des films (non reconnue à cette époque par les tribunaux assimilant la cinématographie aux jouets et à la bimbe­loterie, faute de rubrique et de jurisprudence établies) donna lieu à de nombreux et in­fructueux débats.

Les Pouvoirs publics, ignorant encore quel développement prendrait la cinémato­graphie, dédaignaient nos incessantes réclamations.

* * *

Nos modernes cinéastes s’imagineront-ils jamais les difficultés énormes que nous eûmes à surmonter pour construire les premiers appareils à prise de vues et à projec­tion, les premières machines à tirer, à développer, à sécher?

Alors, chacun gardait jalousement ses secrets et chacun construisait lui-même le matériel dont il avait besoin.

À cette époque il n’existait dans le commerce aucun objectif, aucun rouage, aucun outillage spécial. Nous dûmes même fabriquer par nos propres moyens les tambours d’entraînement qui demandent une si grande précision.

De là l’imperfection des premiers appareils. Il nous fallut des années pour obtenir, de tâtonnement en tâtonnement, des projections à peu près convenables. La trépida­tion, le flou, les glissements, ou filage, les rayures, les taches blanches, le papillotement de l’obturateur, les déchirures, etc., disparurent peu à peu. L’outillage ap­proprié était créé au fur et à mesure, les moyens de construction s’améliorant.

En même temps, Debrie commençait à nous donner ses premières perforeuses, infi­niment plus soignées et plus précises que celles d’un mécanicien nommé Lapipe qui, au début, était seul à en construire. Toute sa vie, Debrie perfectionna ces perforeuses. Son fils suivit la même voie. Et aujourd’hui, l’industrie cinématographique est dotée, en ce qui concerne le perforage de la pellicule, d’instruments parfaits.

On ne peut mieux comparer nos travaux d’alors qu’à ceux de Stephenson cons­truisant sa première locomotive, entièrement à la main. Il fabriquait ses cylindres et leurs pistons en fer forgé, sans tours, sans alésoirs mécaniques, sans aucune de ces machines-outils qui permettent de créer aujourd’hui dans les usines métallurgiques les mécaniques les plus délicates et les plus compliquées.

Il est certain que La Rockett ou La Fusée de Stephenson ne peuvent supporter la comparaison avec les Pacific de nos rapides. Cependant, n’eut-il pas plus de peines à imaginer et à construire ces machines primitives que n’en ont nos ingénieurs actuels à réaliser mécaniquement les mastodontes de la voie ferrée?

Ce qu’il importe de dire ici, c’est qu’en dehors de MM. Lumière, Pathé, Gaumont et de moi-même, qui continuâmes nos travaux par la suite, toute une pléiade d’inven­teurs, après s’être acharnés à fabriquer des appareils et à produire quelques films, dis­parurent avant de se lancer plus avant, pour diverses raisons. Certains, pourtant, n’étaient pas sans mérite, tels Parnaland qui, à l’aide d’un appareil minuscule de son invention, filma les opérations chirurgicales du professeur Doyen; Pirou, le photo­graphe, qui obtint un gros succès avec son Coucher de la Mariée; et combien d’autres!

Tous étaient français. À cette époque, en effet les étrangers, bien que travaillant sé­rieusement de leur côté à des recherches techniques, tâtonnaient et étaient obligés de se fournir chez nous. Plus tard nos anciens clients montèrent des studios et devinrent éditeurs. Quelques-uns, pour réussir, avaient même soudoyé nos collaborateurs. Mais passons.

Lorsque tout le matériel nécessaire à la prise de vue, au développement, au tirage, fut en vente dans le commerce, les cinématographistes se multiplièrent avec une éton­nante rapidité.

Néanmoins, pendant une dizaine d’années, nous eûmes la partie belle et gardâmes la meilleure place. La supériorité de l’industrie française était indiscutable et indiscu­tée.

Nous avions une grande avance sur les nouveaux venus. Il leur fallut un temps très long pour s’assimiler peu à peu toutes nos inventions et tous nos trucs. Il en est même encore aujourd’hui qui se targuent (ainsi qu’on l’a vu dernièrement pour les dédou­blements de personnages) d’avoir inventé récemment un procédé dont je me servis le premier, en 1901, dans l’Homme Orchestre.

Vingt-cinq ans se sont écoulés depuis. Décidément, voilà un inventeur américain qui arrive un peu tard!

Loin de moi la pensée de sous-estimer la production étrangère actuelle. Le cinéma est international aujourd’hui. Et il y a dans toutes les nations une élite capable de produire de très beaux films. Mais je tiens à affirmer ici que le succès mondial du cinéma est dû aux Français. Ce sont les Français qui ont tracé le chemin. Et c’est avec les films des Français que les exploitants de tous les pays ont commencé leur fortune.

C’est à nous, Français, que revient l’honneur d’avoir créé l’industrie cinématogra­phique dans toutes ses branches.

Qu’on ne l’oublie donc pas.

* * *

L'ÉCLIPSE DU SOLEIL EN PLEINE LUNE (1907)
L’ÉCLIPSE DU SOLEIL EN PLEINE LUNE (1907)
Coll. Cinémathèque québécoise

Je dois vous dire que, contrairement à la réputation qui m’a été faite d’avoir été ex­clusivement le Roi des trucs et de la féérie, ou le Jules Verne du Cinéma (car c’est ainsi que l’on m’a toujours désigné) j’ai, au contraire, dès le début, abordé tous les genres : scènes historiques, drames, comédies, actualités, reconstitutions, opéras et opéras-comiques avec partition réduite, films-publicité (au-dessus du Théâtre des Va­riétés) films spéciaux pour les théâtres (La Cigale, Châtelet, Folies-Bergère) scènes de guerre, scènes antiques, scènes mythologiques, etc…

Si j’ai apporté toutes sortes de trucs au cinéma je m’honore surtout d’avoir lancé le cinéma dans la voie théâtrale, qui lui a si bien réussi.

Ce fut d’ailleurs un beau tapage dans la presse de l’époque, et j’en lus de belles! Le cinéma, disait-on, était un appareil scientifique destiné à reproduire la nature et la vérité et non à exhiber des comédies, pour amuser le public et le tromper par des ap­parences, qui n’étaient que du “chiqué”. C’était “prostituer” cette sublime invention que de l’utiliser dans un but théâtral!… Bref, la presse, sous je ne sais quelle influence, me fut hostile. Je n’en continuai pas moins et je n’eus pas à m’en repentir. Les jour­naux ont fort heureusement changé d’opinion aujourd’hui et personne ne s’en porte pas plus mal… pas même le cinéma, qui a tout le loisir d’être scientifique quand cela lui plaît.

Pourquoi ai-je créé plus de pièces fantastiques que d’autres? Uniquement parce qu’elles faisaient fureur auprès du public très mêlé de 1898. Ce public était parfai­tement incapable d’apprécier des films demandant, pour être compris, une certaine instruction, voire même un peu d’érudition.

Les forains voulaient de la nouveauté, de l’excentricité et des trucs.

En somme, comme tous les précurseurs, j’ai voulu aller trop vite en besogne, avant que l’éducation progressive des spectateurs ne fût faite. Mes films artistiques eurent, néanmoins, une carrière honorable auprès d’une clientèle plus choisie. Mais bien que beaucoup d’entre eux m’aient coûté un grand travail de recherches et de recons­titution, bien qu’ils fussent jolis, intéressants, ils produisirent certainement moins d’argent que mes films fantastiques.

Ce fut dans les films, genre Jules Verne, que je substituai aux anciennes toiles de fond et aux châssis de théâtre des constructions réelles en charpente, habillées et déco­rées, avec des premiers plans construits nature, comme dans les panoramas. J’obtins ainsi des effets beaucoup plus naturels, dans les grottes, rochers, vues sous-marines, incendies, écroulements, éruptions, etc…

Je puis dire, sans crainte d’être démenti, que je n’ai jamais cessé de chercher, d’in­venter et de perfectionner. Mon seul plaisir fut, pendant toute ma carrière, d’ajouter chaque semaine une trouvaille nouvelle à mon répertoire. Je fus pendant bien long­temps à l’abri de la concurrence jusqu’au moment fatal où mes “secrets” devinrent les secrets de Polichinelle.

Dans les nombreuses chroniques, en toutes langues, me concernant, j’ai lu bien souvent qu’on attribuait à ma pratique de la prestidigitation l’habileté que j’avais peu à peu acquise dans les truquages cinématographiques. Quelle erreur! Certes, la pres­tidigitation avait guidé mes goûts vers l’invention et vers les trucs. Mais combien dif­fèrent les procédés de ces deux arts! En prestidigitation on opère sous l’œil attentif du public, auquel aucun faux mouvement n’échappe. Vous êtes seul, on ne vous quitte pas des yeux. Aucun “raté” ne saurait être toléré… Tandis qu’au cinéma… on fait tran­quillement sa petite cuisine, loin des regards profanes, et on recommence trente-six fois, au besoin, jusqu’à ce qu’on ait réussi. Cela permet d’aller beaucoup plus loin dans le domaine du merveilleux.

De telle sorte qu’un certain nombre de ces trucs, péniblement exécutés l’un après l’autre et habilement raccordés, forment un film dans lequel l’opérateur semble doué d’une dextérité fantastique et d’une faculté merveilleuse d’exécution impeccable. Et pourtant! La plupart du temps, il a sué sang et eau avant de réaliser d’une façon par­faite le cas jugé impossible qu’il s’agissait de montrer aux yeux des spectateurs.

Je trouve, en passant, que le mot “truc” appliqué au cinéma, n’est pas exact. Il s’agit plutôt de procédés divers que de trucs proprement dits.

Voici un aperçu de mes vues à grand spectacle qui firent les plus fortes recettes : Cendrillon, Le Petit Chaperon Rouge, Barbe-Bleue, Robinson Crusoé, Faust, Faust aux Enfers, Le Barbier de Séville, Shakespeare, Le Voyage de Monsieur Bourichon, L’affaire Dreyfus, Le Couronnement d’Edouard VII, L’Éruption du Mont Pelé à la Martinique, La Civilisation à travers les Âges, Jeanne d’Arc, Le Pays des Libellules, Le Voyage dans la Lune, Le Palais des Mille et une Nuits, Cinq mille lieues sous les Mers, La Conquête du Pôle, Le Voyage à travers l’impossible, Le Tunnel sous la Manche, La Fée Carabosse, Gulliver et Lilliput chez les Géants, Les Quatre Cents Farces du Diable, Les Incendiaires, De Paris à Monte Carlo en deux heures (Folies Bergère), Le Déshabillage impossible, Le Cyclone (Châtelet), Le Fiacre Céleste. En Plein dans les Astres (Cigale), Le Menuet Lilliputien, L’Éventail Vivant, La Chrysa­lide et le Papillon d’Or, etc…, etc…

* * *

Qu’il me soit permis de rappeler que, vers 1907, la variété infinie des pas de perfora­tions et des pas des tambours d’entraînement empêchant chaque exploitant d’em­ployer indistinctement des films de toutes marques, deux Congrès internationaux furent décidés. Ils se tinrent tous deux, à peu de temps d’intervalle, en 1908 et 1909, à la Société de Photographie, rue de Clichy. J’eus l’honneur de présider ces deux Con­grès. J’ai gardé précieusement une grande photographie prise à l’issue du deuxième Congrès. On avait offert un banquet à Eastman, venu tout exprès d’Amérique. À ce banquet je pris la parole pour tâcher d’obtenir du grand potentat du film, à cette époque, une diminution du prix de la pellicule, qui nous semblait excessif.

Je couvris M. Eastman de louanges méritées et des fleurs de rhétorique obliga­toires, en français d’abord, puis en anglais, car il ne connaissait pas notre langue. Il me répondit par un très gracieux sourire et par un petit speech improvisé et charmant, que je traduisis aux convives. Mais il resta intraitable. Ce fut un four brillant.

J’ai cette photographie sous les yeux et je m’y vois encadré de MM. Gaumont, Pathé, Urban, de la Warwick Trading Co, Rogers, Vandal, Jourjon, Smith, de la maison Eastman, Prévôt, de la maison Pathé, May, Raleigh et Robert, Paul (de Londres), etc…, etc…, toutes célébrités de cette époque, et d’une quarantaine de délé­gués, italiens (parmi lesquels, Ambrosio), allemands, anglais et autres nationalités.

Voici donc deux points fixés. L’initiative de la fondation de la Chambre Syndicale fut prise par Georges Mendel, et j’en fus moi-même le fondateur et le premier président, comme je fus celui des deux premiers Congrès internationaux.

Voulez-vous une anecdote en passant? Elle est amusante :

Au deuxième Congrès, un des grands industriels, qui jusque-là s’était tenu à l’écart de la Chambre Syndicale, mais qui se décida à venir pour essayer de nous imposer l’unification des prix de vente, me prit assez violemment à parti. Je venais, en combat­tant ses arguments, de répondre : à mon avis, le cinématographe sera artistique, ou il ne sera pas! Donc, en matière d’art, impossible d’imposer un prix uniforme. Le prix dépend de la valeur du sujet, des interprètes et des frais qu’ils entraînent.”

Là-dessus, mon contradicteur me dit : “Voilà précisément votre erreur. Vous, Monsieur Méliès, vous voyez tout en artiste. Parfait! Aussi, vous ne serez jamais qu’un artiste et non un commerçant.”

Je lui répondis, très calme : “Monsieur, vous ne pouviez pas me décerner de plus bel éloge, car sans l’artiste qui crée et qui exécute, que ferait le commerçant et que vendrait-il? Je crois qu’il pourrait fermer sa boutique?” Et tout le monde de rire à cette boutade. Elle circula de bouche en bouche, et fut instantanément traduite en toutes les langues au milieu de l’hilarité générale.

Un mot pour finir cette petite étude rétrospective. M. Michel Coissac a écrit une histoire parfaitement documentée sur le cinématographe, il a eu l’amabilité de m’en offrir un exemplaire avec une dédicace si flatteuse que je ne résiste pas au plaisir de la citer. La voici : “À l’un des premiers et des meilleurs artisans du cinéma, M. Georges Méliès, rois des trucs, prince de la féérie et des transformations, cordial hommage. – Coissac, 30 septembre 1925.”

Certes, j’aurais mauvaise grâce à faire le moindre reproche à l’auteur. C’est un homme charmant qui m’a fait une fort belle place dans son ouvrage en s’excusant même, vu l’abondance des matières, de ne m’en pas faire une plus grande (page 381).

Mais n’oublions pas que nous parlons de faits historiques, de faits précis, pour les­quels aucun doute ne doit subsister.

Or, à la page 439, on lit :

“C’est à Georges Méliès, semble-t-il, que revient l’honneur d’avoir le premier groupé les éditeurs de films en Chambre Syndicale. Élu président, il exerça ces fonc­tions jusqu’en 1912, époque à laquelle, sur l’initiative de MM. Benoît-Lévy, Paul Kastor, Eugène Meignen, etc., s’établit une fusion des éditeurs loueurs et cons­tructeurs, et se fonda la Chambre Syndicale Française de la Cinématographie et des Industries qui s’y rattachent. M. Jules Demaria en fut élu président, etc…”

Ce “semble-t-il” me laisse rêveur. Pourquoi ce petit mot qui n’a l’air de rien, mais qui cependant est dubitatif, alors que l’auteur cite plus loin des témoins bien vivants encore. J’ai même eu le plaisir au banquet Lumière de serrer la main à l’un d’eux, M. Benoît-Lévy.

Au moment où je termine cet article, je reçois le numéro du 16 juillet du Ciné Journal, Le Journal du Film, et je lis : “On nous informe que le Président de la Répu­blique a bien voulu accepter d’inaugurer le premier Congrès international du Cinéma­tographe, etc…, etc… qui se tiendra à Paris du 27 septembre au 3 octobre de cette année.

Comment concilier ceci avec ce que je viens de dire. Évidemment, il y a erreur. C’est le troisième Congrès dont s’agit, non le premier.

* * *

Dans cette série de chroniques, j’ai retracé rapidement quelques points spéciaux des débuts de la cinématographie. Mais j’avais aussi un autre but, qui n’était pas, certes, de concurrencer la si complète histoire du cinéma écrite par M. Michel Coissac. Il était des plus simples. D’abord, je l’ai dit, il s’agissait de démontrer, en citant les noms et les faits, que l’industrie cinématographique était née en France. Les noms de MM. Lumière, Pathé, Gaumont, Demaria, Pirou, Parnaland, Jolly, Normandin, Mendel, etc… ainsi que le mien et que ceux des premiers artistes de cinéma sont des noms bien français. Je tenais aussi à prendre un peu la défense de ces pauvres pion­niers du cinéma qu’on raille ou qu’on oublie. On commet une véritable injustice, lors­qu’on nous lance dans certaines chroniques des phrases comme celle-ci: “Ces cinématographistes de la première heure étaient des “primitifs”, aptes, (…) 5 souvent obs­cènes, des pitreries ineptes, bonnes pour la foire aux pains d’épices, etc… etc…” et l’on termine invariablement par ces mots : “Que de progrès accomplis depuis!” De plus on s’acharne à ridiculiser le faible métrage des premiers films et à ne publier que quelques photos des tout premiers essais de scènes cinématographiques. On ajoute: “Il y a de quoi rire en voyant ces informes producteurs des gens si peu tristes et si peu qualifiés entre les mains desquels se trouva, à son début, le merveilleux instrument” et autres gentillesses du même genre…

Moi qui sais le travail acharné auquel nous nous sommes livrés, cela me fait tout simplement bondir.

Croit-on vraiment que nous étions encore des primitifs, après vingt ans de travail soutenu et de perfectionnements continuels? Ne sommes-nous pas les auteurs de la plupart de ces perfectionnements et des trouvailles que nos continuateurs utilisent aujourd’hui? Ne profite-t-on pas de nos travaux en trouvant aujourd’hui le matériel tout fait (ready for use, comme disent les Anglais) et la technique toute établie?

A-t-on le droit de nous accuser de ne pas avoir, les premiers, cherché à lancer le cinéma dans la voie artistique et dans la voie théâtrale? Non! Alors pourquoi nous appeler les “primitifs” avec un petit air de mépris? Est-ce pour faire la place plus belle à l’étranger?

Aujourd’hui, les progrès continuent, et ils continueront encore demain. L’industrie cinématographique progresse comme toutes les industries. Comment en serait-il au­trement? La division du travail fait du film, non pas l’œuvre d’un seul, mais celle des milliers de cerveaux. Toutes collaborent, de par le monde, au perfectionnement de la technique cinématographique.

Les principaux progrès techniques actuels, ne sont-ils pas dus, en grande partie, aux constructeurs d’appareils et aussi aux fameuses “industries qui se rattachent” à la cinématographie? Je veux parler principalement des fournisseurs d’éclairages électri­ques intenses, dont nous ne disposions pas. Il nous fallait se contenter de la lumière très variable du jour, corrigée par quelques rideaux. Les premiers essais de la lumière artificielle que je fis, avec 15 lampes à arc et 15 tubes au mercure, donnèrent, faute de puissance, un résultat médiocre. Je n’en cinématographiai pas moins, à la lumière, le fameux chanteur Paulus, dans sa chanson En Revenant de la Revue. Ce fut le premier essai de ce genre. Et je le réussis puisque le film passa longtemps à Ba-Ta-Clan avec accompagnement d’orchestre, alors que Paulus ne pouvant plus chanter était devenu directeur de cet établissement. Son apparition à l’écran était saluée chaque soir d’ovations chaleureuses. L’artiste devenu vieux et presque impotent venait saluer en personne à l’avant-scène. Cette vue fut prise au laboratoire du Passage de l’Opéra, dans un espace de deux mètres carrés.

En tous cas ce fut le début de la lumière artificielle appliquée au cinéma.

En ce qui me concerne personnellement, ayant conscience d’avoir toujours fait tous mes efforts pour produire des films artistiques et sortant de l’ordinaire, d’avoir créé une foule de procédés, d’avoir été simultanément auteur, metteur en scène, acteur, fa­bricant de matériel et d’accessoires, décorateur, d’avoir eu pendant de longues années une très grande notoriété, je proteste encore contre l’appellation de “primitif”, alors qu’on emploie partout le matériel et les procédés dont nous fûmes les créateurs.

Et maintenant, j’ai dit ce que j’avais sur le cœur. Je suis soulagé, n’en parlons plus! Mais, en terminant, je tiens à remercier Ciné-Journal, Le Journal du Film et M. Druhot, son aimable rédacteur en chef, de l’hospitalité qui m’a été accordée dans ces colonnes. Puisse la cinématographie théâtrale française être plus prospère que jamais!

Notes:

  1. À ce propos, Sadoul écrit : “L’œuvre de Méliès est d’autant plus considérable qu’il travaillait très vite. Mais on a eu tendance, à la fin de sa vie, à en exagérer l’impor­tance. On a répété une assertion reprise ensuite sans vérification, suivant laquelle il avait dirigé en 1896-1913 quatre mille films.” (Georges Méliès, op. cit. p. 65). Ce on c’est bien sûr Méliès lui-même! En fait, environ 500 Star films furent édités.
  2. Jacques Malthête, Les Plans du Premier Studio de Méliès (à paraître).
  3. J. Deslandes et J. Richard, Histoire Comparée du Cinéma, T. 2, Casterman, 1968, p. 487.
  4. Essai de Reconstitution… (op. cit.), p. 9
  5. Il manque ici une ou plusieurs lignes.