Correspondance
Lettre (26 novembre 1930) de Méliès à Drioux 1
Méliès lui fait part du décès de sa fille, Georgette Fontaine. L’article de Merritt Crawford a paru en français dans Le Nouvel Art Cinématographique (2e série, n° 6, avril 1930, pp. 36-46).
P.M. = “Passez-Muscade” (cf. lettre du 26 octobre 1929).
Paris, le 26 novembre 1930
Cher Monsieur
Le triste événement que je redoutais depuis si longtemps, s’est malheureusement produit le 29 août dernier. Ma pauvre fille est morte après deux ans et demi de maladie, et ses derniers mois lui ont causé des souffrances atroces, à tel point qu’elle demandait qu’on la tue, et que sa fin a été pour elle une délivrance. Il n’y avait plus d’espoir, de graves abcès s’étant en dernier, formés dans le cerveau. Elle a subi la trépanation 3 fois, mais une hémorragie cérébrale mortelle s’en est suivi.
Nous avons été si bousculés au moment de l’enterrement qui a eu lieu à Montreuil, alors qu’elle était décédée à Courbevoie, ce qui nous a causé des démarches à n’en plus finir, que, pressé par le temps, j’ai oublié ainsi que mon gendre d’ailleurs, nombre d’amis pour les lettres de faire-part. Excusez-nous donc, nous étions réellement débordés par les événements, et avons dû faire toutes les lettres en vitesse, à cause d’un dimanche où les lettres ne partaient pas. Quoi qu’il en soit, tout cela est bien triste pour moi. J’ai dû prendre ma petite-fille Madeleine, complètement avec moi, son père, artiste, étant constamment en voyage. La petite est très gentille, ma femme l’adore, mais cela me cause une grande fatigue, car je suis contraint, me couchant tard, de me lever de bonne heure tous les jours, pour la conduire a l’école. Enfin, que voulez-vous, il faut faire son devoir, et contre la mort, il n’y a malheureusement rien à faire. Merci pour votre aimable lettre, mais je sens que je ne me consolerai pas de la perte prématurée de celle qui fut pendant de longues années ma collaboratrice à Robert-Houdin et dans le cinéma.
On va donner le 10 décembre prochain un gala Méliès à Montreuil-sous-Bois, à l’Alhambra, avec certains de mes anciens films; et cela va préluder à une nouvelle campagne en ma faveur, par l’Ami du peuple — Réussira-t-elle cette fois? espérons.
En tout cas, l’historien américain du cinéma, Merritt Crawford, vient de publier pour moi, en anglais, et en espagnol pour les Amériques du Nord et du Sud, un article formidable, déjà reproduit par 50 journaux américains, et actuellement en cours de publication en français. Il ne mâche pas ses mots, et dit que la façon avec laquelle on traite le plus grand cinéaste du monde est tout bonnement une honte pour la France, et pour l’industrie française du film. Voilà qui va faire plaisir à mes persécuteurs. J’espère provoquer, grâce à cet article sensationnel, une campagne de l’Ami du peuple qui portera peut-être ses fruits. Nous verrons cela après la soirée prochaine du 10 décembre.
En attendant, je vends toujours mes bonbons, et les affaires sont, en ce moment, exécrables.
Cordialement à vous Georges Méliès
P.M. ne paraît donc plus du tout? Sa suppression est-elle momentanée ou définitive?
Notes:
- Madeleine Malthête-Méliès, op. cit., p. 405. ↩