6. Nationalisme
L’étude des quelques thèmes qui précèdent nous a permis d’attirer l’attention sur un certain nombre de sujets qui ont très rarement été l’objet premier des films: la religion, la science, l’urbanisation, etc. Nous ne voulions couvrir que des thèmes-clé abordés directement par les films. Cependant il convient de s’arrêter quelques instants sur un thème qui, tout en n’étant jamais abordé comme tel dans une œuvre, n’en constitue pas moins une donnée centrale de notre problématique: celui de l’affirmation nationale du groupe canadien-français et des moyens pris pour y parvenir. Parmi ceux-ci, parlons d’abord d’un aspect qui fut identifié souvent comme un signe de nationalisme : l’intérêt pour le patrimoine et le folklore.
6a. 1 et 6a. 2 : Patrimoine et folklore — première et deuxième périodes
S’il est un cliché qui a servi et sert encore à caractériser la production des Canadiens français durant les deux premières périodes, c’est bien celui du «folklorisme» : ceux qui lui adressent ce reproche entendent par là que les films versent dans le pittoresque et semblent désincarnés par rapport aux conditions réelles d’existence de la population.
On formulait de telles remarques à l’intérieur même de l’ONF. Nous avons évoqué au chapitre précédent les griefs de Gratien Gélinas: que les films transmettaient du Québec des images un peu méprisantes et souvent réductrices face à la réalité québécoise. On peut comprendre que des Canadiens anglais, séduits par cet exotisme de l’intérieur, jettent un œil touristique sur le Québec, soient enclins à la perception caricaturale, même sans méchanceté, et ne trouvent distinctives que ces manifestations un peu anciennes, si typiques; cela les dispense d’une analyse plus poussée de la réalité et conforte en même temps leurs préjugés.
Mais quels motifs peuvent animer des Canadiens français quand ils se comportent de même? Il faut d’abord reconnaître une chose. Chez la majorité des cinéastes, la référence ou l’attachement au folklore n’est pas quelque chose de primordial; cela ne constitue pas une base de repli où ils se sentiraient en sécurité; durant la première période d’ailleurs, ils y auront rarement recours. Ils sont sensibles à la question dans deux cadres particuliers: quand leurs films portent sur des questions agricoles ou sur l’artisanat; cela indique que, pour eux, folklore égale campagne, comme chez les premiers folkloristes qui assimilaient l’objet de leur étude à la paysannerie et déniaient l’existence d’un folklore urbain.
Dans le cas de l’artisanat, rien de plus naturel puisqu’il existe un lien entre ces objets physiques produits par des moyens traditionnels et l’ensemble du folklore d’un peuple. Pour ce qui est de l’agriculture, nous avons vu, en étudiant ce thème, que ce n’était pas là la caractéristique principale des films; on y retrouvait souvent une articulation ancienne / moderne propre à accroître l’efficacité pédagogique des films comme si le comportement folklorique pouvait être donné comme une image à dépasser. On pourrait avancer qu’un tel regard traduit un point de vue original qui proviendrait de l’appartenance linguistique de l’équipe de réalisation; la vague des films patrimoniaux et ethnographiques qui déferla sur le Québec à la fin des années soixante-dix nous a d’ailleurs indiqué tout le nationalisme sous-jacent à de telles entreprises.
Mais pour que cette hypothèse se vérifie, encore faudrait-il qu’elle soit partagée par un nombre significatif de cinéastes de la période qui nous intéresse. Or, tout comme pour le coopératisme, c’est un seul cinéaste — le même, Palardy — qui a marqué de façon constante et consciente son intérêt pour la connaissance, la préservation et la présentation de plusieurs aspects de la vie traditionnelle et de la culture populaire québécoises. Cette démarche, il l’avait déjà engagée — et la poursuivra — ailleurs qu’au cinéma.
Ce sont ses œuvres qui recèlent durant la deuxième période le plus de références folkloriques. Que l’on regarde LÀ-HAUT SUR CES MONTAGNES (1946) qui se déroule dans cette oasis mythique de traditions qu’est l’île d’Orléans et porte sur la musique traditionnelle, ÎLES DE LA MADELEINE (1952) où l’on met uniquement l’accent sur le mode de vie traditionnel des pêcheurs, TI-JEAN S’EN VA-T’AUX CHANTIERS qu’on nous présente comme un conte tiré des légendes québécoises, SOIRÉE DE CHANTIERS (1955) encore sur la musique et la chanson traditionnelle, toujours Palardy s’arrange pour que le patrimoine semble vivant et accessible.
Chez Palardy, cet intérêt sert à valider, par référence à la culture traditionnelle, l’originalité québécoise et sa place dans le tout social; ainsi cela devient une démarche d’affirmation nationale et d’arrimage historique, peut-être conservatrice, mais encore à contre-courant. Chez lui une telle orientation n’équivaut pas à défendre le repli sur soi puisque simultanément il propose des modèles de transformation comme le coopératisme. Ce volet de la sensibilité nationaliste touche donc très peu de cinéastes francophones.
6a. 3 : Patrimoine et folklore — troisième période
Avec la troisième période, le folklore n’intéresse à peu près plus personne. Personne ne semble manifester cette curiosité et cet amour qui animait Palardy. Garceau consacrera un film à une troupe de danse spécialisée, PLUMES AU VENT (1957). Mais c’est tout. Il est symptomatique même que dans la série Profils et paysages, la réalisation de MARIUS BARBEAU ET LE FOLKLORE CANADIEN-FRANÇAIS (1959) revienne à un cinéaste qui ne soit pas de l’ONF et qui n’y fera pas carrière, Réal Benoit. Le nationalisme qui s’affirme dorénavant ne veut plus se conjuguer avec l’idéologie de conservation dont un des piliers était les traditions nationales; il ne souhaite plus de telles références pour se situer, se rattacher, se garantir: il choisit dorénavant d’autres avenues d’affirmation et d’intégration.
6b : Autres avenues d’affirmation nationaliste
Nous avons vu, tout au long de cette recherche, que les cinéastes canadiens-français ont manifesté au fil des ans leur singularité par rapport à l’ensemble canadien tout en affichant certains rapports contradictoires avec la réalité sociopolitique du Québec. À strictement parler, tout ceci constitue des manifestations de nationalisme. Cependant il a moyen de spécifier cela davantage en recherchant des films qui font référence précisément à des traits dont on se sert pour définir la nation, y traduire son appartenance.
Ces traits sont naturellement aussi ambigus et complexes que la définition même du nationalisme. Il est d’ailleurs toujours plus difficile d’étudier le nationalisme à travers des attitudes ou des représentations communes ou propres aux différents groupes sociaux qu’à travers des discours idéologiques, comme c’est souvent le cas. Durant l’époque que nous couvrons, les cinéastes ont rarement recours dans leurs films à un nationalisme proclamé, organisé, structuré. C’est toujours beaucoup plus diffus. Ça se situe par exemple dans le choix de certains thèmes (culture, patrimoine, formes d’organisation sociale propres, etc.) ou dans certaines problématiques comme les manifestations nationales, la valorisation des valeurs léguées par le passé ou l’attachement à la mère patrie originelle et à sa culture, ce pôle de référence dont on se sert pour magnifier les modes particuliers de sa propre culture. Portons donc notre choix sur quelques signes évidents qui correspondent à des formes familières de nationalisme, par exemple la Saint-Jean-Baptiste et l’attachement à la France.
Durant la première période, trois «Reportages» font référence à la Saint-Jean-Baptiste et neuf à la France, mère patrie à défendre et à soutenir. Durant la seconde, la Saint-Jean disparaît et la France connaît pratiquement le même sort: on ne la retrouve que dans trois reportages de la série Sur le vif et quelques allusions épisodiques. Ces traits ont donc un statut assez secondaire.
6b. 3 : Autres avenues — troisième période
Avec cette période, tout change. Nous sommes, ne l’oublions pas, à une époque où de plus en plus de gens utilisent des notions à connotations nationalistes. On parle d’un retard à rattraper en matière de développement économique, de la nécessité pour la société québécoise de se posséder elle-même et d’orienter son avenir, du besoin d’enracinement de la population, de l’importance de restructurer un Québec nouveau au moment où les valeurs et les structures traditionnelles commencent à s’effondrer. Nous avons rencontré jusqu’à présent plusieurs de ces idées nationalistes nouvelles.
Si l’on retient, parmi les manifestations qui témoignent de la sensibilité nationaliste, nos deux précédents indicateurs, on voit que la Saint-Jean-Baptiste revient de l’avant tandis que la France occupe une place inégalée. Précisons auparavant un peu cette présence de la France. Elle ne se compare à celle d’aucun autre pays étranger; elle écrase les États-Unis qui font pourtant une percée avec trois films. Nous avions indiqué, au chapitre précédent, que dans le cadre de la série Panoramique, on avait voulu développer le thème du voyage en France si cher à une bonne partie de la petite-bourgeoisie intellectuelle canadienne-française 1.
Aller tourner en France (ou dans son prolongement américain Saint-Pierre et Miquelon) répondra non seulement à ce désir, mais aussi à celui de le faire partager aux spectateurs. Cependant l’intérêt pour la France ne se limite pas à y aller et à la montrer; on réfléchit à son rôle et sa présence dans notre histoire (cela inclut des films comme SIRE LE ROY N’A PLUS RIEN DIT ou CHAMPLAIN) et on porte attention à sa présence et à son influence dans le monde; LE NIGER. JEUNE RÉPUBLIQUE et ALGÉRIE 1962 — CHRONIQUE D’UN CONFLIT témoignent de cette nouvelle sensibilité francophone.
Toutefois c’est la série Ceux qui parlent français qui constitue le jalon le plus important. Un seul de ces films se déroule au Québec; deux se passent en Afrique (ROSE ET LANDRY et RENCONTRES À MITZIC), deux en France (LA FRANCE REVISITÉE et PETIT DISCOURS DE LA MÉTHODE) et un porte sur la France et l’Afrique (À L’HEURE DE LA DÉCOLONISATION). Initialement la série devait s’appeler «Civilisation française», ce qui en indique davantage la portée francophonique. Tâchons de la préciser en soulignant comment le projet traduit les préoccupations nationalistes des cinéastes.
Réfléchissant sur la notion de civilisation française, les cinéastes remarquent une différence fondamentale entre les pays de la «zone franc» et le Canada où l’influence de la France — politique, économique, technologique, etc. — ne se fait pas sentir de la même manière; on s’entend pour que la série aborde cette question tout en la dépassant. C’est pourquoi, pour trouver un dénominateur commun, on choisit la culture et on se demande si la culture française est pour les Canadiens français un musée ou une arme. Naturellement, estime-t-on, si c’est un musée, autant la laisser à sa place privilégiée, en France. Par conséquent il faut s’en servir comme une arme pour préserver et plus encore pour revivifier notre présence dans le contexte géographique, culturel et social nord-américain.
Affirmer, de ce point de vue, l’importance et la variété des aspects culturels, psychologiques et sociologiques de la civilisation française ne peut que renforcer la position propre du Canada français; cela le situe dans un espace, l’espace français, alors que certains tendent à lui nier au Canada même un espace propre, et cela confirme son appartenance à une mentalité fondée sur une langue commune. C’est tout cela que constate Hubert Aquin lorsqu’on lui demande de réagir à un rapport de recherches de Gilles Marcotte 2 et de formuler ses commentaires 3 :
Une chose est frappante: c’est le côté actuel, je dirais même existentiel de ce sujet. Le Canadien français est engagé réellement et profondément dans cette expérience de l’univers français. (…) Il a le sentiment de faire partie d’un grand ensemble culturel, politiquement démembré, et cette participation, qu’elle soit assumée ou même combattue, constitue un des éléments fondamentaux de la définition de notre société canadienne-française.
La dimension nationaliste française n’est pas la seule de la série, loin de là. On peut penser que la volonté d’évoquer l’histoire et l’ampleur de la pénétration culturelle française relève d’une quelconque anthropologie qui s’intéresserait à la diffusion culturelle en tant que phénomène précis; à la rigueur même, on peut y voir la contrepartie de la série anglophone Le Commonwealth 4 même si à nulle étape du projet on ne fit référence à cette série. En fait une analyse serrée des six films nous démontrerait la coexistence et l’interpénétration de ces différentes préoccupations qui ne se contredisent pas. C’est ce qui fait d’ailleurs sa grande richesse.
Prenons un autre exemple. La réalisation d’un film sur la Saint-Jean-Baptiste, JOUR DE JUIN (1958), peut sembler une occasion plus évidente pour les cinéastes d’afficher leur nationalisme et de témoigner de l’existence d’un peuple canadien-français. Le sujet va de soi. Mais il est un détail qui surprend. Dans un tel contexte, on aurait pu s’attendre à ce que les cinéastes ne ratent pas l’occasion de mettre en évidence le drapeau québécois comme ce serait le cas dix ans plus tard. Or on ne retiendra qu’une fois quelques images du drapeau comme élément décoratif du défilé.
Quelques hypothèses, qui peuvent être autant de raisons concordantes, expliqueraient ce quasi-effacement. Soit que les cinéastes veulent se démarquer de l’usage du drapeau que fait l’Union nationale et signifier que leur nationalisme n’est pas de cette nature. Soit que l’emblème national n’a pas encore la valeur symbolique qu’il aura par la suite dans le complexe doctrinal indépendantiste. Soit que les cinéastes n’estiment pas que sa présentation puisse engendrer une émotion collective du même niveau que la présentation de la Saint-Jean-Baptiste elle-même. Soit, tout banalement, parce qu’un tel recours à l’emblème patriotique ne correspond pas aux valeurs qui les animent et ne les intéresse donc pas.
On constate en fait que les affirmations nationalistes des cinéastes canadiens-français se déroulent très peu sur le terrain symbolique; la mystique du drapeau ou de l’hymne national ne semble pas les faire vibrer. Ils ne veulent pas obtenir l’adhésion de leur collectivité à une reconnaissance et à une découverte d’elle-même par des référents aussi traditionnels et aussi éculés. Ils sont davantage portés à témoigner de leur appartenance par des références concrètes; cela explique leur propension aux sujets sociologiques, même lorsqu’ils diront qu’ils ne veulent plus faire de la sociologie, entendant par là se référer à des études universitaires et des cadres d’approche préétablis 5.
Plusieurs cinéastes ressentent avec acuité leur état d’infériorité nationale, politique et économique, ce que certains qualifient, en ce début des années soixante, d’aliénation culturelle, de colonisation. Ils veulent rendre compte de la manière dont ils vivent ce problème global. Rappelons-nous les métaphores que nous avons repérées dans QUÉBEC-USA. Un film comme À SAINT-HENRI LE CINQ SEPTEMBRE peut aussi être perçu comme un exemple de cette volonté.
Constatons d’abord que ce n’est pas le seul film de direct des années 60 à se tourner vers les couches populaires. Pour certains, c’est là une manière de trouver le Canadien français réel, celui qui appartient au «monde ordinaire». Puisque l’idéologie traditionnelle a longtemps établi une équation entre la collectivité canadienne-française et la classe agricole, le néonationalisme cherche dorénavant à identifier cette collectivité avec la classe ouvrière et les milieux populaires; il imbrique allégeance de classe et allégeance nationale.
Pour d’autres cela permet de montrer que le Canadien français est colonisé au plan économique et politique, situation à laquelle correspond son aliénation religieuse et culturelle; on peut dire que Godbout et Aquin, membres de la revue Liberté, adhérents à cette idée; on peut penser que pour eux Saint-Henri possède tous les traits du Québec colonisé et que le filmer contribuera à en faire prendre conscience. D’ailleurs Godbout n’affirmait-il pas : «Il est une seule nation qui puisse survivre : celle dont les professeurs, intellectuels et écrivains forment la dynamique interne 6». Or il fait partie de cette catégorie dynamique qui veut jouer un rôle dans la prise de conscience des Québécois de leur situation d’opprimés.
Nous touchons là à un autre aspect de l’affirmation nationaliste des cinéastes onéfiens; ils veulent que leurs films puissent avoir un effet quelconque sans pour autant verser dans le propagandisme hérité de la tradition griersonnienne qui marquait les périodes précédentes. Les films de Groulx sont à ce titre exemplaires.
Qu’il utilise l’ironie, comme dans VOIR MIAMI où, en parlant des Canadiens français à Miami, il réfléchit sur la mythologie nord-américaine et sur l’articulation du Québec à celle-ci, qu’il soit plus direct comme dans la référence à l’émeute du Forum en 1955 suite à la suspension de Maurice Richard 7, ou encore plus clair comme dans LE CHAT DANS LE SAC avec le personnage de Claude, toujours Groulx veut faire un cinéma de prise de conscience et de réflexion sociale et nationale qui ne verse pas néanmoins dans le didactisme et ne se résume pas à quelques slogans.
Nous venons de voir quelques aspects de la dimension nationaliste chez les cinéastes. Il existe encore selon nous deux terrains privilégiés sur lesquels ils pourront affirmer au moins leur spécificité, au mieux leur nationalisme actif: les films qui portent sur la culture et sur l’histoire. Ce seront les deux derniers thèmes que nous aborderons.
Notes:
- Gérard Pelletier, op. cit, pp. 36-37, rappelle toute l’importance de ce quasi-pèlerinage qui permettait d’échapper à l’obscurantisme duplessiste et de se rapprocher des maîtres à penser, à voir et à sentir de sa génération : «Notre pôle intellectuel se situait au-delà de l’Atlantique, en France», écrit-il. ↩
- Gilles Marcotte, Civilisation française. Montréal, ONF, avril 1961, 25p. ↩
- Hubert Aquin, Civilisation française, Montréal, ONF, 1961. p.1. Il convient de rapprocher cette phrase d’Aquin, comme tout ce qui porte sur le projet «Civilisation française», de l’opinion qu’énonce souvent Boissonnault dans sa thèse (vg pp. 305, 317), à savoir que l’ouverture aux problèmes internationaux vise à moderniser la culture canadienne-française et à intégrer concrètement le Québec au Canada. Il résume sa pensée en ces termes : «Pour les cinéastes, s’ouvrir à l’universel sans enracinement c’est se dissoudre dans une réalité abstraite qui sert un régime donné» (Op. cit, p. 318). Nous croyons que cet auteur, pour avancer ces idées, n’a analysé de près ni le contenu des films à sujets internationaux, ni les discours tenus par les cinéastes au moment de leur réalisation. Il se laisse trop guider par les interprétations et l’animosité que manifestent les cinéastes qu’il interroge à rencontre de l’ONF et de Pierre Juneau. ↩
- Cette série de 1957 comprend treize films d’une nature très différente de Ceux qui parlent français. ↩
- Cette attitude indique autant la pénétration dans leurs méthodes de travail des acquis des sciences sociales que l’intégration de certaines démarches philosophiques, notamment la phénoménologie qui non seulement recherche les essences des choses mais aussi tend à les replacer dans l’existence et, sur un terrain plus factuel, s’essaie à rendre compte du temps, de l’espace, de l’existence et du monde vécus. Il y a dans cette volonté des cinéastes de témoigner de leur vécu et de celui de leur société une sorte de vulgarisation d’une démarche qui alimente en ces années-là les penseurs d’ici. Cela nous permet de comprendre également quels rapports s’établissent entre l’expérience vécue — raison interne — et la réalité d’un champ collectif déterminé — raisons externes. ↩
- «Notes éditoriales», Liberté, novembre-décembre 1960, p. 317. ↩
- Cette référence fit d’ailleurs fort problème. Laconiquement, dans un Mémorandum adressé à Bobet le 10 juillet 1963, Juneau écrit qu’il n’est pas d’accord avec le commentaire de la séquence de l’émeute. «Nous sommes conscients que cet aspect nationaliste enlève un peu de son caractère universel à la séquence», lui répond Bobet le 14 janvier 1965. Pour ne pas devoir amputer toute la séquence comme le souhaiterait des hauts dirigeants, Bobet propose d’éliminer les allusions à Clarence Campbell ainsi que toute référence française-anglaise. Ce qui fut fait. Cela ne changea rien naturellement car la dimension nationaliste de l’événement n’appartenait pas au film mais à l’histoire et il demeurait perçu comme tel dans la mémoire collective. ↩