La Cinémathèque québécoise

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Textes et essais

Regard sur une pratique méconnue. Subvention de Jeunesse Canada au Travail pour le traitement de la collection de films : projet en vue du retrait d’inventaire

mars 2017

par Eva Létourneau

Inspection manuelle d’un film 16mm sur table lumineuse.

Suite à la fin de ma maîtrise en Photographic and Film Preservation and Collections Management à l’Université Ryerson de Toronto, une subvention du programme Jeunesse Canada au travail m’a permis d’occuper le poste de technicienne à la conservation de la collection de cinéma, télévision et nouveaux médias (CTNM) à la Cinémathèque québécoise de novembre 2016 à mars 2017. L’ouverture de ce poste visait principalement à contribuer à un projet d’élagage dans les réserves de la Cinémathèque québécoise. Cette opération d’une ampleur considérable était en effet devenue récemment nécessaire comme une des solutions visant à résoudre l’important problème de pénurie d’espace qui menace les réserves de la Cinémathèque, comme celles d’ailleurs de toutes les institutions dont le mandat est de collecter et de conserver. À cette première fonction se sont ajoutées au fil des mois de nombreuses tâches allant du réétiquetage des films d’une des réserves, à l’inspection et au catalogage d’une collection de films 8 mm de Stan Brakhage auparavant cataloguée en lot, ainsi qu’à l’enseignement d’une leçon sur la conservation du film dans le contexte d’un séminaire de maîtrise à l’Université de Montréal.

Lot de films 8 mm non catalogués de Stan Brakhage.
Inspection physique d’une pellicule film 8mm.

Si l’élagage n’est souvent vu que comme un mal nécessaire, il faut rappeler qu’il permet de tonifier les collections en retirant les éléments qui sont incomplets, en mauvais état ou qui n’entrent plus dans les politiques d’acquisition de l’institution, et ce en plus d’assurer la capacité de l’archive à accepter de nouvelles acquisitions. Il est toutefois complexe et demande un travail préparatoire rigoureux propre à faciliter la prise de  décision. C’est à cette étape du processus que j’ai été impliquée dans le projet. Mes tâches consistaient principalement à inspecter les éléments, à récolter les données sur la condition physique des copies, à confirmer les informations sur les œuvres et à les reporter dans la base de données afin que soit déterminée la pertinence de l’élagage pour chaque élément étudié et que je puisse procéder soit à son retrait définitif ou à sa conservation au sein de la collection.

Inspection d’un film sur la table de montage.
Table de montage Prevost, permettant l’inspection des films 35mm et 16mm de nos collections.

Si mon travail visait d’abord l’évaluation d’un fonds de films étrangers déposés par un distributeur dans les années 1980, fonds constitué d’une multitude de films pornographiques en très mauvais état, j’ai été amenée vers le milieu de mon contrat à me concentrer sur un don de plus de 600 films polonais non catalogués. Acquis il y a plus d’une vingtaine d’années, ce dernier occupait une rangée presque complète dans les réserves de la Cinémathèque, espace maintenant requis pour l’entreposage de nouvelles acquisitions.

Au début du projet, le lot de 600 films polonais occupe la quasi-totalité de l’une de nos rangées.
A mi-parcours, la rangée se vide progressivement.
Suite au retrait d’inventaire de plus de 400 titres, l’espace dans la rangée est presque totalement libéré.

Le traitement d’un tel lot demandait une préparation différente; des recherches préalables étaient d’abord nécessaires pour confirmer si l’inventaire sommaire qui en existait correspondait à ce qui se trouvait sur les tablettes. Un inventaire bonifié qui fut long et parfois laborieux à réaliser aura finalement dû être produit avant qu’il soit possible d’amorcer le travail sur les films. Une des difficultés à ce propos était que la liste transcrite à l’ordinateur à laquelle je devais me référer contenait les titres traduits en français sans leur version polonaise d’origine, alors que mes recherches demandaient plutôt de partir des titres originaux en polonais pour en identifier le sujet et le réalisateur. Les contenants étant eux-aussi identifiés en polonais, j’ai donc dû jumeler les films sur les tablettes avec les titres sur ma liste pour parvenir à confirmer ce qui était réellement dans les réserves. J’ai ainsi eu à noter item par item tout ce qui se trouvait sur chaque tablette pour que l’emplacement exact de chaque film soit aussi inventorié, ce qui allait faciliter le traitement ultérieur du lot. Si une partie d’entre eux avait été numérotée, ce qui simplifia ma tâche, plusieurs étaient cependant dépourvus de toute identification, ce qui a requis qu’ils soient sortis des réserves, acclimatés, puis inspectés à la main afin de trouver des données permettant de les identifier.

Table pour l’inspection manuelle des films.

Rassembler toutes les informations possibles sur une même liste était donc la première étape à effectuer pour traiter efficacement le lot, une pré-sélection des titres à élaguer pouvant ensuite être faite d’après les recherches préliminaires sur les films pour juger de leur pertinence dans la collection de la Cinémathèque québécoise. Ce tri initial fut l’occasion de sortir des réserves plusieurs lots de films en vue de l’élagage suite à l’approbation de l’archiviste des collections CTNM et du directeur de la préservation et de l’accès aux collections. Puis il fallait finalement procéder à une dernière vérification pour confirmer que les titres inscrits sur les contenants correspondaient bien à ceux des films qui s’y trouvaient, car dans le cas de lots qui n’ont pas été catalogués à leur réception, des erreurs de ce type peuvent survenir. Outre la sélection des titres à élaguer, cet inventaire aura aussi permis de faire un choix des films à conserver pour la programmation. Les programmateurs de la Cinémathèque ont ainsi pu retenir les œuvres qui leur semblaient d’intérêt et valider avec l’archiviste celles qui devaient être conservées. Quelques titres désirés pour des projections prochaines ont déjà été inspectés et catalogués et éventuellement le même travail sera fait sur tous ceux qui restent pour les incorporer dans la base de données de la collection. L’inventaire créé en début de projet et mis à jour suite à ces interventions d’élagage et de catalogage servira ainsi temporairement d’outil principal pour localiser les titres restants dans les réserves.

Inspection d’un film sur table de montage, à Boucherville.

L’ensemble de l’opération aura finalement mené au retrait de près de 450 titres et permis de libérer une rangée presque complète dans les réserves, le lot occupant maintenant un peu moins de cinq tablettes au lieu des 14 tablettes initiales. Ces espaces précieux maintenant dégagés pourront dorénavant accueillir les nouveaux éléments qui sont continuellement intégrés à la collection. Il importe enfin de souligner qu’en plus de servir à dégager l’espace de rangement, le traitement d’un tel lot permet de mettre les inventaires à jour et d’ainsi nous assurer que les films d’intérêt soient identifiés et rendus accessibles pour les autres activités de la Cinémathèque. Ce travail contribue donc à mettre en valeur la collection et à assurer sa vitalité. L’action d’élaguer nous semblant opposée à la nature profonde de notre travail; c’est toujours avec un petit pincement au cœur que l’on se défait de copies de films, mais nous apprécions l’importance et la pertinence de le faire pour le devenir des collections.

La Cinémathèque québécoise remercie Eva Letourneau, le programme Jeunesse Canada au Travail ainsi que l’équipe des collections Cinéma, Télévision et Nouveaux Médias pour avoir permis l’avancement remarquable de ce projet.

 

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