La Cinémathèque québécoise

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Nouvelles Acquisitions

La Cinémathèque québécoise acquiert des films ainsi que des archives et documents afférents à ceux-ci, des fonds d’archives de personnalités ou d’organisations, des appareils et des artefacts documentant l’évolution des techniques et des technologies des images en mouvements. Nous présentons ici certaines des acquisitions récentes ou autres nouvelles concernant le traitement de fonds importants.

Le « Cinépuce » de Maurice Blackburn

février 2016

par Marco de Blois

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Le Cinépuce, petit théâtre portatif inventé par Maurice Blackburn en 1959 – Hauteur : 41 cm, Largeur : 15 cm, Profondeur : 26 cm – Coll. Cinémathèque québécoise – 2014.0018.01-06.OB
Installé devant la petite ouverture figurant une scène, le spectateur pouvait y regarder un petit écran de verre, éclairé de l’arrière.

Du compositeur Maurice Blackburn (1914-1988), nous connaissons ses collaborations fructueuses avec Norman McLaren, qui ont mené à des œuvres célèbres comme Blinkity Blank (1955), Pas de deux (1968) et Narcisse (1983). Blackburn a aussi participé à de nombreux films de fiction et documentaires produits à l’Office national du film du Canada (ONF), parmi lesquels il faut nommer Jour après jour de Clément Perron (1962), Mourir à tue-tête d’Anne Claire Poirier (1979) et Cordélia de Jean Beaudin (1979). Il a aussi composé de la musique pour le théâtre et signé des œuvres pour orchestres. Puisant autant dans la tradition folklorique que dans la musique contemporaine, l’œuvre de Blackburn est indissociable d’une part importante du patrimoine cinématographique québécois et canadien. Nul doute que de penser la composition musicale comme un élément organique de l’ensemble du film a marqué les générations suivantes de concepteurs sonores.

Sa femme, Marthe Morrisset (1916-1991), s’est illustrée dans le cinéma féministe québécois comme scénariste. Elle a participé à la série produite par l’ONF « En tant que femmes » (1973-1975). Collaboratrice d’Anne-Claire Poirier, elle a notamment écrit avec celle-ci le scénario de Mourir à tue-tête (1979). On retiendra également qu’elle a travaillé pour la Société Radio-Canada, ayant ainsi signé le scénario d’épisodes de la série pour enfants mettant en vedette la célèbre marionnette Bobinette.

Pour un centre d’archives comme la Cinémathèque québécoise, il est intéressant de documenter les activités d’artistes hors du commun comme le furent Maurice Blackburn et Marthe Morrisset, même si celles-ci ne relèvent pas directement de la production cinématographique ou télévisuelle. Ainsi, le « Cinépuce », qui nous a été donné par leur petite-fille Viviane Rochon, est un artefact précieux qui documente non seulement l’ingéniosité des artistes, mais aussi leur amour de la culture, du cinéma, des arts de la représentation et de l’importance que revêtait pour eux la qualité de la vie familiale.

Le Cinépuce est un théâtre de marionnettes ayant été fabriqué par Maurice Blackburn en 1959. L’appareil, de petite taille, est construit à partir d’une « boîte à pain », un article qui se trouvait communément dans toutes les cuisines de l’époque. Le « marionnettiste » déplaçait les éléments du spectacle (papier, carton et acétate) sur un petit banc-titre constitué de quatre niveaux translucides. Les images ainsi formées étaient ensuite reflétées à l’aide d’un système de lentilles et de miroirs sur le petit écran du Cinépuce (ayant « la grosseur d’un timbre-poste » selon les mots de Maurice et Marthe Blackburn). Ambidextre, Maurice Blackburn pouvait d’une main faire bouger les éléments du spectacle et, de l’autre, produire les effets sonores.

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Arrière du Cinépuce (Maurice Blackburn) – Hauteur : 41 cm, Largeur : 15 cm, Profondeur : 26 cm – Coll. Cinémathèque québécoise – 2014.0018.01-06.OB
Un cadre horizontal composé de plaques de verre empilées permettait au « marionnettiste » d’insérer des dessins sur quatre niveaux. Ce dernier pouvait ainsi avoir les titres, décors et personnages sur quatre plans indépendants. Les images formées étaient ensuite reflétées à l’aide d’un système de lentilles et de miroirs sur le petit écran à l’avant.

Évoquant aussi bien le praxinoscope-théâtre d’Émile Reynaud que le cinéma de Lotte Reiniger, le Cinépuce était conçu pour un seul participant à la fois. Spectatrice privilégiée, Esther Rochon, fille de Maurice Blackburn, se rappelle avec bonheur que l’une des représentations s’intitulait Geneviève de Brabant, un conte se déroulant au Moyen-Âge. L’acquisition comprend d‘ailleurs des éléments originaux réalisés pour ce spectacle.

Au-delà du cercle familial, le Cinépuce avait une certaine renommée. Ainsi, d’après le document de présentation nous ayant été remis par Mme Rochon, nous apprenons que « [la] maison était bien fréquentée par des cinéastes, écrivains et gens du milieu des arts. On pourrait nommer entre autres les cinéastes Norman McLaren, Claude Jutra, Anne-Claire Poirier, Evelyn Lambart, les écrivaines Anne Hébert et Monique Bosco, les peintres Jean-Paul Lemieux, Fernand Toupin et James Guitet, le sculpteur Charles Daudelin, le galeriste Gilles Corbeil, le cinéaste tchèque Bretislav Pojar, l’inventeur de l’écran d’épingles Alexandre Alexeïeff : tous connaissaient le Cinépuce parce qu’ils venaient souvent chez nous. »

L’appareil a été donné à la Cinémathèque québécoise dans la foulée de l’hommage ayant été rendu à Maurice Blackburn en septembre 2014 en collaboration avec la musicologue Louise Cloutier, spécialiste de son œuvre.

Marco de Blois, Programmateur-conservateur, cinéma, télévision et nouveaux médias — volet animation

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Matériel pour la présentation du spectacle Geneviève de Brabant sur le Cinépuce inventé par Maurice Blackburn : décors, personnages et notes manuscrites pour la manipulation des pièces, des panneaux explicatifs, des décors et de l’éclairage – Coll. Cinémathèque québécoise – 2014.0024.OB