Documents d’Edward Sturlis et de Pierre Valcour (Fonds Pierre Valcour)
Dans le cadre de notre travail, il est assez courant qu’une proposition de donation contribue à enrichir notre connaissance de l’histoire de la discipline à laquelle nous sommes rattachés. Cela confère aux artefacts proposés une grande valeur documentaire. C’est le cas, notamment, de documents dont nous avons fait l’acquisition en 2014 et qui concernent l’œuvre du cinéaste d’animation polonais Edward Sturlis (1927-1980).
Edward Sturlis était surtout connu comme spécialiste de l’animation de marionnettes. Il a réalisé une vingtaine de courts métrages au studio Se-Ma-For de Lodz et a de même participé à la célèbre série pour enfants coproduite avec la France, Colargol. Son œuvre dessinée et en papiers découpés est moins abondante.
Au Québec, il a réalisé, à l’aide de la technique des papiers découpés, 20 courts métrages d’animation d’une durée de trois minutes chacun pour le compte de la société Ciné-Mundo de Pierre Valcour. Destinées à la jeunesse, ces productions se distinguent par un humour tendre et un brin absurde. Datant de 1975 et 1976, les épisodes ont été tournés de façon artisanale dans le presbytère de l’église Sainte-Brigide à Montréal.
Le donateur, Bertrand Morin, est le fils du producteur et acteur Pierre Valcour (né Norbert Morin) décédé en 2012. Les artefacts, qui se trouvaient dans les archives de son père, mettent en lumière la collaboration professionnelle de celui-ci avec un cinéaste d’animation polonais, Edward Sturlis.
La donation se compose de 16 collages originaux de la série (les papiers découpés ayant été collés sur les feuilles de décor), de quelques documents (scénarios et esquisses) pour un long métrage d’animation n’ayant pas été tourné et de deux photos. En raison de la technique utilisée par Sturlis pour cette série (les papiers découpés), les dessins offerts sont les rares artefacts subsistants des épisodes (les papiers découpés sont une technique dite « directe », ne reposant pas sur le principe de la substitution comme celle des cellulos).
À cela s’ajoute une correspondance particulièrement intéressante. Allant de 1977 à 1981, elle témoigne des liens amicaux et professionnels entre Pierre Valcour et Edward Sturlis tout en jetant un éclairage sur les difficultés de soutenir la production d’un long métrage d’animation au Québec dans les années 1970. Sturlis déborde d’idées et d’enthousiasme en ce qui concerne le long métrage qu’il veut réaliser (le titre provisoire, d’après le scénario faisant partie de la donation, est Histoire d’un château de contes de fées) tandis que Valcour fait état de sa prudence et des embûches qui se présentent. Son pessimisme quant à la faisabilité du projet devient plus manifeste au fur et à mesure des échanges.
Passionnante, la correspondance se termine abruptement par un faire-part à la fois émouvant et bref, daté de décembre 1980, qui indique : « Notre cher Edward est mort ».
Cet aspect de la carrière de Sturlis – c’est-à-dire sa collaboration avec un producteur québécois – est méconnu. La donation de M. Morin documente une part de l’histoire de la production d’animation indépendante au Québec. Elle témoigne de l’enthousiasme et de l’ambition d’un cinéaste et de son producteur, tout en mettant en évidence les contraintes qui sévissaient à l’époque.